L’amertume des nouvelles ne recouvre pas forcément celle du monde
J’emprunte à l’excellent Jean-Paul Chapon de Paris est sa banlieue sa note du 17 août. Histoire d’ajouter à la suite mon grain de sel sur l’amertume des nouvelles journalistiques.
« Lettre amère...
« Comme tous les matins, j’ai reçu la lettre «check-list» du Monde. Coincés entre les deux vignettes sur les « 40 jeux honteusement exclus des JO », les titres de ce 17 août 2005 :
Série noire dans le transport aérien
Hausse du pétrole : le gouvernement réagit
Meurtre à Taizé
Lignes non rentables : la polémique enfle
Amiante : Alstom en correctionnelle
Crash d'hélicoptère en Afghanistan
Gaza : l'ultimatum a expiré hier soir
Triple attentat en Irak, ce matin
L'aide en crise au Niger
Vézelay interactif
Phuket polluée par la pollution d'Indonésie
Quitter Gaza
Vache folle : inquiétude aux Etats-Unis
Egypte : lancement de la campagne électorale
Les paysans croates face à la "mafia verte"
Berlin : les hommes d'Angela Merkel
Et pendant ce temps, en Mauritanie... »
J’éprouve si souvent ce sentiment de désespoir, sinon de dégoût face à cette vision du monde. Soit, il n’est pas si beau notre monde – l’a-t-il jamais été ? Le sera-t-il jamais ? Il est. Le « reste » dépend tellement de la représentation qu’ « on » choisit d’en donner. Et nous nous trouvons là au nœud du mal-être généralisé, en particulier dans nos sociétés d’abondance sélective.
J’éprouve si souvent ce sentiment de désespoir, sinon de dégoût face à cette vision du monde. Soit, il n’est pas si beau notre monde – l’a-t-il jamais été ? Le sera-t-il jamais ? Il est. Le « reste » dépend tellement de la représentation qu’ « on » choisit d’en donner. Et nous nous trouvons là au nœud du mal-être généralisé, en particulier dans nos sociétés d’abondance sélective.
Cette litanie des (mauvaises) nouvelles d’un jour se reproduit à peu près 365 fois par an, et par des millions de médiateurs agissant comme des prophètes de malheur. Une chose est d’annoncer ce qui advient dans l’actualité – et de tenter d'en livrer des clés de compréhension ; une autre est d’en monter un spectacle morbide dont le sens, caché, n’en est que plus dévastateur. Une telle attitude produit ce qu’un Henri Laborit naguère qualifié d’inhibition d’action : devant l’absence (même apparente) d’alternative à l’action (« pas le choix »), l’inaction s’impose comme attitude de survie passive.
N’est-ce pas ce que traduisent les mises en « loi des séries » des successifs derniers accidents d’avions ? L’étalage des images de catastrophes, au fond réconforte ses spectateurs : du moins sont-ils vivants, eux ; au moins ont-ils « raison » d’être là où ils sont, de s’en satisfaire et même de s’estimer heureux comme ils sont, sans rien bouger autour d’eux.
Ce qui m’amène à vous signaler [après l’alerte de Denis : merci !] le Contrat tacite des gens qui dorment. Un texte très décapant, en 33 points, dont j’extrais le n°16, très à propos:
« 16) J'accepte que l'on me présente des nouvelles négatives et terrifiantes du monde tous les jours, pour que je puisse apprécier à quel point notre situation est normale et combien j'ai de la chance de vivre en Occident. je sais qu'entretenir la peur dans nos esprits ne peut être que bénéfique pour nous. »
→ L’image : Œuvre du peintre varois Jean-Pierre Giacobazzi, par ailleurs l'un des piliers du Festival de jazz de La Seyne-sur-Mer. Voir son site.