La (trop) lourde charge de Michel Onfray contre Le Monde et Libération
[dropcap]J’ai[/dropcap] de la considération pour Michel Onfray. Pour ses nombreuses et réelles qualités d’intelligence, d’initiatives et d’action. De plus en plus souvent, cependant, j’ai eu à regretter certaines de ses positions et productions à l’emporte-pièces, ou erronées, suite à des approximations ou généralisations par trop hâtives. Cela est-il à mettre au débit de son hyper-productivité ? – plus de cent ouvrages publiés, à se demander comment un tel prodige parvient à vivre tel qu’il se veut : hédoniste tous azimuts, boulimique de livres, de voyages, de gastronomie, de peinture, musique, etc. Et aussi d’aventures diverses, parfois très brèves, comme ce Nager avec les piranhas, un jet de quatre-vingt pages émanant d’un séjour éclair d’un jour et demi en Guyane. Ce qui lui fut vertement reproché, notamment par plusieurs anthropologues travaillant en Guyane, ainsi que le rapporte Maxime Brousse dans un article de Slate.fr :
« […] Il avait passé douze heures dans le village amérindien de Taluen. C’est là que, pour le chambrer avant sa baignade dans le fleuve Maroni, des Amérindiens l’auraient mis en garde contre la présence des piranhas. Sans recours à aucune bibliographie, sans échanger avec les intellectuels amérindiens ni les nombreux anthropologues spécialistes de la région, Michel Onfray a, par une nuit d’automne, couché sur papier ce mélange d’impressions, d’émerveillement enfantin et de délire égotiste, pour apporter sa pierre au débat. Malheureusement, son texte est loin de rendre service à la cause qu’il souhaite défendre, et qui l’a légitimement chamboulé. »
Ce n’est ici qu’un exemple, très parlant, parmi d’autres sujets abordés par l’écrivain-philosophe pressé, hâtif, par trop approximatif à l’occasion. C’est qu’il a ce don de l’éloquence qui sert et dessert une pensée foisonnante, laissant trop peu de place aux respirations des poumons et du cerveau, y compris et surtout peut-être ceux de ses auditeurs et interlocuteurs. Son débit s’apparente à un torrent rocailleux qui ne nous laisserait pas nager, même sans piranhas…
Un ami et lecteur attentif m'adresse cette remarque : «Dans ton texte d’introduction tu évoques “quelques incursions”. Je pense que cette formulation est insuffisante. C’est bien plus ! Car si parfois il ne s’agit que d’une information complémentaire, parfois il s’agit de ton avis soit concordant, soit en total désaccord, ou de mise en perspective moins tranchées que celles (rapides parfois) du Michel. Or, si le lecteur pense qu’il ne s’agit que de la première forme, il va rater un essentiel de ton propos. Ce serait dommage, car ce serait une amputation de ce qui tu écris. Je ne sais pas comment, mais il me semble qu’il faudrait une phrase ou un complément de l’existante qui exprime cette richesse et qui oblige le lecteur à cliquer.» C'est dit, merci l'ami !
Cela étant, les deux articles du Monde et de Libération (accessibles en pied de ce texte) brillent par leur flagrante malhonnêteté. Mais, comme on le verra dans mes notes, je les considère ainsi à leur seule lecture, bien suffisante, sans avoir à impliquer pour autant toute l’histoire des uns et des autres, et l’Histoire avec eux… Pour les deux journalistes – en cela très idéologues – il s’agit de prouver que le fait de donner la parole aux gens et idées – même et surtout à droite de la droite – revient à se classer soi-même dans ledit clan. C’est là typiquement une démarche de secte, donc de sectaires pour qui il n’est d’autre salut que le leur.
En ce sens, Onfray n’a pas tort [je contredis ici mes notes 11 et 12… Ben oui!] de rappeler l’itinéraire communiste du journaliste du Monde. Car passer de l’Huma au Monde, désormais détenu par les hommes d'affaires Xavier Niel et Daniel Křetínský, milliardaire tchèque [ref]Également propriétaire de Marianne…,[/ref] voilà qui peut valoir des états d’âme. Ou qui explique tant d’empressement à dénoncer des trahisons… chez les autres. Car je ne connais rien de plus ancré chez les gens dits « de gauche » que leur peur panique de paraître « à droite ». Un tel manichéisme est ravageur ; il nourrit toutes les idéologies qui ont, notamment, contaminé la politique française depuis la Révolution. En ce sens, c’est mon regret, je ne vois pas Michel Onfray, par ses propos ci-dessous, se démarquer d’une semblable démarche alors que le projet de son Front populaire y prétend. Je le déplore. Gérard Ponthieu
Police mentale et ministère de la vérité
Par Michel Onfray
[dropcap]Des[/dropcap] amis bien intentionnés me signalent avec gourmandise un papier ordurier du Monde concernant la sortie de notre revue Front Populaire. J’avais signalé autour de moi que ce genre de follicule paraîtrait et dit ce qu’on y lirait : pas la peine de relire ce qu’on sait devoir déjà s’y trouver – Vichy, Pétain, Doriot, Déat, Hitler, Mein Kampf, Valois, les Rouge-Bruns, l’antisémitisme, la rhétorique est éculée, elle ne fait plus illusion que chez ceux qui ont renoncé à penser par eux-mêmes. Vous me direz, ça commence à faire du monde, et vous n’aurez pas tort…Il n’est même pas surprenant que ce journal confirme ce que je dis depuis des années: dès qu’on ne pense pas comme eux, ils sortent les panzers et le camp d’extermination, la Shoah et la chambre à gaz, le zyklon B et la Luftwaffe !
