philosophie

Michel Onfray. Philosophie en deçà, erreur au-delà

Par Gérard Bérilley

Temps de lecture ± 10 mn

[dropcap]Les[/dropcap] OGM, le nucléaire, la pédagogie, l’astrophysique, le journalisme, Johnny Halliday, le viol, le genre, Brigitte Bardot, le cancer, la poésie… et même la philosophie – la sienne surtout. Il parle de tout, émet ses avis sur tout, se montre partout, ou presque. Michel Onfray se commet sans réserve, avec aplomb et brio, à flux continu tant à l’oral – débit record – qu’à l’écrit – cent bouquins publiés et vendus jusque chez Carrefour. En abordant tous les sujets possibles, évidemment, il prend quelques risques, dont celui du survol, de l’approximation, voire du fourvoiement. Pourtant, il affronte assez peu la critique directe si ce n’est celles, isolées, émises par des spécialistes dans leurs domaines respectifs et en dehors des médias dominants qui préservent leur bon client. Cette fois, c’est dans une préface au livre de Henry David Thoreau, Walden ou la Vie dans les bois, que Michel Onfray se risque à un manichéisme fort peu philosophique, ainsi que le démontre ici Gérard Bérilley. GP

[dropcap]Il[/dropcap] y a quelques jours, lors d’une vente de livres au profit d’Amnesty International, je découvris et achetai une traduction que je ne connaissais pas du célèbre livre de Henry David Thoreau Walden ou la vie dans les bois.[ref] Traduction de Germaine Landré-Augier, Aubier, Paris, 1967, et republiée aux éditions Climats Flammarion en 2015.[/ref] Sur la belle première page de couverture – reproduction d’une peinture illustrant la cabane de Thoreau sous la neige, il est spécifié que la préface est de Michel Onfray.

Curieux du contenu de cette préface, j’en pris connaissance aussitôt. Michel Onfray la débute fortement en citant la phrase de Thoreau : « Il existe de nos jours des professeurs de philosophie, mais de philosophes, point. » Malheureusement, cette phrase avec laquelle l’on pourrait aisément être en accord vu le verbiage ambiant, dans les médias, de tout ce qui se prétend philosophe, lui sert pour critiquer tout ce qu’il croit ne pas être lui, et il s’en prend immédiatement à Gilles Deleuze pour qui un philosophe est un créateur de concepts et/ou de personnages conceptuels. Il poursuit :

« Si le philosophe est un créateur de concepts, alors son domaine d’action se limite à son bureau, sa sagesse est faite d’un assemblage de morceaux choisis des livres de sa bibliothèque, sa vie se résume aux cours et aux séminaires qu’il professe du haut de son estrade et son existence se confond avec ce qu’il a écrit.

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« Le grand philosophe selon cette définition peut donc ne jamais sortir de son village, comme Kant, mais parler tout de même pour la planète entière ; il peut ne jamais regarder le monde, comme Heidegger, mais se soucier des livres qui disent le monde et croire que tout ce qui est se résume à ce qui a été dit de ce qui est ; il peut pérorer sur des idées comme Sartre, et n’avoir jamais pris la peine de lever son nez des pages du livre en cours. Ces façons de faire conduisent souvent à dire des bêtises, voire à en faire … »

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Comment peut-on écrire, et sans problème de conscience, de probité, publier des phrases pareilles ? Ces phrases pour le moins délirantes, qui sont tout sauf de la pensée, en disent plus sur son auteur que sur tous ceux qu’il critique. Comme si souvent, trop souvent, ce que l’un ne supporte pas chez les autres c’est ce dont il en est envieux ou ce qui chez eux fait miroir déplaisant pour lui-même. C’est ce qui se passe ici pour Michel Onfray, dont plus d’une fois, et depuis longtemps, beaucoup de ses propos m’ont semblé issus du ressentiment, et rien que du ressentiment, et c’en est le cas ici.

