Mimi Perrin, comme un pinson du jazz
A quoi ça tient… Les journaux, le jazz, la politique, tout ça… J’allais allumer le feu, chiffonnant quelques boules de vieux Monde, la presse pour ça, rien de mieux – va le faire avec une page oueb… Mais brûler du journal, pour un journaliste, y a pas, c’est toujours un geste dur, à l'arrière-goût d’holocauste. Avec ça qu’au dernier moment, un titre, une image, un mot vous accroche l’œil – et voilà ce qui arriva l’autre soir : « Quoi, Mimi Perrin est morte ? ». Ben oui, c’est Marmande qui l’atteste, en tête de la page 30 [Le Monde, 20/11/10] avec une magnifique photo de Jean-Pierre Leloir. C’est bizarre la lecture du canard, on sait ça depuis longtemps.Un peu comme pour la musique, on virevolte… Là, j’avais bien percuté sur la mort d'Abraham Serfaty, l’inlassable opposant au régime marocain ; et voilà comment Mimi Perrin faillit passer à la trappe de mon histoire de jazzophile.
Jeannine (avec deux n) Perrin, dites « Mimi » (comme un pinson ?), avant de mourir à 84 ans, ce 16 novembre à Paris, a vécu une double vie. Pour les jazzeux, celle des Double Six, sans doute le plus fameux encore à ce jour des groupes vocaux français et francophones. Elle en fut la créatrice et l’inspiratrice de 1959 à 1965, date de la dissolution du groupe. Pour les littéraires, c’était une traductrice renommée de l’américain au français – notamment les biographies de Dizzy Gilespie, Nina Simone et Quincy Jones dont elle était très proche. Mais on lui doit aussi des traductions de John Le Carré (entre autres La constance du jardinier, Une amitié absolue, avec sa fille Isabelle).
Dans les deux cas, un rapport intime avec la langue française. C’est même ce qui a constitué toute la pleine saveur des Double Six : cette manière superbe d’allier l’essence du jazz à celle du français, pourtant réputé peu « musicable » – surtout dans ce registre, comme dans celui du rock, génétiquement portés par l’anglo-saxon. Mais les Double Six, ce n’était pas qu’une performance linguistique. C’était aussi et d’abord un exploit musical ayant consisté à « restituer vocalement les versions instrumentales de thèmes de jazz, solos compris, en reprenant toutes les voix d’une orchestration de big band » (Xavier Prévost, Dictionnaire du jazz).
Je ne vous en dis pas plus ici, préférant lui laisser la voix, sublime, dans l’extrait ci-dessous, de 1960 (juste une minute légale de citation).
On entend ici Mimi Perrin dans « Rate Race » (La course au rat) de Quincy Jones ; elle tient la ligne se saxo ténor de Billy Mitchell dans l’orchestre de Count Basie. Au piano, Art Simmons, à la basse, Michel Gaudry et Daniel Humair à la batterie. Les CD du groupe peuvent donner lieu à des cadeaux de qualité… Parmi les autres voix du groupe, on retrouvera notamment celles de Christiane Legrand (sœur de Michel), et aussi de Bernard Lubat et d’Eddy Louiss. Un collier de perles dont « Mimi » fut l'une des plus étincelantes.
Magnifique, merci Gérard pour cette piqure de rappel. Et quelle brochette de musiciens exceptionnels !
J’y connais rien trop en jazz, mais ça me plaît. Cet extrait (trop court) me donne vraiment envie, encore plus, de connaître ces chanteurs et musiciens extraordinaires.
Florimon,
tu vas te régaler avec mimi Perrin et les double six pour pas un rond sur youtube : « Early autumn », attention chef d’œuvre
https://www.youtube.com/watch?v=htjc9ceDl7Q&list=RDhtjc9ceDl7Q#t=9
Le Printemps à Paris qui suit sur le swing moëlleux de Count Basie vaut aussi l’écoute.
Amitiés jazzeuse
Re-Écouté avec grand plaisir. « Trop beau » ! Merci.