Quel talent pour faire avancer la cause des négationnistes, car, si ce que propose Front populaire, c’est, en douce, la Solution finale, alors la Solution finale c’était bien peu de chose ! Mais si la Solution finale était l’un des sommets dans le Mal, alors que faut-il penser d’une revue d’amis libres, nullement soutenue par un groupe, une banque, un réseau, un parti, une combine, qui se propose tout simplement de penser le souverainisme et de penser en souverainiste ? Qu’elle doit figurer à coté de Mein Kampf dans les bibliothèques ? Quel être sain d’esprit peut-il penser une pareille chose ?
Il faut bien que la frousse associée à notre entrée en fanfare [ref]Je ne pense pas que l'“entrée en fanfare” de Front populaire puisse apeurer, ni même inquiéter les médias "mainstream" comme Le Monde et même Libération, autrement installlés dans le bizness médiatique, comme Onfray le déplore d'ailleurs. [/ref] (merci les abonnés!) anime ces piètres penseurs pour renoncer à tout débat et lui préférer l’insulte la plus éculée, celle qui, de plus, exige le moins de cerveau possible.
Depuis des années, question d’hygiène, articles ou livres, je ne lis rien de ce qui est publié sur moi ; je n’ai pas lu ce texte et ne le lirai pas ; je n’y répondrai donc pas factuellement puisque j’ai pour ligne de conduite de ne pas le faire – sauf cas exceptionnels, quand j’estime le contradicteur. Ce serait sinon pour moi un travail à plein temps…
Je voudrais juste dire qu’être insulté par Le Monde sous la signature d’un certain Abel Mestre est une plume que j’ajoute volontiers à mon chapeau.
Je m’explique sur ce journal dit de référence:
Le journal Le Monde a été créé en 1944 par Hubert Beuve-Méry qui venait de l’extrême-droite : Camelots du Roi, faisceau de Georges Valois, le premier parti fasciste français, directeur des études à l’école d’Uriage qui formait les cadres de Vichy. Cet homme écrit dans Esprit, en 1941 : «Il faut à la révolution un chef, des cadres, des troupes, une foi, ou un mythe. La Révolution nationale a son chef et, grâce à lui, les grandes lignes de sa doctrine. Mais elle cherche ses cadres.» Il s’évertuera à les lui trouver… En janvier 1943, après que Stalingrad eut scellé le sort de la guerre en faveur des antinazis, Uriage entre dans la Résistance sans pour autant renoncer à ses idées. Quand le général de Gaulle écrivait à Beuve-Méry: «Vous n’êtes pas des miens», il savait de quoi il parlait… Lors du référendum de 1969, le directeur du Monde soutient le «non» au général de Gaulle qu’il contribue ainsi à évincer. [ref]L'histoire de l'école d'Uriage appelle à bien plus de discernement ; notamment, sa dissidence d'avec Pétain et Laval date de 41 et de 42, avec l'éviction d'Emmanuel Mounier et la dissolution de l'école par le même Laval, avant que les lieux deviennent un refuge pour des juifs puis un point de résistance effective à partir de 43. Quant à la présence de Beuve-Méry, elle suit en effet ce cheminement intellectuel et physique, sans valoir inféodation au vichysme et sans pour autant invalider son engagement ultérieur dans la Résistance. Ainsi, Jean Moulin n'avait-il pas livré des dessins à Gringoire, journal d'extrême-droite ? Et Daniel Cordier, qui deviendra le secrétaire de Jean Moulin, avait aussi été un Camelot du roi avant de s'engager dans la France libre… Sur l'École des cadres d'Uriage, voir l'article de Wikipédia Enfin, doit-on être tenu responsable de sa lignée généalogique et de ses ascendants ?[/ref]
On ne s’étonnera pas que Beuve-Méry ait préféré Jean Monnet et son Europe populicide et liberticide à l’Europe des peuples et des nations du général de Gaulle. On lira avec intérêt le livre de l’universitaire Antonin Cohen intitulé De Vichy à la communauté européenne paru aux Presses universitaires de France. On y apprendra, entre autres choses bien intéressantes, le rôle tenu par Le Monde dans la fabrication de la fiction d’un Jean Monnet père de l’Europe alors qu’il était financé par les États-Unis pour construire cette Europe destinée à abolir les nations afin de réaliser un grand marché post-national ; le recyclage de nombre d’anciens d’Uriage dans ce projet européen [ref]Voir note précédente ; Onfray enfonce le même clou : Uriage = collabos…[/ref]; la naissance de l’expression «communauté européenne» dans les cercles d’Uriage; la dilection particulière d’André Fontaine, journaliste au Monde en 1947, puis directeur de la rédaction de celui-ci de 1969 à 1985, pour un certain Benito Mussolini [ref]Quelle référence sur cette affirmation ? Surtout, Onfray poursuit sa démarche très inquisitoire, celle qu'il reproche à ses détracteurs lui demandant des comptes sur la présence de personnalités de droite et d'extrême-droite dans son comité de rédaction.