Poutine-Zelensky. Pour n’avoir pas entendu le bon Rabelais
L’humain, cet animal « pas fini », et sans doute ne le sera-t-il jamais car il est dans l’ordre des choses que la perfection n’est pas de ce monde. Ce qui est pour le moins rassurant – laissons ça aux dieux, et encore… –, tout en gardant des marges de progrès dans le flux lent de l’évolution. Ainsi sur la question de la violence sauvage et plus précisément de la guerre, portée par une pathologie liée au désir de domination non exempte de sadisme – suivez mon regard. L’affaire vient de loin… Sans remonter au Déluge, de nobles ancêtres pas si anciens – XVIe- siècle – du nom de Montaigne ou de son contemporain Rabelais, avaient alerté notre espèce sur sa petitesse bien peu philosophique. On s’en tiendra ici au truculent et clairvoyant Rabelais. Voici ce qu’il écrivait, remis en français d’asteure, tel que le résume le fameux Lagarde & Michard de mienne fiancée Bernadette et par elle dénichée de sa bibliothèque :
« CONTRE LA GUERRE DE CONQUÊTE. Ridiculisant la folie ambitieuse de Picrochole (alias Poutine), il nous fait au contraire admirer la sagesse de Grandgousier (alias Zelensky) conscient de ses devoirs envers ses sujets et soucieux de leur éviter le fardeau et les douleurs de la guerre. C’est que le christianisme, en enseignant aux hommes qu’ils sont frères, a changé en crimes les prouesses d’autrefois.
« LE BON PRINCE DOIT ÊTRE PACIFIQUE et charitable envers ses voisins, car les peuples sont unis par des liens de solidarité économique. Il assurera le bonheur de ses sujets en observant la loi de l’Évangile “par lequel nous est commandé garder, sauver, régir et administrer chacun de ses pays et terres, non hostilement envahir les autres”. Le modèle des princes est “le vieux bonhomme Grandgousier” dont la piété et l’affection pour ses sujets font ressortir l’esprit belliqueux de l’irritable Picrochole, qui joue au grand conquérant et aspire à la monarchie universellle.
« COMMENT ÉVITER LA GUERRE ? Quand surviennent des incidents, le prince doit d’abord garder son sang-froid. Le déplorable Picrochole accepte sans examen un récit mensonger, saisit le premier prétexte d’agression et prête l’oreille aux excitations intéressées de ses généraux. […] Les guerres naissant souvent de motifs futiles, [Grandgousier] s’efforce de réduire le débat à ses proportions véritables […] sans prononcer les grands mots d’honneur et de gloire qui enveniment les querelles entre peuples. “Je n’entreprendrai guerre, que je n’aie essayé tous les arts et moyens de paix. »
Mais, ajoute aussitôt Rabelais en substance : au cas où on ne pourrait éviter la guerre, la sagesse consiste en effet, faute de mieux, à se tenir prêt à la gagner. D’où ses développements sur « Comment conduire la guerre défensive ? » : avec une armée de métier, une armée moderne où règne la discipline. […] Quand la force est déchaînée on ne peut l’arrêter que par la force […] et il vient un moment où les prières ne suffisent plus. Encore convient-il de combattre avec le plus de modération possible, en n’oubliant jamais que les ennemis sont aussi des hommes et qu’au terme de la guerre il faudra de nouveau construire la paix ».
Remarquable analyse sur un texte d’un auteur dont nous connaissons la profonde philosophie sous une écriture joyeuse, truculente à laquelle la littérature française doit beaucoup. Rabelais était un des préférés de Balzac, il parlait de son « maître ». Et il ne s’agissait pas seulement de complicité entre gens de Touraine. J’ai écrit « nous connaissons » mais je crains qu’en vérité ce ne soit pas le cas. D’ailleurs moi-même, si je l’ai lu à la fin de mon adolescence, je ne le connais pas vraiment. On voit ici combien nos Lagarde & Michard étaient de bons livres d’enseignement. À propos, enseigne-t-on encore Rabelais dans nos écoles. Gérard, merci pour cette invitation à consommer avec le plaisir qu’il se doit, les aventures de Gargantua, Pantagruel… pour notre gosier et notre esprit.
… la guerre, la sagesse (…) consiste à se tenir prêt à la gagner. Est-ce que les injonctions de Zelensky faites à l’Occident de livrer des munitions relèvent encore de cette préparation à la victoire ? N’y avait-il pas, en amont, de quoi désamorcer la bombe poutinienne à retardement (accords de Minsk, dissolution des groupes néonazis, autonomie du Donbass,…) ?