Chronique d’été, avec et sans masque. 2 – Du mensonge nucléaire, de la Chine, de la nation
[dropcap]Deuxième[/dropcap] fournée de cette chronique d’été, avec et sans masque. Où il est question du mensonge nucléaire, non pas tant de la sûreté des installations, que de leur protection face à la menace, notamment terroriste. J’apprends à ce sujet qu’en 2018, la sécurité des centrales nucléaires nécessitait quelque 1.024 gendarmes répartis dans vingt pelotons. Soit un coût annuel de 88 millions d’euros, qu’ EDF prétend financer – à moins qu’il s’agisse de nos factures… Il sera aussi question de la Chine, puis des écologistes devenus « écolos » par la grâce politicienne. Tandis que j'oserai aussi parle de patrie et de nation, ces deux ringardises si actuelles et nécessaires.
Vendredi 7 août 2020 – Docu Arte : « Sécurité nucléaire : le grand mensonge ». Titre on ne peut plus explicite, confirmé par un contenu des plus convaincants. « Sécurité nucléaire » est un oxymore cachant la catastrophe à venir, d’une toute autre nature que la terrible explosion qui vient de ravager Beyrouth. Quand des terroristes parviendront à leurs fins – ils ont essayé, sans encore réussir, en Belgique par exemple –, il s’agira sans doute de la destruction d’une piscine de refroidissement d’un réacteur ou, pire encore, d’une installation dans un centre de retraitement des déchets comme à La Hague. Ces piscines ne sont pas protégées ; Greenpeace a tiré un feu d’artifice auprès de l’une d’elles, le 12 octobre 2017 à Cattenom, près de Metz… Cette inconséquence date de la conception même des centrales, à une époque où le terrorisme semblait encore contenable – c’était avant l’irruption des fous d’Allah. Avant les attaques du 11 septembre 2001 aux États-Unis, où une centrale nucléaire aurait aussi dû être visée. C’était prévu dans les plans de Ben Laden, mais les Tours jumelles, le Capitole et le Pentagone furent jugées plus accessibles… Aujourd’hui, les centrales sont restées en l’état, c’est-à-dire sans protections autres que préventive et militaire… à la merci de cinglés pilotant des drones bardés d’explosif, ou ayant détourné des avions de ligne, scénario connu.
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Autre docu qui m’a secoué, dans un sens tout différent : un « reportage » sur la Chine, parcourue en TGV par deux bellâtres, un Français et une Chinoise extasiés faisant défiler des cartes postales de propagande. Effet garanti : ces villes monstrueuses, par leur nombre d’habitants – dix millions plus ou moins…– et leurs gratte-ciel à l’américaine. On reste au loin, sans y pénétrer, sans entendre les occupants parler de leur vie… dont ils peuvent sembler heureux, pourquoi pas, tant la servitude au capitalisme d’État s’étale à l’évidence. La Chine aussi a franchi ce point de non-retour vers une société plus ou moins démocratique, plus ou moins harmonieuse. Elle va devenir, si ce n’est déjà le cas, la « première puissance mondiale », c’est-à-dire un imperium technologique et, par delà, économique et militaire. Ce qui signe la fin de la domination états-unienne et perturbe tellement les quelques neurones de Trump agités sous son slogan obsessionnel et pathétique : « America first ».
Les Chinois : tirent-ils leur force adaptative de facultés créatrices, ou bien de leur docilité au travail, de leur amour de la servitude (Huxley), de leur méticulosité de copistes en général et des modèles occidentaux en particulier. Ils ont tout cela sans doute et, de fait, cultivent un accès aisé aux langues étrangères, surtout l’anglais et le globish, conditions pour sortir de l’enfermement qu’aurait constitué la complexité de leur langue et ses milliers d’idéogrammes. C’est ainsi que l’anglais s’est imposé comme vecteur du monde dominant. Ni les Arabes, ni les pays soumis aux diktats coraniques, ni la plupart des Africains, ni plus généralement encore le « tiers-monde » n’ont accès à cette souplesse linguistique, porte d’entrée dans la « modernité ». Dans un sens, ils s’en préservent. Dans l’autre, ils se clôturent dans leurs arrière-mondes discriminatoires.
Autre réflexion liée à ce docu : à Pékin, un architecte chinois explique comment ses œuvres sont reliées – selon lui – à l’idée de nature, sinon à la nature elle-même. Alors que « tout n’est qu’ordre et laideur », l’ordre marchand s’entend, à l’américaine. Ils ont même installé un « central park » pour faire « nature » ; on s’y promène, parmi des Chinois qui se disent ravis de ce contact avec « la nature ». À croire qu’ils ont oublié le souvenir des forêts et de la campagne, ou qu’ils ne les ont jamais connus. L’arbre transplanté tient lieu de caution « naturelle » ; on le mobilise tel un militant de la cause écolo.
De même, sous nos cieux, la cause écolo sert de volant, sinon de moteur, au char du capitalisme triomphant. L’urgentissime mesure prise par le nouveau maire – écolo – de Lyon n’a pas concerné l’urgence climatique, ni même un espace vert à protéger. Non, il s’agit d’instaurer sans attendre l’écriture inclusive dans les documents administratifs de sa ville ! Le coup des « celles-zé-ceux » de la macronie avec complication graphique. Voilà pourquoi, aussi, on ne dit plus écologiste, mais écolo. Avec inclusion du dérisoire. Les socialistes aussi ont succombé au « sociétal », délaissant le fondamental proche : fraternité, égalité, liberté – dans cet ordre des priorités – pour « faire société », certes, sans pour autant exclure cet ensemble autrement englobant que constituent la nation et/ou la patrie, désormais considérées comme des gros mots, de ceux qui séparent là où ils voudraient relier. Par quels glissements sémantiques, comment et pourquoi, ces mots ont ainsi perdu de leur substance ? Tandis que celui de République enflait sous de multiples sens, jusqu’à devenir le fourre-tout des politiciens creux.[ref]Parmi les mieux-disant sur la question : Jean-Pierre Chevènement ; j’y reviendrai.[/ref] De toutes les innombrables définitions données à ces notions, je retiens ici celles de Voltaire et de Renan :
« Celui qui voudrait que sa patrie ne fût jamais ni plus grande, ni plus petite, ni plus riche, ni plus pauvre, serait le citoyen de l'univers. » Voltaire, Dictionnaire philosophique.
« Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu'on a faits et de ceux qu'on est disposé à faire encore. Elle suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. » Renan, Discours et conférences, Qu'est-ce qu'une nation ?
(À suivre…)