« La Provence », ou le journalisme flambant
Un coup à ressortir nos Pantoufles (d’or en l’occurrence) ! A moins que La Provence et certains de ses journalistes aïoli n’aient déjà chaussé les tongs d’été. On en rirait si ce n’était dramatique. Ainsi, pour le quotidien marseillais, deux morts dans un incendie c’est deux fois rien à côté de 25 hectares de broussailles partis en fumée. Tel est le message hautement humaniste et journalistique dégagé par la une du canard de ce samedi 28 mai. La page 7 n’en est pas moins explicite dans la confirmation des valeurs hiérarchiques de l’information. Voyez vous-même.
Explications : Incurie professionnelle ? Ou sa variante, la flemme pantouflarde ?, ce mal rampant de bien des rédactions démobilisées. Les deux mon général ! Risquons une hypothèse, en attendant l’improbable démenti : La broussaille a eu la chique idée de s’enflammer à une heure raisonnable (7 heures du matin) et à la vue de « milliers d’usagers de l’autoroute Nord ». Ensuite, il a duré assez pour déclencher l’armada des secours, ce qui est « bon, Coco ! » pour gonfler l’image de une et enclencher la mécanique catastrophiste si cher aux journaleux. Il faut aussi comprendre qu’après la surdose « OM », le quotidien des supporters a dû en rabattre sur le chapitre (pour cause de défaite, au cas où certains n’auraient pas suivi cette existentielle actualité), et encaisser du même coup une chute des ventes.
Quant à l’autre « fait divers » – dont on ne nous dit même pas ni qui des victimes (« la jeune [sic] aurait sauté avec son autre enfant » [sic]), ni où exactement (pas de nom de rue ni quand (« dans la nuit » ou « hier soir », selon la une ou la sept…) – il sera passé inaperçu des « usagers » autoroutiers et n’a dérangé ni Canadair ni Dash-8. Quel intérêt, hein ? Et puis si tard… Le canard devait être en bouclage ou je ne sais quoi de technique qui aura empêché au journal de faire du journalisme.
Dieu merci, si on ose dire, la radio du samedi a eu, avec ce drame, de quoi se mettre sous la dent creuse d’une actu merdique. Cannes, Clearstream, corbeau et renards qui finissent par gonfler le peuple – pas les ventes.
Encore une fois, j’interviens pour défendre « La Provence ». Je m’étonne toujours de réactions « ayatollesques » qui considèrent qu’un article magazine comme celui sur des chasseurs à l’arc, rédigé par Sophie Manelli, n’a pas sa place dans le journal. Je pense le contraire. Un journal, c’est un sujet fort sur les tests ADN, la victoire de l’OM et des loisirs. Dans mon édito du jour, je dis que l’actualité n’est pas seulement le plomb quotidien qui nous est servi. Une petite échappée de temps en temps ne fait pas de mal.