Quant à moi, il ne me dérange en rien qu’il y ait au moins ces deux sortes de philosophes : ceux qui n’ont jamais inventé un seul concept et qui ont essayé de vivre leur vie « philosophiquement » à la manière des stoïciens, des épicuriens, ou de toute autre école de pensée, et ceux qui ont inventé des concepts, les ont fait jouer entre eux, pour essayer de comprendre le Monde et d’en révéler les fondements, ce que fait aussi d’une autre manière la dimension du Poétique dans son acception la plus noble. Où est le problème à ce qu’il existe au moins ces deux façons de vivre la philosophie, la pensée, et d’en faire œuvres, et pourquoi d’ailleurs dénier à l’une façon ce qu’apporte l’autre ? Pourquoi le créateur de concepts ne vivrait-il pas « philosophiquement » à la façon prônée par Onfray lui-même, et qu’en sait-il d’ailleurs ? Il faut bien être présomptueux, il me semble, pour savoir ce qu’il en est de l’intériorité de l’autre, de sa vie quotidienne et de ses obligations « domestiques » pour parler comme Montaigne.

En quoi le fait d’être créateur de concepts implique-t-il que son domaine d’action soit son bureau et se limite à son bureau, que sa sagesse ne soit faite que des morceaux assemblés des livres de sa bibliothèque, et tout le reste évoqué par Michel Onfray ? Quel est le rapport dans tout cela, sinon des relations entre les choses qui n’existent que sous l’effet du ressentiment, de la pure criticomanie ?

Michel Onfray oublie tout simplement, par exemple, que Nietzsche, dont il se réfère si souvent et bien souvent aussi à tort, a toujours pensé en marchant ; il a passé une grande partie de sa vie de souffrance en errant de chambre meublée en chambre meublée avec une ou deux malles emplies de livres. Ce Nietzsche sans bureau a été un formidable créateur de concepts fondamentaux dont il a fait l’analyse et qui nous servent à penser le passé et le devenir de l’humanité : le ressentiment, la mauvaise conscience, l’idéal ascétique, la mort de Dieu, le dernier homme, le nihilisme, la Volonté vers la puissance avec ses forces actives et réactives, la transmutation des valeurs, l’Eternel Retour et le Surhumain, Dionysos contre le Crucifié, etc. Non seulement de concepts mais aussi de personnages conceptuels : son Zarathoustra en premier lieu, avec ses animaux – l’Aigle et le Serpent, et tous les personnages qu’il rencontre et qui peuplent ce livre génial, ce livre « pour tous et pour personne ».[ref] Le meilleur moyen de comprendre Nietzsche me semble être la lecture du petit et si éclairant livre de Gilles Deleuze Nietzsche aux Presses Universitaires de France, dans la collection « philosophes ».[/ref]

Et si vraiment Onfray avait lu, et compris naturellement, Nietzsche, il saurait que la philosophie, dans son exigence, n’est point seulement une recherche de sagesse ou de vie sage, mais qu’au contraire elle peut même être une critique de cette volonté de sagesse, ce qu’a fait justement Nietzsche en dénonçant, révélant que cette recherche, cette volonté de sagesse, était le symptôme d’une vie déclinante, un symptôme et une illustration même du nihilisme. Pour Nietzsche, Epicure était une alternative au Christ dans une vie décadente, déclinante, mais n’en était pas moins le symptôme lui aussi d’une telle vie, d’une telle période historique décadente.

Un philosophe peut très bien n’être jamais sorti de son village, et alors ? Comme un imbécile total peut avoir fait dix fois le tour du monde. Je rappelle quand même que Henry David Thoreau, dont Michel Onfray fait ici la préface de Walden, n’est pour ainsi dire jamais sorti de Concord ! En a-t-il été moins philosophe pour cela, philosophe selon la définition de Michel Onfray ? Il ne s’agit pas de « parler tout de même pour la planète entière », mais savoir seulement que l’on porte en soi l’humaine condition comme le disait Montaigne, et qu’à ce titre ce que l’on trouve en soi, ce que l’on comprend du Monde, peut être une richesse pour tous, avoir valeur universelle. Etienne de La Boétie était-il allé bien loin quand à dix-huit ans à peine il écrivit son Discours de la servitude volontaire ?

Je passe sur la critique des « cours et séminaires » que le « créateur de concepts » « professe du haut de son estrade » : mais que Michel Onfray a-t-il donc fait pendant tant d’années, même s’il n’a créé aucun concept, à l’Université Populaire de Caen, sur France Culture et nombre de médias, sinon cela même qu’il critique chez les autres ?

