Une réflexion sur “De notre envoyé spécial à l’Élysée

  • Joël DECARSIN

    Les élus qu’on mérite

    Quiconque s’aviserait de se rema­rier, trois mois après un divorce, s’exposerait à la cri­tique géné­rale : « cet homme est fou » s’exclamerait-on una­ni­me­ment. Or qui, aujourd’hui, veut bien recon­naître que notre ges­ti­cu­la­teur natio­nal est un grave névro­sé ? Qui veut bien admettre que ses innom­brables pan­to­mimes ne visent qu’à dis­si­mu­ler un gouffre de non-sens ? Pas davantage…

    Au temps d’Andersen, il arri­vait par­fois que l’adulte entende la parole de l’enfant lorsqu’il lui disait : « ne sois pas dupe, ton roi est nu ». Mais aujourd’hui, pour des rai­sons mul­tiples (trop longues à détailler ici), l’adulte a régres­sé et c’est pré­ci­sé­ment parce qu’il est infan­tile qu’il reste sourd à l’enfant, le vrai.

    Pour peu que l’on soit rai­son­nable, on admet sans mal qu’un diri­geant n’est jamais dan­ge­reux en lui-même mais seule­ment quand on « croit » en lui. Mais c’est pré­ci­sé­ment parce que l’usage de la rai­son reste raris­sime que des peuples se retrouvent pério­di­que­ment gui­dés par des pan­tins. Pour s’en convaincre, il suf­fit de se rap­pe­ler qu’Hitler lui-même n’est pas arri­vé au pou­voir par la force mais par la seule voie des urnes.

    Notre époque n’est en rien « indi­vi­dua­liste » comme je l’entends dire à lon­gueur de temps. Comme depuis tou­jours, les indi­vi­dus accom­plis, authen­ti­que­ment libres, res­tent rares. En revanche, nom­breux sont ceux qui ne s’étant pas « indi­vi­dués » (au sens jun­gien du terme), res­tent englués dans « la masse des croyants », quand bien même ils se le dis­si­mulent à eux-mêmes, via toutes sortes de simu­lacres narcissiques.

    Je ris jaune lorsque j’entends dire : « Quand les gens auront com­pris qu’ils sont mani­pu­lés, ils réagi­ront ». Je pense exac­te­ment le contraire. Au mieux, la baisse du pou­voir d’achat pro­vo­que­ra t‑elle quelques remous. Mais elle n’émoussera en rien la soif immo­dé­rée de croyance. La majo­ri­té des gens pré­fèrent encore croire à un pauvre type qui joue les princes en Egypte avec une star­lette plu­tôt que de pen­ser par eux-mêmes. C’est l’immuable réalité.

    Le chef de l’é­tat ges­ti­cule ? Qu’à cela ne tienne, il est la par­faite expres­sion du bou­gisme ambiant.

    Joël Decarsin

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