[/ref]. Et puis cette information qui ne manque pas d’intérêt : Walter Hallstein, le premier président de la commission européenne entre 1958-1967, a été professeur de droit, instructeur des soldats nazis. Il a adhéré à l’Association national-socialiste des enseignants, à l’Association des juristes nationaux-socialistes, à l’Association allemande national-socialiste des maîtres de conférence et à l’Association national-socialiste de protection des civils face aux raids aériens - il a donc porté l’uniforme d’officier du IIIe Reich. Dans l’Europe de Jean Monnet, on n’est pas regardant sur le passé de ses acteurs… Un ancien nazi a donc dirigé pendant près de dix ans la Commission européenne. Trouverait-on un seul papier du Monde pour s’en indigner et, selon leur façon de ne pas raisonner, condamner de ce fait en bloc toute l’Europe de Maastricht ? [ref]Onfray et ses “donc” relevant de la pratique du syllogisme… accompagnant la condamnation d'un homme selon ce qu'il s'emploie à vouloir dénoncer : la reductio ad Hitlerum… Concernant Walter Hallstein, je relève ceci dans l'article de Wikipédia le concernant : “Hallstein n'était pas membre du Parti national-socialiste mais, à l'instar de beaucoup d'autres juristes, membre de diverses organisations professionnelles prises en mains par le régime nazi telles que l'Association national-socialiste des enseignants, l'Association des juristes nationaux-socialistes, l'Association allemande national-socialiste des maîtres de Conférence et l'Association national-socialiste de protection des civils face aux raids aériens. Cette appartenance résulte de la prise de contrôle par le régime nazi des associations professionnelles et civiques lors de la Gleichschaltung (« mise au pas » ou « alignement »). De ce fait, la simple appartenance à une association professionnelle signifiait qu'il était membre d'une association contrôlée par le régime nazi. […] Mais il est reconnu pour avoir gardé ses distances avec les nazis, dont il rejetait l'idéologie. En 1941, des officiers nazis se sont opposés à sa nomination comme professeur de droit à l'université de Francfort, mais sa candidature fut soutenue par les autres professeurs et universitaires et il devint finalement recteur de la faculté en 1946. ” La formulation de cet article résulte d'une discussion poussée entre les contributeurs de Wikipédia concluant au fait qu'être membre d'une association contrôlée par les nazis n'implique pas de facto une appartenance au nazisme. Onfray, cependant, en infère une “origine douteuse” de l'Union européenne ! – en quoi il rejoint les “Saint-Just” de Médiapart, si prompts à faire tomber les têtes dans la sciure [Origines nazies de l'UE ? Walter Hallstein, un itinéraire européen], surtout si une photo vous montre portant l'uniforme de la Wermacht. (Note personnelle : mes parents ont soustrait à l'armée allemande en déroute (1944, Picardie) et caché un soldat en uniforme “nazi”. Il s'appelait Pierre Schwartz, c'était un Alsacien enrôlé de force comme tous les “Malgré nous”.)[/ref]
Ce journal défend également la pédophilie. Le 26 janvier 1977 pour être précis, il accueille en effet une pétition pour soutenir trois pédophiles ayant abusé de trois victimes dont la plus jeune a treize ans. Il publiera ensuite une autre pétition pour dépénaliser le crime pédophilique. Le Monde publie la liste des signataires – tous les intellectuels de gauche s’y trouvent ou presque: Aragon, Sartre & Beauvoir, Barthes, Glucksmann, Deleuze & Guattari, Châtelet, Sollers, Henric, et mais aussi Jack Lang, Bernard Kouchner, etc. Le texte de cette pétition a été écrit par Gabriel Matzneff qui venait de publier un manifeste pédophile sous le titre Les Moins de seize ans. Le 25 octobre 1974, Le Monde en avait publié un excellent compte-rendu sous la plume de Roland Jaccard. Philippe Sollers a édité six volumes de ses journaux pendant dix-sept années. Qui dira que cette aimable complicité ne fut pas constante ? Dans ces livres, Matzneff donne le détail de sa vie de pédophile. BHL dit du bien de lui sur un plateau d’Apostrophes en 1987 mais aussi ici ou là dans son bloc-notes, par exemple dans Questions de principe V (Livre de Poche pp.179-180). Matzneff a été chroniqueur au Monde de 1977 à 1982. Quand a éclaté l’affaire Vanessa Springora qui a publié un ouvrage dans lequel elle raconte sa relation avec lui, Josyane Savigneau, qui fut directrice du Monde des livres entre 1991 et 2005, et qui confondait souvent ses intérêts et ceux de la littérature, est remontée au créneau pour défendre Matzneff. Dans un message sur Twitter, la dame assimile ceux qui prennent parti pour le pédophile à des «résistants». On comprend que, pour certains journalistes du Monde, les mots résistant et collaborateur ne signifient plus grand-chose – ce qui aurait réjoui Robert Faurisson le père du négationnisme. De 1977 à 2020, quelle constance dans l’abjection ! [ref] Sur ce point, je confirme d'autant les faits pointés par Michel Onfray que je me suis déjà exprimé dans termes quasi identiques, sur ce sujet ici-même, ainsi que dans un livre en attente de diffusion aux Éditions libertaires, Pédophilie - De la chute de Matzneff à une lecture sexo-politique de l'après-68. Je m'étonne toutefois des deux phrases (en rouge) qui ouvrent et ferment ce paragraphe qui, à mon sens, dénotent d'une généralisation regrettable. Certes Le Monde a enfourché l'air du temps qui a permis et couvert, voire encouragé les exactions de pédophiles, dont Matzneff en premier lieu ; je n'en conclurais pas pour autant que ce journal “défend la pédophilie”.[/ref]
