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Boualem Sansal. Le mauvais sort des lanceurs d’alerte

Boualem Sansal est détenu depuis le 23 novembre par le régime algérien. Il avait été arrêté une semaine avant, le 16 novembre, à l’aéroport d’Alger en provenance de Paris. Le dissident franco-algérien, pourfendeur du régime et de l’obscurantisme islamiste, n’avait pas renoncé à retourner régulièrement dans son pays d’origine. Il est désormais accusé d’« intelligence avec l'ennemi »… Quel « ennemi » donc ? Le Maroc, bien sûr, et par ricochet la France autour du litigieux Sahara occidental ; l’écrivain s’en était mêlé, tout comme Macron plus tard – avec des conséquences différentes.

Ce « Soljenitsyne de l’islamisme », comme l’a fort justement qualifié Philippe de Villiers, est en effet l'une des voix les plus lucides et courageuses de notre temps. Décryptant dès 2013 , notamment dans dans Gouverner au nom d’Allah, les mécanismes d'une islamisation progressive des sociétés, de l'Algérie à l’Europe, Boualem Sansal prédisait qu'un «totalitarisme islamique était plausible dans les cinquante ans ». « Le véritable danger », alertait-il, « n'est pas tant l'islamisme djihadiste que l'entrisme patient des Frères musulmans ». Une mise en garde dont le déni déplorable du politiquement correct se vérifie chaque jour ou presque, hélas !

Sur l'antisémitisme arabo-musulman, Boualem Sansal osait poser la question qui fâche : « Les Algériens et le monde arabo-musulman peuvent-ils se libérer de leur addiction à l'antisémitisme ? ». Réponse dans la question, de quoi déclencher déjà les foudres d'un régime hostile à la moindre voix dissidente…

Parmi ses livres, censurés en Algérie, Le village de l’Allemand (2008), invoque à la fois la Shoah, la guerre civile en Algérie et la vie des Algériens dans les banlieues françaises. Dans 2084, la fin du monde, Grand Prix du roman de l’Académie française 2015, il dénonce la menace du radicalisme religieux pour les démocraties, en imaginant l’islamisme au pouvoir. Comme dans le 1984 de George Orwell, le système fonctionne sur la terreur, la surveillance et la police de la Pensée.

En Algérie, les menaces ont redoublé depuis qu’il s’est rendu en Israël pour recevoir un prix littéraire, en 2014. Boualem Sansal se défend inlassablement des soupçons d’islamophobie. « Je n’ai jamais dit quoi que ce soit contre l’islam qui justifierait cette accusation » mais, « ce que je n’ai cessé de dénoncer, c’est l’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques et sociales », expliquait-il à l’AFP en 2017.

Il en est ainsi de ces lanceurs d’alerte promis au silence par emprisonnement. Boualem Sansal rejoint dans l’enfermement les Paul Watson, Edward Snowden, Julian Assange, Daniel Ellsberg ou encore l’assassiné Alexeï Navalny. Qu’il s’agisse de défendre les océans, de dénoncer les systèmes de surveillance états-uniens du Pentagone et de la NSA, de la Russie poutinienne, des talibans afghans, des mollah iraniens – et on n’en finirait pas d’égrener la liste des régimes politiques de par le monde, si même des exceptions pouvaient réellement exister…

Parmi les défenseurs actuels de Boualem Sansal, il faut distinguer en particulier Kamel Daoud, son « frère jumeau » qui s’interdit désormais tout retour en Algérie. En 2020, cet autre poufendeur de l’intégrisme religieux convoquait ses souvenirs de la terreur islamiste : « Souvenirs de la guerre d’Algérie. Pas celle de la colonisation – je n’étais pas encore né – mais celle des années 1990, récente, si présente, mal soldée, aujourd’hui mondiale ».

Boualem Sansal, en avril 2012, dans le cursus d’anthropologie que je suivais alors à Aix-en-Provence, invité par Christian Bromberger – entre autres spécialiste de la société iranienne. (Ph. GP)

En lire davantage : envoyer Sansal et Daoud dans la case de recherche

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

Une réflexion sur “Boualem Sansal. Le mauvais sort des lanceurs d’alerte

  • Gian

    L’entrisme des Frères va de pair avec l’at­ten­tisme des musul­mans de base.

    Répondre

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