L'École d'Athènes, Raffaello, Vatican © gp

Quant à son attaque sournoise, comme cela, en passant, l’air de rien, de Martin Heidegger : « Il (le grand philosophe) peut ne jamais regarder le monde, comme Heidegger, mais se soucier des livres qui disent le monde et croire que tout ce qui est se résume à ce qui a été dit de ce qui est », elle est tout à fait odieuse. Je me demande comment l’on peut écrire des choses pareilles. Qui est-il ce Michel Onfray pour juger du rapport d’un autre au Monde ?, qui plus est d’un homme comme Martin Heidegger et à sa pensée à laquelle, à mon avis, il ne comprend rien quant à l’expérience du Monde qu’elle suppose. Ce qui est fou aussi, c’est l’aplomb dont il fait preuve lors de tels jugements. D’autant que, s’il y a eu des hommes et des femmes qui ont été ouverts d’une façon magistrale, géniale, au Monde, Martin Heidegger en fait sans aucun doute partie, par la révélation de la question de l’Etre à partir d’une expérience existentielle, fondamentale, vivante, celle de son angoisse, angoisse inséparable chez lui de cette ouverture à la question de l’Etre. (Voir à ce sujet, par exemple, ce qui est dit, révélé, génialement analysé, dans les premières parties de deux de ses livres : Introduction à la métaphysique et Qu’est-ce que la métaphysique ?)

Ce qu’affirme Michel Onfray est d’autant plus faux concernant Heidegger que celui-ci ne s’est pas contenté de redites à propos de la question de l’Être mais a révolutionné tout ce qui était pensé jusqu’à lui sur ce sujet, depuis l’origine de cette question posée par les premiers philosophes grecs. C’est pourquoi son livre Être et Temps a bouleversé toute l’approche ancienne, car pour la première fois l’Être était pensé, appréhendé en fonction du Temps et non comme une réalité intemporelle, immuable. Les approches et concepts clés de Martin Heidegger – la question de l’Être, l’oubli de l’Être, et ses analyses de la technique et de la science, de l’inauthenticité, du nihilisme, du souci et de ce qu’implique le fait d’avoir à mourir et de se savoir mortel, ainsi que son exigence d’Habiter le monde poétiquement, ne sont en rien opposés à une vie à la Thoreau, bien au contraire ! Cette contradiction entre une vie à la Thoreau et celle d’Heidegger, affirmées péremptoirement comme devant inexorablement s’opposer et s’exclure l’une l’autre par Michel Onfray, est une absurdité : je l’explique comme le fruit d’une jalousie certaine envers celui qui est généralement considéré comme le plus grand philosophe du XXe siècle, doublée d’une volonté évidente d’en dénigrer la mémoire. [ref] Pour une approche de Heidegger, voir le très beau petit livre de Bertrand Vergely aux Essentiels Milan, Heidegger ou l’exigence de la pensée. Dans la même collection lire aussi son Montaigne ou la vie comme chef-d’œuvre, tout aussi beau.[/ref]

Heidegger
Martin Heidegger dans sa « hütte » de Todtnauberg. Ph. © Palimpsestes

Michel Onfray ne doit pas savoir que Martin Heidegger a vécu la plus grande partie de sa vie dans un petit chalet rustique, que sa femme et lui ont fait construire en 1922 à Todtnauberg, dans une vallée perdue de la Forêt Noire. Ce chalet mesurait « en tout 6 mètres sur 7 ». C’est là qu’il écrivit une grande partie et finit l’écriture de Sein und Zeit (Être et Temps) et qu’il écrivit ensuite tant d’autres de ses livres. Heidegger parle dans un texte magnifique, et tellement émouvant, Pourquoi restons-nous en province ? écrit en 1933 ou début 1934, de sa vie de solitude, dans ce chalet, en symbiose totale avec la vie des paysans. Me semble que c’est une expérience bien aussi importante que celle, très courte, deux ou trois années seulement, et intermittente, de Thoreau à Walden Pond ! [ref]Ce texte Pourquoi restons-nous en province ? a été traduit en français et publié dans le Magazine littéraire n°235 de novembre 1986 dont le dossier a pour thème Martin Heidegger, l’Être et le Temps. Ce texte y est accompagné d’une magnifique photo de Martin Heidegger assis près de son poêle dans sa « hütte » de Todtnauberg : il est indéniable que ses conditions de vie y étaient fort rustiques. (Photo ci-dessus)[/ref]

