Daniel Groussard. Satanée tempête qui a emporté l’ami !
[dropcap]Daniel[/dropcap], mort. Hier soir, il est parti mon cher pote Daniel Groussard. Soixante-six ans, cancer. Adieu va ! Tu nous rends le monde bien triste en nous privant de ton rire de vivant, de tes yeux à malice, de ton auréole grise et apaisante. Tandis que tu laisses aussi derrière toi, comme une autre peau, ce regard affûté du journaliste. Mais ce n’est pas à « ça » que je voudrais te réduire. Même si journaliste tu fus, oh combien !
Correspondant marseillais de Libération de 1981 à 1996, ça laisse des traces. Moins quand même que l’amitié qui incluait, aussi, une distanciation complice sur le métier. Façon de dire que la qualité d’être prime sur tout, et que le métier d’informer ne peut que s’en réjouir.
On s’est connus dans les années 80 chez Jean-Pierre Chabrol, dans sa maison des Cévennes. L'été dernier, un quart de siècle plus tard, tu avais été fort ému de revoir les photos de ces bons moments. Bons parce que c’était ceux de notre rencontre et de quelques autres amis. Bons parce qu’on baignait encore dans la fraîche espérance de « 81 ». Même que Chabrol – vieux méfiant, déjà inquiet – venait de nous passer un savon dans un papier à la une du Monde.
Tu avais fondé et animé Sud, de 76 à 80, hebdo indépendant du Languedoc-Roussillon, concurrent de Midi-Libre où tu rongeais tes freins. Tandis que dans le même temps, ou presque, je m’étais aussi échiné à faire vivre Sexpol sur le terrain de la sexo-politique. Eh quoi ! pestait Chabrol, vous arrêtez maintenant alors que tout reste à faire ! Tel était le sens général de son papier intitulé «Les Albatros», dans lequel il nous rangeait parmi ces «géants» aux ailes paralysantes – du moins paralysées : trop d’énergie dépensée pour trop peu d’effet. Les combattants rendaient les armes de la presse militante. Somme toute, ils passaient le bébé à la Politique – encore majuscule dans ses habits rénovés. Oh les Naïfs!
Mais, tout comme moi et tant d’autres alors, Daniel a soufflé. Façon de parler, car il rejoignait alors ce Libé qui, justement, prétendait encore assurer la relève de la vigilance. Mais du moins devenait-il salarié d’une entreprise plus solide que son hebdo régional. Il rejoignait aussi un journal alors plein d’allant. Une aventure.
Quinze ans donc à devenir le plus marseillais des Bretons. Le Rennais d’origine s’était attaché à la «cité phocéenne», dont il ne manquait pas de bien châtier ses énergumènes les plus toni-truands. Attaché à Marseille, tout comme dans le Vieux port il avait attaché son «Balbuzard» de voilier, morfondu depuis des mois à l’anneau de l’abandon inéluctable.
Satanée tempête qui t'a emporté !
> Dernier adieu ce lundi à 15h15, cimetière Saint-Pierre.
Oh, mon amour…
Mon doux mon tendre mon merveilleux amour
De l’aube claire jusqu’à la fin du jour
Je t’aime encore tu sais je t’aime.
Comme c’est émouvant !