Le Monde a également aimé la Chine de Mao. C’est dans ses colonnes que Sollers (11. IX. 1974) ou Barthes (24.V.1974) ont pu vanter les mérites de ce régime en pleine Révolution culturelle – les estimations hautes parlent de vingt millions de morts pour cette seule période de l’histoire chinoise. Une peccadille bien sûr… [ref] Oui ! et Libération en toute première ligne ![/ref]
Le même journal a aussi célébré Pol-Pot. Le 17 avril 1975, le journaliste Patrick de Beer signe un papier enthousiaste sur la chute de Phnom-Penh. Jean Lacouture, plume du Monde lui aussi, ne ménage pas non plus son soutient au régime des khmers rouges. Le 17 janvier 1979, Alain Badiou publie Kampuchéa vaincra dans … Le Monde. Il y défend ce régime qui va faire 1,7 millions de morts, soit 20 % de la population. Une broutille évidement… [ref]Idem supra. De la tentation de refaire l'Histoire après qu'elle a eu lieu. Certes, des journalistes et écrivains, et non des moindres en apparence, se sont fourvoyés sur bien des sujets et il faut le rappeler pour servir de “leçons” et d'appels à la vigilance critique – en toutes choses.[/ref]
Michel Legris qui a travaillé au Monde entre 1956 et 1972 écœuré par ce qu’il a vu dans ce journal, a publié en 1976 Le Monde tel qu’il est afin de dénoncer la propagande que mène ce journal sous prétexte d’information. Il a documenté les techniques de désinformation, les rhétoriques spécieuses, les amalgames, les paralogismes, les insinuations très jésuites qui constituent la déontologie du journal ! Après la parution de son enquête, pendant neuf ans, ce journaliste a été mis au ban de la presse française. [ref]Je n'irai pas jusque là… Cette assertion est extraite de Wikipédia, qui ne la valide pas pour absence de sources. Michel Legris a rejoint L'Express de 1985 à 1994.[/ref]
En 2003, Pierre Péan et Philippe Cohen remettent le couvert avec La Face cachée du monde. A l’époque, le journal était dirigé par Alain Minc, Jean-Marie Colombani et… Edwy Plenel. Ne cherchez pas l’intrus, il n’y en a pas. Le Monde n’aime pas que les idées, il aime aussi beaucoup l’argent et pas toujours l’argent propre : le livre documente tout cela jusqu’à la nausée. Daniel Schneiderman dira dans ce journal où il travaillait que ce livre soulevait un certain nombre de problèmes ; il sera licencié.
Monsieur Mestre maintenant.
Je n’ai pas fait d’enquête. On m’a juste signalé qu’il était au PCF. Voilà qui me suffit amplement pour juger de la valeur éthique et déontologique du personnage. [ref]Au risque de me répéter, je ne saurais cautionner pareil raccourci en forme d'anathème ! Même si la malveillance anime l'auteur de l'article du Monde, elle peut ne pas être intimement liée à son passé communiste.[/ref]
De la même manière qu’un peu d’histoire ne nuit pas pour savoir à quoi s’en tenir avec Le Monde, un peu d’histoire nous permettra de savoir ce qu’est ce Parti auquel adhère ce monsieur. [ref] Auquel il a adhéré, comme tant d'autres avant lui. Je pense spécialement à Wilhelm Reich, qui adhéra au PC allemand en 1930. Droit à l'erreur… [/ref]
Pour aller vite et balayer le XXe siècle, mais je détaillerais bien volontiers, les communistes ont souscrit au Pacte germano-soviétique entre 1939 et 1941. Du fait de cette alliance entre nationaux-socialistes et marxistes léninistes, ils ont appelé à collaborer avec l’occupant jusqu’à ce qu’Hitler dénonce le pacte unilatéralement avec l’opération Barbarossa. C’est alors que le PCF est devenu résistant, mais c’était deux ans après l’Appel du 18 juin; avant il estimait qu’ayant les mêmes ennemis qu’Hitler , à savoir les capitalistes, les banquiers, Londres, la City, de Gaulle et… les juifs, le compagnonnage n’était pas contre nature. Il ne l’était pas en effet. Le pacte rouge brun, au PC, on connaît. On lira avec intérêt les détails de ce dossier accablant dans L’affaire Guy Môquet de Franck Liaigre et Jean-Marc Berlier (chez Larousse, un éditeur incontestable). [ref] Oui. J'aime à rappeler, en le déplorant, que jusqu’à l’avènement d’Hitler, l’objectif principal du Parti communiste allemand demeurait la désintégration du Parti social-démocrate. Voir à ce sujet Sans patrie ni frontières, de Jan Valtin, implacable témoignage d’un marin allemand sur le stalinisme en action. Ed. J-C Lattès, 1975. [/ref]
Ensuite, le PCF a critiqué les velléités indépendantistes des Algériens en 1945. Lors des massacres de Sétif et Guelma, qui ont vu la mort de centaines de militants algériens qui se réjouissaient de la Libération avec youyous et drapeaux algériens, L’Humanité a sali ces victimes en les qualifiant d’«hitléro-troskystes». Ils ont voté les pouvoirs spéciaux au gouvernement socialiste de Guy Mollet pendant la guerre d’Algérie. Le ministre de l’Intérieur, puis de la justice, avait alors pour nom François Mitterrand. Ce vote des pleins pouvoirs voulait dire : blanc-seing pour l’armée, donc pour les tortures et les exécutions sommaires, les fameuses «corvées de bois». C’était un passeport pour Massu, Bigeard et Aussaresses. Voilà pourquoi le Parti n'a pas souscrit à l’appel à l’insoumission des «121» pendant la guerre d'Algérie en 1960. [ref] Tout à fait d'accord.[/ref]