La suite de cette petite préface de treize pages à Walden est pour moi moins révoltante, mais tout aussi sidérante : l’on croirait presque, à lire l’apologie que Michel Onfray fait de la vie de Thoreau à Walden, qu’il vit habituellement ainsi lui-même, dans la nature, au bord d’un lac et dans une cabane, dans la simplicité, voire le dénuement volontaire le plus total !

Comme souvent chez Onfray, bien trop souvent, son écriture est similaire à celle d’un article vite pondu d’un journaliste payé à la pige. Un survol du sujet, des approximations à la pelle, des lieux communs, ici sur le transcendantalisme. Que de dilettantisme ! Et surtout cette logorrhée que l’on retrouve dans tous ses écrits et qui serait sans doute son plus grand obstacle pour vivre à la manière de Thoreau ! Cette logorrhée qui m’empêche maintenant de finir chacun de ses livres que j’ai tenté dernièrement de lire : ainsi, je n’ai jamais pu finir son livre sur Freud, Freud était radin, menteur, tout ce que l’on veut, mais le répéter à chaque chapitre, trop c’est trop ; quant à Cosmos, après une introduction concernant la mort de son père et digne des plus grands écrivains, la suite, sa dissertation sur le vin, et tout ce qui en a suivi, m’a été totalement imbuvable, et j’ai décidé de reposer ce livre, afin de ne point perdre mon temps.

Certes, tout n’est pas à négliger, à rejeter, chez Onfray, comme chez personne d’autre, d’ailleurs. Michel Onfray me semble très peu philosophe au fond, il est bien plutôt un historien, quelquefois bien superficiel, de la philosophie. Lui aussi est un polémiste, c’est dire qu’il n’a pas la grandeur de celui qui fonde quelque chose, qui fonde en affirmation quelque chose, mais il a eu le mérite incontestable de faire ressortir de l’oubli et de la censure nombre de penseurs, même si ses commentaires les concernant sont souvent sujets à caution. Mais son grand défaut est d’avoir une opinion sur tout et de croire qu’il a raison sur tout, c’est pourquoi il est finalement aussi, et même avant tout, justement ce qu’il critique chez les autres.

Les grands livres se passent de préface. Habituellement les préfaciers parlent plus d’eux-mêmes que de ce qu’ils prétendent présenter et faire aimer, et ils dénaturent ainsi le sens des œuvres. Nous en avons encore une fois la preuve, ici, avec Walden, préfacé par un philosophe approximatif.

Février 2019

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9 réflexions sur “Michel Onfray. Philosophie en deçà, erreur au-delà

  • Hérouard

    Merci à GB de dégom­mer Onfray deve­nu peu à peu hélas un insup­por­table his­trion. Mais Gian a rai­son : on ne peut faire l’im­passe sur le nazisme de Heidegger. Là-des­sus, l’in­con­tes­table créa­teur de concepts et acteur public que fut Bourdieu, a écrit un texte puis­sant sur « L’ontologie poli­tique de Martin Heidegger » in Actes de la Recherche en Sciences Sociales Année 1975 1 – 56 pp. 109 – 156 : https://​www​.per​see​.fr/​d​o​c​/​a​r​s​s​_​0335​-​5322​_​1975​_​n​u​m​_​1​_​5​_​2485
    Moins facile à lire que Onfray, mais éclai­rant, tant sur le fond (la constante déné­ga­tion chez l’ours Martin) que sur la méthode séman­tique répli­cable sur toute forme de dis­cours idéo­lo­gique. Appliqué à Onfray, il suf­fi­rait de pro­lon­ger l’in­tui­tion de Gian sur le ressentiment.

