Afrique(s)Reportages

Éthiopie. La « nouvelle fleur », capitale bien flétrie

Carnet de voyage en Abyssinie (28/10/05)  

Des bribes de mon voyage dans la corne de l’Afrique. Pour autant que la technique le permet… Sans trop d’images ni de mise en page.

 Les miséreux du monde – ils sont la majorité – accourent chaque jour dans les mégapoles, de plus en plus monstrueuses. La « nouvelle fleur », traduction d’Addis-Abeba, a dépassé les quatre millions d’habitants. Ce qui lui vaut bien des flétrissures. « Habitants » est d’ailleurs beaucoup dire, puisqu’il suppose un habitat. Combien sont-ils donc à joncher les recoins et les trottoirs ? Pas un quartier qui n’échappe à cette terrible vision devenue, semble-t-il, comme normale aux yeux du reste de la population, les plus ou moins nantis. Partout, l’étalage au grand jour – je ne parle pas de la nuit ! – d’un peuple en guenilles, échoué sur les rives d’une apparente indifférence, ou plutôt, sans doute, d’une inéluctable résignation. Il faut bien survivre aussi, et se blinder.

Addis-Abeba, ses façades d’immeubles voyants, ses tours multiples en construction, ses monuments et ses artères qui en jettent, si on les parcourt comme ça, en bagnole et à la va-vite. Mais aller à pied, surtout pour un Blanc, relève de l’épreuve.

Je m’y essaie, prudemment, en serrant les fesses, un œil dans le dos comme m’y incite le souvenir de deux agressions passées, dans des villes africaines pourtant moins risquées a priori (je ne vois guère que Nouakchott, en Mauritanie, à n’être pas inquiétante.) Prendre des photos expose plus encore, peut rendre agressif, tenter l’amateur. Alors, je m’accroche à la sacoche, en bandoulière et côté ventre. Le mieux étant encore la tenue « rien dans les mains - rien dans les poches », qui désamorce les tentations.

Même l’avenue Chrurchill, – les « Champs-Élysées » d’ici – est édifiante côté misère. Des mendiants partout, estropiés en tous genres, tordus par la polio, amputés des mains, d’une jambe, se traînant à même le macadam, ou recroquevillés sur le trottoir, sans même un carton, rien, en attente de mort, ou même étendus de tout leur long, peut-être déjà morts… Il doit bien y avoir un service municipal ou autre chargé du « nettoyage » ? Ça doit bien se savoir, toute cette détresse, dans les beaux bureaux ? Comment une société humaine peut-elle tolérer tant d’inhumanité ? Hier, au ras de la circulation, en pleine place Meskel – celle du dément stalinien de Mengistu –, cette femme jeune à même le trottoir, avec ses deux enfants, dont un bébé geignant qu’elle allaitait, là, devant des 4x4 indécents. 

1meskel_2Ailleurs, sous le lion monumental – très belle statue datant du Négus –, près du Théâtre national (je ne sais trop ce qui en émane, vu l’état du bâtiment), surnage un petit square de buissons. C’est le Mont de piété en live, enfin en survie. Tout un campement au ras du sol, que je me suis borné à observer de loin, tant l’approche est dissuasive.

Hier, vers les dix heures du soir, alors que la ville semble déserte et que, rentrant à mon hôtel, deux mendiants à béquilles me « sautent » dessus, surgis de l’ombre. Ou le matin, achetant le journal à un vendeur de rue, me voilà entouré d’une flopée d’autres petits marchands – mouchoirs en papier, bonbons, cigarettes, DVD pornos… –, bientôt grossis par une ribambelle de gamins quasi nus.

Quant à s’enfoncer dans les quartiers et les bidonvilles je n’ai pas encore osé… C’est l’inconvénient du voyage en solitaire. Ainsi cette histoire d’agression racontée par un Français, un Ch’ti que j’avais repéré au comptoir de l’hôtel tandis qu’au téléphone il parlait de ses vacances « en Étchopie ». Pas manqué, le gaillard (deux mètres d’altitude) est de Lens ; c’est un prof d’EPS installé comme coopérant à Johannesburg, en Afrique du Sud. Il est venu voir sa copine, une chanteuse d’ici, une beauté à laquelle il a succombé lors d’un premier séjour à Addis pour une formation. Bref, me raconte-t-il, lui qui en a vu d’autres, il s’est fait renverser, en pleine rue et en plein midi, par deux types dont l’un s’est brusquement couché devant lui tandis que l’autre le faisait tomber. Il s’est vite dégagé en sportif balaise, mais sans avoir pu empêcher une main de plonger dans sa poche de pantalon pour lui piquer quelques billets. Il a heureusement pu garder son sac, tandis que les deux agresseurs filaient à toutes jambes.

Bon, c’était ma rubriqiue « faits div’ », comme on dit dans les gazettes. Je ne voudrais pas trop noircir, ne relever que les fameux trains en retard,, chers aux journaleux. Mais tiens, à propos, me rendant justement à la « Hagar », celle qui, par une ligne unique, relie Addis à Djibouti, que n’apprends-je ? Que le train n’est pas arrivé depuis quatre jours. Ça va même faire cinq aujourd’hui… Tandis que j’ai rendez-vous ce matin avec, non pas avec le chef de gare, mais avec le directeur-même du chemin de fer – ex fleuron franco-éthiopien.

Je raconterai tout ça bientôt – surtout si je peux embarquer pour cette aventure, direction Djibouti via Dire-Dawa et Harar.

(à suivre)

 Gérard Ponthieu, en Abyssinie

>  Je crois avoir dégoté la bonne boutique internet : claviers (qwerty) en bon état, mais la connexion reste incertaine.

> Merci aux amis dont j’ai pu lire les chaleureux messages. Réponses par la pensée…

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Une réflexion sur “Éthiopie. La « nouvelle fleur », capitale bien flétrie

  • Francine P

    Est-ce sur­pre­nant d’un pays qui vient de sor­tir d’une guerre et qui a vécu tant de famines parle passé ?

    C’est un coin recu­lé dont on entend pas sou­vent parler.

    Merci de votre témoignage.

    Répondre

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