De même, le PCF était contre l'avortement et la contraception dans les années 50. Pas question, disait le couple Jeannette Vermeersch et Maurice Thorez, que les ouvrières aient les vices des femmes de la bourgeoisie ! Ce même PCF était homophobe et estimait qu’il s’agissait là aussi, là encore, d’un vice de la bourgeoisie. Le parti affirmait sans rire que l’homosexualité n’existait pas en URSS – mais dans ses goulags, si... Au congrès du Havre, en 1956, le PCF affirmait ceci: «Le néomalthusianisme (comprendre : la contraception NDR) , conception ultraréactionnaire, remise à la mode par les idéologues de l'impérialisme américain, est une arme aux mains de la bourgeoisie pour détourner les travailleurs de la lutte pour les revendications immédiates, pour le pain, pour le socialisme.» C’est beau comme une statue de Lénine. [ref]Tout à fait d'accord. Attitudes dénoncées avec véhémence dans la revue Sexpol - sexualité/politique dès 1975.[/ref]
Le même parti était également anti-immigrés. En 1980, Georges Marchais écrit en effet ceci au recteur de la mosquée de Paris: «La présence en France de près de quatre millions et demi de travailleurs immigrés fait que la poursuite de l’immigration pose aujourd’hui de graves problèmes (…). C’est pourquoi nous disons : il faut arrêter l’immigration, sous peine de jeter de nouveaux travailleurs au chômage (…). Je précise bien : il faut stopper l’immigration officielle et clandestine.» On aura bien lu, ça n’est pas Jean-Marie Le Pen, non, c’est Georges Marchais qui fut volontaire pour partir travailler pour les nazis en 1943 et fut pendant (un quart de siècle 1972-1997) le patron du PCF. Il travaillait alors pour Messerschmitt. [ref]Il n'empêche, la question des immigrés demeure et s'est amplifiée pour atteindre l'ensemble de l'Europe. Pour avoir voulue l'éluder, la gauche l'a abandonnée, sinon offerte, aux Le Pen ! Je suis dans l'attente du traitement de cette brûlante question – notamment sous l'angle “souverainiste” – dans le magazine annoncé, Front populaire…[/ref]
Comment ce PCF-là a-t-il pu passer pour le contraire de ce qu’il fut?
A la Libération, pour désarmer les communistes résistants qui voulaient prendre le pouvoir en France, de Gaulle au pouvoir effectue un Yalta des portefeuilles en allant même jusqu’à recycler Maurice Thorez, pourtant convaincu de désertion, de trahison et de collaboration avec l’ennemi, mais aussi François Mitterrand, qui eut un passé fascisant avant-guerre, pétainiste et vichyste pendant l’occupation, et giraudiste à la fin. Si de Gaulle avait dû regarder au passé du personnel administratif et politique, journalistique et universitaire, juridique et éditorial français, il aurait été bien seul… [ref]Thorez, Mitterrand : Je ne saurais les absoudre – mais questionner le cours d'une vie, à la façon de Montaigne, implique de considérer tout le cheminement, du début à la fin. Dès lors, on peut se délester des questions de pureté, de faute, de péché, etc. selon ces notions de culpabilité cléricale. Michel Onfray resterait-il ainsi marqué par ses quatre années de pensionnat catholique,, comme d'autres ont pu l'être par les catéchismes nationaliste ou communiste ?[/ref]
De Gaulle a donc laissé filer la culture au PCF qui, au fil d’alliances opportunistes avec les gaullistes ou les socialistes est devenu le parti des cheminots résistants, de la décolonisation, de l'antiracisme, du féminisme, du progrès social et sociétal. Un comble ! Comme le parti pesait un quart de l’électorat après-guerre, nombre d’intellectuels qui n’avaient guère résisté pendant l’occupation, ou bien tardivement, se sont refait une santé en célébrant les mérites de Staline.
Tout ceci constitue ce que j’ai nommé l’impensé de la gauche. L’an dernier, j’ai consacré sous ce titre un livre à ce sujet aux éditions Galilée – un éditeur fascistoïde, probablement, qui a ouvert son catalogue avec Jacques Derrida et publié des dizaines de livres de lui. Personne dans la presse n’en a bien sûr parlé.
J’y disais ceci pour conclure: «Quelles sont les conséquences de cet impensé de la gauche aujourd’hui ? D'abord une totale impunité intellectuelle – elle peut tout se permettre gommer son passé terroriste et génocidaire en 1793, merci Robespierre & Mélenchon ; passer sous silence son passé colonialiste au XIXe, merci Jules Ferry, et au XXe siècle, merci Mitterrand, Guy Mollet et, on vient de le voir, le Parti socialiste et le Parti communiste ; vendre sa mythologie toute à sa gloire en se présentant comme défendant la liberté, l'égalité et la fraternité dans l'histoire, y compris avec la guillotine ou le goulag, la famine ou la déportation, merci Marat et Lénine, merci Staline ; s'inventer une généalogie dans la résistance et, pour ce faire, ne jamais parler du Pacte germano-soviétique, merci Maurice Thorez réfugié dès 1939 en URSS pendant la deuxième guerre mondiale et , de ce fait, condamné pour désertion ; oublier que Marchais, premier secrétaire du PCF, est parti en 1943 comme volontaire travailler en Allemagne jusqu'en 1945, merci Georges, et bonjour la Résistance communiste ; faire comme si le PCF n'avait jamais tenu de propos homophobes, rasé des foyers d'immigrés, condamné la pilule et l'avortement, merci Jeannette Vermeersch ; liquider le Parti socialiste dans le libéralisme en 1983, puis dans l'Europe du marché libre en 1992, merci une fois encore Mitterrand et Mauroy, Delors et Hollande, merci Macron...