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  • Si tous les blogues avaient le sou­ci de la per­ti­nence éclai­rée de ce texte, on s’é­vi­te­rait la mise en ligne de tant de sco­ries de la pen­sée et de l’ex­pres­sion. Michel Onfray… Dans cette époque où la logor­rhée séduit et ras­sure, Onfray fait figure d’ab­bé de cour, comme on disait au grand siècle.

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  • Roselyne

    Evidemment, le cas Heidegger… Mais jus­te­ment : sa pen­sée ne peut-elle se défendre pour elle-même, indé­pen­dam­ment de son émet­teur ? C’est toute la ques­tion posée ici, dans cette remar­quable analyse.

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    • Gian

      Ma prof de phi­lo me fai­sait la même remarque quand je contes­tai la valeur de Hegel – en par­ti­cu­lier pour sa dia­lec­tique du maître et de l’es­clave – parce qu’il était allé admi­rer Napoléon – l’Hitler de l’é­poque – qui entrait en vain­queur dans Iéna… Pour ma part, je ne peux dis­so­cier celui qui dit et celui qui fait, sinon à devoir assu­mer toutes les contra­dic­tions (« Faites ce que je dis, ne dites pas ce que je fais »). Evidemment, il reste pas grand monde…

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  • Jules Berot

    Serait-ce le pre­mier cha­pitre du pro­chain « Crépuscule d’une idole » ?

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  • Bon, le fond de l’air Onfray, Onfray.… Cette cri­tique mérite d’être lue.

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  • Gian

    D’accord avec le lien entre la pro­fu­sion « mitraillette logor­rhéique » – débit diar­rhéique irré­pres­sible – chez Michel O. et son res­sen­ti­ment, dû vrai­sem­bla­ble­ment à une com­bi­nai­son de fac­teurs d’a­mer­tume com­bi­née, dont en par­ti­cu­lier : l’é­chec de la révo­lu­tion pro­lé­ta­rienne pour cause de cré­ti­nisme pro­lé­ta­rien (aveu jamais assu­mé), la mes­qui­ne­rie du maire de sa com­mune qui ne com­prend rien au génie oppor­tu­niste de son admi­nis­tré, la non-prise en compte par l’Académie Suédoise pour un Nobel de lit­té­ra­ture, l’im­puis­sance due au cal­vaire de la mala­die can­cé­reuse de sa com­pagne avec issue fatale, un épi­cu­risme gas­tro­no­mique qui ne se tra­duit pas par un épa­nouis­se­ment facial aus­si rieur que visible et pour finir der­niè­re­ment une mor­ti­fi­ca­tion par AVC heu­reu­se­ment pas trop han­di­ca­pant. Il sus­cite fina­le­ment une admi­ra­tion mor­bide, et non un entrain jovial ! Mais bon, il vaut mieux un Michel O. qu’un Michel H. !
    PS : par­ler de Heidegger sans citer son nazisme et anti­sé­mi­tisme aus­si viru­lent que pré­coce, c’est cacher un élé­ment essen­tiel de la vie d’un per­son­nage qui inva­lide son oeuvre.

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  • Je m’é­tonne en pas­sant, indé­pen­dam­ment de cet inté­res­sant article, que ni l’au­teur ni G. Ponthieu, n’aient répon­du aux com­men­taires concer­nant le cas Heidegger et son enga­ge­ment auprès des nazis. La phi­lo­so­phie peut-elle à ce point pla­ner hors-sol, c’est-à-dire hors éthique et morale ?

