Arnaud Lagardère se paie 17% du Monde et offre une leçon de morale
Dans Le Monde du 8 juillet, la leçon de morale d’Arnaud Lagardère est épatante à plus d’un titre – mais surtout par le titre [ci-dessous] :
Commençons donc par ce titre… Tout à fait dans l’air du temps, celle de la rengaine qui a surgi dès l’annonce du choix de Londres pour les JO de 2012. L’option « lobbying » était armée comme un (vrai) « plan B ». Et les médias dominants, une fois, de plus, ont pressé la détente. Exemple, Pujadas sur France 2 pressant aussi Delanoë de charger les Britanniques, ces « déloyaux » montrés d’un doigt de mauvais joueur. Ah !, ces perfides (d’Albion, c’est automatique), ils ont charrié avec leur lobbying. Car il y a la chose et l’esprit. Ah ! mais c’est pas pareil, comme on le fait, nous franchouillards, qui sommes si délicats… Bon alors quoi ? Du lobbying, on en fait ou pas – et encore moins à moitié, non mais !
Lobbying d’abord, c’est même pas du français. Lobby, en anglais, c’est le couloir. Faire les couloirs, c’est ce qu’ils appellent, ces malotrus, lobbying… De là à recevoir des responsables du CIO dans sa chambre d’hôtel… Ça, c’est bien dans les mœurs du Blair qui nous les casse grave. Le couloir c’est le couloir, pas la chambre. Ou alors, c’est louche, plus que louche.
Telle est bien aussi la chansonnette entonnée par Lagardère-nous-voilà, et à laquelle il ajoute l’air de l’outrage fait au grand moraliste, digne fils de son père, dont il a hérité la charge du marchand de canons et de papier imprimé. « Plutôt perdre que se perdre » ! C’est pas beau, ça ? On se croirait dans un remake du « Bossu ».
Remarquons en passant que le titre du « journal de référence » a quelque peu écorné la forte pensée du président du Club des entreprises Paris-2012. Le propos rapporté dans l’article est en effet celui-ci : « Si c’est le lobbying qui a fait la différence, il est certains domaines où il vaut mieux perdre sans se perdre soi-même. » Eh… c'est que « certains domaines » autorisent de « se perdre soi-même ». La nuance importe. Mais quels domaines, nom d’un missile ?!
On sait ici qu’Arnaud et Serge partagent une certaines similitude de destin. Héritiers tous deux de papas aux « domaines » portés sur les armes, les choses volantes, le pouvoir et ce qui va avec pour bien en jouir : la trompette du garde-champêtre, autrement dit les médias. Serge s’est payé son rêve de gamin en rachetant Le Figaro, L’Express et quelques dizaines de gazettes plus ou moins encombrantes. Arnaud, lui, c’est les magazines d’Hachette et compagnie (champion mondial) ; quelques quotidiens aussi, mais rien de prestigieux comme… Le Monde. Et ben, nous y voilà ! Le jeune Arnaud s’est offert, début juillet 17% du capital du Monde SA pour quelque 25 millions d'euros. Sans parler de quelques contreparties genre prise de participation de 49% dans les régies publicitaires du groupe et notamment celle du quotidien. Un bon début, pas vrai ?
Serge et Arnaud vaut ainsi pouvoir jouer dans la même cour, celle des grands médias dominants. Le «journal de référence» salue donc l’événement par cette interview sur quatre colonnes en tête de sa dernière page. «Plutôt se perdre que perdre»… Qui a dit ça, déjà ?
La formule a de la gueule, quand même.
Mais en effet, ça a un goût un peu spécial venant de ce genre de personne.
En ce qui concerne les Jeux, j’avoue que je m’en tape. Cette grande messe plus que douteuse consacrée à la célébration de valeurs criticables et de toutes façons largement perverties, ne me passionne guère.
Par contre, ce qui me gonfle dans l’histoire, c’est que cette « victoire » de Londres va encore dans le sens de tous ceux qui nous serinent depuis des lustres qu’une seule voie existe, et pas deux : celle du libéralisme. Un travailliste héritier de Thatcher, ça énerve, quand même.
Au fond, ils doivent être ravis, tous les libéraux frenchies, donc les Arnaud et les Serge, que cette victoire des Britanniques nous martèle une fois de plus comme tout est bien mieux Outre-Manche !
La patrie de ces gens n’est pas leur nation ni même, comme pour les Citoyens du Monde, la Terre, mais le pognon, la puissance et la gloire.
Et puis, toujours, toujours, dans cette histoire de jeux d’influences et de copinages de couloir, cette question de LANGUE !
Quel a été le rôle des langues (anglais, français…) dans la défense des projets, quel sera-t-il en 2012 sur place (le français est, très théoriquement ‑car de moins en moins dans la réalité- la langue de l’olympisme) ?
Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet, et il est très probable que je ferai une ou plusieurs notes à ce sujet…