Cette totale impunité intellectuelle se double d'une formidable capacité à donner des leçons aux autres. [ref]Capacité en l'occurence partagée… par Michel Onfray ! [/ref] L’oubli, la négation, la dénégation, l'effacement, la réécriture de l'Histoire, voilà la méthode. Pour ce faire, il faut parler toujours du nazisme, de Vichy, de Pétain, affirmer que toute la droite était collaborationniste, et, fin du fin, traiter de fasciste, de vichyste, de pétainiste, de personnage qui fait le jeu de l'extrême-droite, quiconque ne pense pas comme elle, même à gauche, je témoigne, merci Laurent Joffrin & C°.
Ceux qui procèdent de partis de gauche qui, au XXe siècle, ont voté les pleins pouvoirs à Pétain, collaboré avec Hitler, critiqué l'avortement, l'homosexualité, qui ont stigmatisé les immigrés, justifié le colonialisme et la guerre d'Algérie, la torture et les pouvoirs spéciaux, qui ont estimé que l'URSS et les pays de l'est pouvaient se prévaloir d'un “bilan globalement positif”, comme l'a affirmé Georges Marchais en mai 1979, ou que Soljenitsyne était un agent de la CIA, ne perdent pas une occasion de salir leurs adversaires à l'aide de leurs anciennes amours - vichystes, pétainistes, fascistes, homophobes, antisémites, racistes.»
J’ai écrit ce texte l’an dernier. J’aurais pu l’écrire ce jour.
Ce monsieur Mestre m’a bien sûr demandé un entretien oral avant de rédiger son attaque. Je savais à quoi il me fallait m’attendre. J’ai donc pris soin de répondre par écrit à ses questions. Il n’en a évidemment rien fait. Voici ses questions et mes réponses:
Abel Mestre: Pourquoi avez-vous lancé Front populaire?
Michel Onfray: Pour contribuer au débat d’idées qui n’existe plus depuis des années. La pensée dominante ne respecte pas ce qui n’est pas elle et traite toute opposition sur le mode du mépris, de la caricature ou de l’invective. La réduction ad Hitlerum fait la loi. On insulte, on caricature, on déforme, on méprise, on censure, on falsifie, on présente comme intox des infos et comme infos des intox… Nous souhaitons faire entendre une voie alternative.
AM: Quels sont les fondements et le but de Front populaire?
Michel Onfray: Nous souhaitons faire de telle sorte que des notions comme «peuple», «populaire», «nation», «souverainisme», «protectionnisme» ne soient pas des insultes mais des prétextes à débattre. Le but et donc de fédérer les souverainistes de droite, de gauche et, surtout, d’ailleurs – à savoir ceux qui ne se reconnaissent pas dans le jeu politique bipolarisé, donc manichéen.
AM: Comment se place Front populaire dans la galaxie des médias critiques comme Le Média, Quartier Général, etc ?
Michel Onfray: Nous n’avons pas de stratégie concurrentielle. En plus du mook et de sa version numérique, note média proposera une plateforme qui fonctionnera comme un parlement des idées, une tribune d’Etats généraux afin de contribuer à l’élaboration d’un programme alternatif. Il pourra aussi fédérer des informations qui ne sont pas relayées par les canaux habituels aux mains des marchands. Une sorte d’agence de presse populaire.
AM: Front populaire a-t-il vocation à se transformer en parti politique?
MO: Non, pas du tout. C’est un laboratoire d’idées, un lieu de cristallisation, de fédération, de mutualisation des idées positives à même de constituer un programme politique, mais pas du tout un cache-sexe pour couvrir des ambitions de politique politicienne.
AM: Front populaire a-t-il pour objectif de faire émerger les personnalités politiques de «l’après»?
MO: Il a pour ambition de fournir des idées utiles au peuple afin qu’il se constitue en sujet politique. C’est une boîte à outil populaire, pas une catapulte à candidat…
AM: Comment vous qualifiez-vous politiquement?
MO: Comme un anarchiste proudhonien, c’est à dire comme le contraire des anarchistes poseurs de bombes, nihilistes et violents, ressentimenteux et doctrinaires. Proudhon parlait d’«anarchie positive», c’est cette positivité qui m’intéresse le communalisme libertaire, l’autogestion, le régionalisme sur le mode girondin, la construction de maisons du peuple ou de parlements régionaux comme autant de lieux de débats et de décisions démocratiques, la promotion d’un Etat qui garantisse l’organisation libertaire, donc qui garantisse le choix du peuple – je vous renvoie à Théorie de la propriété de Proudhon – et non aux anarchismes de Bakounine ou de Stirner... Ma tradition est celle de l’anarchie française – Jean Grave, Sébastien Faure, Proudhon. [ref] Nous voilà bien avancés pour imaginer, sinon comprendre, comment l'anarchisme proudhonien pourrait se traduire en 2020 dans nos sociétés… Ce sera justement, dirait Onfray, le propos même de Front populaire. Soit.[/ref]
AM: Etes vous un populiste?