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  • Gérard Bérilley

    Tout d’abord je me dois de remer­cier les com­men­ta­teurs à mon pre­mier article paru dans C’est pour dire, d’autant que la plu­part des com­men­taires, sinon tous, sont fort sympathiques.
    Je m’étais dit que je n’argumenterai rien quant à ce que cer­tains appellent le « cas Heidegger », et cela pour trois rai­sons essen­tielles. Mais puisque un nou­veau com­men­taire, signé Michel, s’étonne de mon silence et de celui de Gérard Ponthieu, je me sens tenu de répondre pour ne pas enga­ger Gérard P. dans mon silence.
    Voici mes trois raisons :
    1) Quel qu’ait été Martin Heidegger, la cri­tique qu’en fait Michel Onfray dans la pré­face à Walden est insen­sée, et le sens de mon texte était une cri­tique sur le fait qu’un phi­lo­sophe paten­té, recon­nu, pou­vait écrire vrai­ment n’importe quoi et être allè­gre­ment publié, et c’est cette révolte qui a moti­vé mon écriture.
    2) Je sais trop ce que je dois à Martin Heidegger et à cer­tains de ses écrits pour avoir le moindre goût de me lan­cer dans une polé­mique sté­rile à pro­pos de cet homme.
    3) Pour moi, il n’y a pas de « cas Heidegger ». Il y a un homme qui, dans une période tra­gique, s’est trom­pé, gra­ve­ment trom­pé, mais qui n’en est pas res­té là, et n’en a pas fait pro­fes­sion (comme l’ont fait d’autres phi­lo­sophes, écri­vains, intel­lec­tuels plus connus qui ont qua­si pas­sé leur vie à défendre des régimes indé­fen­dables et refu­ser d’en voir l’horreur).
    Pour ma part je m’en tiens au conte­nu des larges extraits sui­vants tirés d’un article de François Fédier « La ques­tion poli­tique » dans le dos­sier Martin Heidegger L’Être et le Temps du Magazine Littéraire cité en note 4 de mon article :
    « Les faits : fin avril 1933, Heidegger est élu, à l’unanimité moins une voix, Recteur de l’Université de Fribourg en Brisgau. Il pro­nonce le 27 mai son Discours de Rectorat [… ] Ce que déclare en effet Heidegger (dans ce dis­cours, note de moi), c’est que l’Université, si elle veut res­ter digne de sa voca­tion, doit deve­nir telle que véri­ta­ble­ment elle puisse se don­ner à elle-même ses objec­tifs de recherche, dans l’unique pas­sion de savoir ce qu’il en est du réel dans notre époque.
    Nulle sou­mis­sion, nul inflé­chis­se­ment doc­tri­nal envers l’idéologie poli­tique. Parallèlement, le Recteur Heidegger, qui a accep­té d’être en tant que Recteur ins­crit au par­ti natio­nal-socia­liste (ce qui, chez l’élève et suc­ces­seur de Husserl, chez l’admirateur de Scheler, chez celui dont l’assistant, en 1933, était juif, ne pou­vait pas­ser pour un ral­lie­ment à la com­po­sante anti­sé­mite du « pro­gramme » de ce par­ti), prend part à un cer­tain nombre de céré­mo­nies offi­cielles où il pro­clame un sou­tien actif au régime.
    Au sein de l’Université, il est l’auteur d’une réforme admi­nis­tra­tive essen­tielle : le Recteur devient le chef de l’université et, à ce titre, il nomme de plein droit, sur consul­ta­tion du Sénat de l’université, les doyens des facul­tés et les autres per­son­na­li­tés ayant des fonc­tions admi­nis­tra­tives. Mais il constate dès l’automne 1933 l’hostilité, d’une part, des élé­ments natio­naux-socia­listes (aus­si bien étu­diants que pro­fes­seurs), et d’autre part celle d’un assez grand nombre de ses col­lègues pro­fes­seurs qui ne l’avaient pas élu pour révo­lu­tion­ner l’université, mais au contraire pour la conser­ver telle qu’elle était avant 1933. En février 1934, il démis­sionne de ses fonc­tions et se consacre désor­mais exclu­si­ve­ment à son enseignement.
    Recteur, il avait inter­dit l’affichage du pla­card des étu­diants anti­sé­mites et main­te­nu autant qu’il lui était pos­sible des col­lègues juifs mena­cés. Après sa démis­sion, il ne se pri­ve­ra pas, dans ses cours, de cri­ti­quer impi­toya­ble­ment le régime et son visage de plus en plus uni­vo­cé­ment cri­mi­nel. En sep­tembre 1944, sur pro­po­si­tion du Recteur d’alors, il est enrô­lé (avec un seul autre col­lègue, le résis­tant G. Ritter) dans la levée en masse des réservistes. »
    Démissionnant de sa fonc­tion de Recteur, il démis­sionne éga­le­ment du par­ti nazi.

    Pour moi, je dis bien pour moi, le débat est clos. Mais je n’empêche per­sonne, bien sûr, de dis­cu­ter du « cas Heidegger ».

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