Congo-Banque mondiale. Ou comment, avec deux euros par mois, rembourser une dette de 10 milliards
Suite de l’incursion d’hier Au cœur de l’Afrique. Il s’agissait du livre de Bernard Nantet qui, lui-même, évoquait le Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad, dont l’action se passe au Congo. C’est le pays de Victor Nzuzi, agriculteur et militant altermondialiste, un sacré bonhomme qui, à l’occasion, lâche la houe pour le bâton de pèlerin. Son espérance : faire annuler la dette des pays pauvres. Ce qui revient à s’attaquer à quelques forteresses, et non des moindres, comme la Banque mondiale (BM), le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC). En plus de son bâton, il lui faut donc s’armer d’un optimisme des plus combatifs. Qu’il n’en manque pas relève d’ailleurs du miracle ; il lui faut en effet intégrer trois données imbriquées : le délabrement général de la République démocratique du Congo, le rouleau compresseur de l’économie néo-libérale mondialisée et, ceci expliquant cela, l’incessant combat pour la survie de la population locale.
Grand comme quatre fois la France, le Congo doit son malheur à ses richesses : 40 % de la forêt africaine, l’or, les diamants, le cobalt, l’uranium, le pétrole et aussi le coltan, ce minerai (radioactif) qui sert à produire le tantale, un métal précieux entrant dans la fabrication des puces des téléphones. Le bassin du Congo, ses fleuves et lacs constituent l’autre grande richesse, l’eau bien sûr et, en la domptant à coups de barrages gigantesques, l’énergie électrique. Ces constructions représentent la plus grosse part de la dette, soit quelque 10 milliards d’euros réclamés à l’un des pays les plus pauvres – 161e rang sur 171 États, selon le PIB/habitant.
Sur des tissus en batik apportés de son village, Victor Nzuzi montre le barrage d’Inga, sur le Bas-Congo, d’où partent des pylônes et des lignes à haute tension surplombant des cases traditionnelles éclairées… à la lampe à pétrole. On ne peut plus cruellement résumer l’absurdité de ce monde-là. Tandis que le courant va ainsi parcourir près de 2 000 km pour alimenter les mines du Katanga, des millions de damnés doivent endosser les délires de grandeur du dictateur Mobutu, folies qu’ils payèrent de leur travail et de leur vie, et dont jamais ils n’ont pu profiter. Et les voici héritiers de la dette, poursuivis par les huissiers de la Banque mondiale ! Lesquels n’en espèrent rien vraiment, mais autorisent ainsi, de fait, les pilleurs du pays à se payer sur la bête sans la moindre retenue.
Une litanie de données brutes et de chiffres peut compléter le tableau : cinq ans de guerre, trois millions et demi de morts ; un président potiche, des gouvernants corrompus ; services publics à l’abandon, plus de routes, ni écoles, ni hôpitaux dignes de ce nom ; taux d’emploi de 2 %, tous fonctionnaires, à deux euros par mois. Oui : par mois ! – soit le prix d’un poulet arrivé d’Europe… (dans quelles conditions d’hygiène ?…), tout comme désormais le jus d’orange en boîtes, œufs et oignons importés de Hollande, farine de blé des surplus occidentaux qui ruinent l’agriculture africaine en général.
Le comble, enfin, c’est cette camarilla des institutions créancières, ces régisseurs de l’Ordre mondialisé avec leur jargon infecte comme mépris suprême des valeurs humaines. Voici la BM avec son IPPTE, traduction : Initiative pour les pays pauvres très endettés, dont la version « pédagogique », parfaitement incompréhensible ! – s’appelle DRSP : Document stratégique de réduction de la pauvreté ! qui vise ni plus ni moins à faire accepter comme une nécessité la privatisation générale de ce qui reste encore à piller. Pour cela, des « experts en dynamique communautaire » [sic] ont pondu un tract destiné à « informer » les paysans congolais du bien-fondé des restrictions auxquelles ils doivent se soumettre. C’est un affront à leur dignité d’humains, une injure sans nom.
On peut écrire à Victor Nzuzi ; il a même une adresse internet. Mais autant que ce soit pour quelque chose, car relever sa boîte l’oblige à pédaler 50 km jusqu’au village le plus proche du sien. Où il y a l’électricité. Parfois.
victor_nzuzi2000@yahoo.fr
Je réagis à propos de « parole à tous ». C’est vrai que nous enseignons une langue qui n’est pas celle d’origine, mais il faut faire attention dans ce domaine, savez-vous qu’en RDC le français est la langue officiellle et qu’il y a cinq autre langues reconnues. Les faits historiques, on peut le regretter, font que pour ce pays, la langue commune est le français, agrémenté des langues locales, mais pour que dans un pays grand comme quatre fois la France, il faut bien trouver un point commun.… autre que les armes, les enfants soldats, les nombreuses maladies, le pillage des ressources naturelles pour NOTRE bien-être, je pense que le langage du fric est beaucoup plus dangereux que la langue officielle. Les informations que je donne, pour la plupart, je les ai trouvées sur internet, alors, avant de juger, essayez de vous informer, c’est facile, et internet, à 68 ans, je viens juste de m’y mettre, je suppose que vous êtes plus jeune que moi ; vous devez avoir plus de facilité pour vous y retrouver, car pour moi, je vous assure que c’est vraiment par hasard que je suis arrivée sur ces commentaires : est-ce cela qu’on appelle un blog ? La cause que je défends, celle de paysans dépossédés de leurs terres par un latifundiaire belge, celle des 5000 enfants malades à cause de l’eau non potable, celle des 300 (seulement) enfants scolarisés me paraît plus importante que celle de la langue, encore que j’espère en arrivant là-bas, instituer une sorte de jeu avec les enfants, si possible en présence des parents, c’est de leur demander ce qu’ils ont appris en français à l’école le jour même, et de m’apprendre en retour les mots dits en kicongo. Mettre les deux langues à égalité pour eux et pour moi, et en y joignant les parents, dont certains sont certainement illétrés, leur faire apprendre en même temps que leurs enfants. Je rêve peut-être, mais j’essaierai, mon premier métier fut institutrice, des migraines insupportables m’ont empêché de continuer, mais je ne souffre plus, et je suis prête à m’y remettre. Je crois à la retraite à 60 ans, et qu’on donne aux retraités le possibilité de vivre une seconde vie utile et pas seulement des consommateurs qui attendent la mort.