MO: Oui, clairement, car l’alternative est simple: si l’on n’est pas populiste, on est populicide - pour employer un mot de Gracchus Babeuf. Le populiste souscrit à cette idée que la démocratie c’est le gouvernement du peuple, par le peuple pour le peuple. Le populicide estime que le peuple peut errer et qu’il faut penser à sa place ou recourir à la propagande pour le faire penser comme il faut. [ref] Pour moi (perso, mais je ne me sens pas seul sur cette question), est populiste quiconque place le Peuple – avec majuscule ! – sur un piédestal, une sorte d'objet de culte doué de la raison immanente. Surtout quand ce même Peuple, privé de sens critique, s'aligne sur ses propres conceptions, convictions et intérêts. Mélenchon et les Le Pen en sont les usagers prototypiques. Onfray devra donc se démarquer de ce populisme-là qui est une mystification. Babeuf aussi, sous la Révolution, postulait la souveraineté du peuple. Le peuple (toujours perso) est une entité historique et politique aux formes variables, changeantes, sensibles aux “belles paroles”, soumises aussi bien que révoltées – au gré de l'Histoire, des lieux, des mœurs, des croyances. C'est tout autant une construction, objet de récits, d'analyses, de mythologies – de la Bible à Renan, d'Aristophane à Brecht, de Hugo à Michelet, de Platon à De Gaulle, de Gustave Le Bon à Reich, encore, pour ce qui est des “masses” populaires. On n'en finirait pas s'agissant d'un terme aussi polysémique.[/ref]
AM: Certains de vos critiques disent que vous avez une ambition politique. Qu’en est-il?
MO: Que ce sont de procès d’intention tenus par ceux qui, eux, ont des ambitions politiques et qui tiennent pour nuls et non avenus le fait que je dise depuis toujours que je n’ai pas d’ambition politique. Depuis des années, je fais de la politique autrement: par exemple en ayant refusé d’intégrer l’université après que ma directrice de thèse me l’eut proposé pour préférer continuer à enseigner dans un lycée technique; en vivant en province et pas à Paris où j’ai travaillé bénévolement à l’éducation populaire en organisant pendant dix années des exposions à la médiathèque d’Argentan (Adami, Combas, Garouste, Fromanger, etc.) ce qui me valait déjà la suspicion de ceux qui pensaient que je me présenterais aux élections municipales de la sous-préfecture; en créant l’Université populaire de Caen en 2002 pour lutter contre les idées de Jean-Marie Le Pen, une UP sabordée, entre autres, par les politiciens et les bourgeois de Caen; en créant une Université populaire du goût à Argentan – et désormais en créant cette revue avec mon ami Stéphane Simon.
AM: Front populaire rassemble des personnalités très diverses. Est-ce une manière de réunir les “souverainistes des deux rives”? N’y-a-t-il pas un risque de confusion?
MO: Il n’y a aucun risque de confusion puisque c’est l’objectif avoué. De droite, de gauche, et d’ailleurs avons nous dit. Les «personnalités» comme vous dites ne sont pas ce qui nous intéresse. La revue n’existe pas encore matériellement et nous avons déjà presque 15.000 abonnés… Nous n’avons pas le souci de savoir s’ils sont de droite ou de gauche.
AM: La crise sanitaire liée au coronavirus a ramené le souverainisme au centre du débat. Le considérez-vous comme le grand gagnant de cette séquence et vous qualifieriez-vous vous même de souverainiste?
MO: Oui, je le dis depuis des années… J’ai tous les défauts: populiste, souverainiste, protectionniste. Mais l’épidémie a retourné les cartes et montré que peut-être il y a des choses à voir de ce côté là… Geoffroy Roux de Bézieux, le patron du MEDEF , Raphaël Glucksmann, qui fut l’ancienne tête de liste des socialistes aux européennes, Emmanuel Macron , président de la République, n’ont-ils pas, il y a peu, dit que le souverainisme était d’actualité ? [ref] Encore une notion élastique qui s'étire entre Chevènement, Philippe de Villiers, Dupont-Aignan, Le Pen et tant d'autres ![/ref]
AM: Vous donnez des interviews à des médias identitaires (Breizh.info, Eléments) ou classés à droite. N’y-a-t-il pas un risque, une nouvelle fois, d’entretenir la confusion?
MO: Je reçois une centaine de mails par jour. Je réponds à tous. [ref]Quel athlète, décidément, dont j'envie la vitalité ![/ref]Y compris à des étudiants qui animent un fanzine, travaillent à la bibliographie d’une thèse, animent une radio libre confidentielle – ou ce site breton dont, il me semble pour ce qu’on m’en a rapporté depuis, vous avez raison de me dire que j’aurais mieux fait de m’en abstenir. Ma générosité ne va pas sans une certaine imprudence. Je ne fais en effet pas d’enquêtes policières pour savoir à qui je réponds. On peut légitimement me le reprocher. Mais si je réponds à des journaux classés à droite c’est parce que, sauf pour me casser la figure, les journaux classés à gauche ne me sollicitent pas ou ne parlent pas de moi – quel média a par exemple fait un article sur la fin de l’UP en enquêtant pour savoir quels rôles avaient joués le maire, les universitaires, le patron d’une salle de spectacle, la directrice des affaires culturelles de la ville, la direction de France-Culture dans ce sabordage d’une aventure qui, pendant plus de quinze ans, m’a permis de remplir des amphithéâtres de mille places et de permettre à une vingtaine d’enseignants de faire cours bénévolement ? Si je suis invité dans d’autres médias que ceux qui me sollicitent, je réponds positivement. La preuve: vous me sollicitez, je réponds. Est-ce que, pour autant, ça suffira à me faire passe pour un ami du camp du Bien comme on estime que je suis un ami du camp du Mal quand je réponds à Valeurs actuelles ? Je crains que non…
AM: Comment s’est passé la rencontre avec Didier Raoult? Le connaissiez vous avant?
MO: Nous ne nous sommes pas rencontrés. Il est à Marseille et moi à Caen. Une amie journaliste franco-libanaise, Zeina Trad, m’a dit qu’il souhaitait me parler. Nous avons échangé une petite demi-heure sur l’épistémologie, sur Bachelard et Feyerabend, sur Husserl dont il m’a parlé et sur la phénoménologie. Nous nous sommes envoyé trois ou quatre textos depuis, dont certains concernant ma santé puisque mon épouse et moi avons été diagnostiqués positifs au covid pendant quelques jours avant affinement d’un diagnostic de maladie tropicale.
AM: Comment le définiriez-vous politiquement?
MO: Comme un homme libre.
AM: Est-il devenu l’incarnation d’une opposition au pouvoir? A l’exécutif?
MO: Il est, comme tous les hommes libres, un objet de détestation pour les gens de pouvoir et un objet d’admiration pour tous ceux qui subissent ce pouvoir.[ref]Encore des généralisations, et ici plutôt manichéennes…[/ref]
Pour conclure, Laurent Joffrin, qui fait son travail de journaliste en lisant Le Monde avant de cliquer-coller, a, le lendemain, publié un éditorial qui, me dit-on, raconte la même chose. Je serais, écrit-il, animé par le ressentiment. Psychiatriser ou psychologiser une pensée est une vieille idée soviétique… Il ne me viendrait pas à l’idée [ref]La prétérition, vieille filouterie de rhétorique : dire qu'on ne va pas parler d'un fait tout en le soulignant… comme ici, avec une photo en plus…[/ref] d’estimer que son combat anti-Le Pen viendrait de la grande proximité qu’il eut avec cet homme à l’époque où son père faisait profession de remplir les caisses du FN ! Il existe sur le net une belle photo de Joffrin torse nu avec Le Pen…
Libération a seulement 17.000 abonnés en ligne, malgré ses 200 employés et 6.499.414 euros d'aides publiques versée en 2017 au titre de l'Aide au pluralisme (ce sont les derniers chiffres officiels connus, publiés sur le site du ministère de la culture pour 2017, soit 0.23 centimes par exemplaire). «Aide au pluralisme», je rigole! Constatons qu’après avoir fait des salamalecs pendant les campagnes, Libération finit toujours par appeler à voter au second tour des élections présidentielles pour le candidat de l’Europe maastrichtienne. Étonnant, non?
Ce que l’on peut déjà affirmer c’est que Front populaire ne souscrit pas à cette conception de la liberté de la presse! Je rappelle que, dans le classement de Reporters sans frontières, la France occupe la 34e place. Le Suriname et Samoa, la Namibie et le Ghana nous devancent.
Merci Le Monde, merci Libération. [ref]On ne saurait imputer cette déplorable place de la France dans l'état mondial de la liberté de la presse à ces deux journaux. Le classement annuel de RSF émane de critères portant sur le contexte politique d'exercice du métier de journaliste, qui relève notamment des gouvernements. [/ref]
Michel Onfray (Article du 24/05/20, site Front Populaire)
Articles incriminés (PDF) :
Avec sa nouvelle revue « Front populaire », Michel Onfray séduit les milieux d’extrême droite
Tout ça …?… pour argumenter « avec précisions » sur le fait qu’Onfray a dérapé, encore. Soit un VIP de plus, qui côtoyant les sommets du pouvoir parisien, envisage d’imposer son point de vue sur le contrôle sociétal. Il a compris, lui aussi (formatage VIP), que l’important est d’occuper l’espace. D’abord et avant tout. Mots, idées, action, positifs ou négatifs, peu importe.
En effet on peut le voir aussi de cette façon, même si je ne crois pas que ce soit délibéré de sa part, plutôt conséquence de sa notoriété, d’ailleurs justifiée. A qui cela ne tournerait il pas la tête ?
Subtile analyse qui pourrait être utile à Onfray, s’il est ouvert à la critique constructive. Ce pourrait être un signe de son état d’esprit…
Quel bilan du Front Popu ? Les congés payés et le pacifisme désarmant, d’ailleurs consubstantiels ? Que présage l’usage de ce symbole pour MO ? Un troisième AVC ? Le risque est à craindre, avec sa redoutable propension à multiplier approximations et confusions du fait de son incoercible prolifération logorrhéique…
Excellente analyse à laquelle je souscris. Onfray semble ne pas voir la nécessité d’une analyse patiente et, ce faisant, gaspille les énergies de renouvellement qu’il prétend vouloir rassembler, sème la confusion au lieu de clarifier le débat, c’est dommage.
Sur trois pages, le dernier Charlie Hebdo y va aussi de sa (trop) lourde charge anti– « Front populaire » et donc contre Onfray, dont ils rappellent ses propos aussi technolatres qu’anti-écologiques tels que : « Il faut que les chercheurs et les scientifiques pratiquent avec audace, à rebours de l’actuelle religion du principe de précaution qui est surtout très utile pour immobiliser tout, entraver la recherche et empêcher le progrès. » (2006). Pour le reste, ce « Charlie portrait » n’a rien à envier aux saillies du Monde et de Libé.