Fascisme ordinaire. « Monsieur Vadrot ? L’accès du Jardin des Plantes vous est interdit »
Journaliste à Politis et chargé de cours à Paris-VIII, Claude-Marie Vadrot, raconte l’inquiétante mésaventure qui vient de lui arriver ce 17 avril. Une histoire qui rappelle un temps où l’on parlait de « fascisme ordinaire ». Au Jardin des Plantes, dira-t-on, il est normal que repoussent même les mauvaises herbes.
« Je suis inquiet, très, très inquiet.. Vendredi dernier, à titre de solidarité avec mes collègues enseignants de l'Université de Paris 8 engagés, en tant que titulaires et chercheurs de l'Éducation nationale, dans une opposition difficile à Valérie Pécresse, j'ai décidé de tenir mon cours sur la biodiversité et l'origine de la protection des espèces et des espaces, que je donne habituellement dans les locaux du département de Géographie (où j'enseigne depuis 20 ans), dans l'espace du Jardin des Plantes (Muséum National d'Histoire Naturelle), là où fut inventée la protection de la nature. Une façon, avec ce «cours hors les murs», de faire découvrir ces lieux aux étudiants et d'être solidaire avec la grogne actuelle mais sans les pénaliser avant leurs partiels.
Mardi, arrivé à 14 h 30, avant les étudiants, j'ai eu la surprise de me voir interpeller dès l'entrée franchie par le chef du service de sécurité? Tout en constatant que les deux portes du 36 rue Geoffroy Saint Hilaire étaient gardées par des vigiles.
– «Monsieur Vadrot ? ». - euh... oui - Je suis chargé de vous signifier que l'accès du Jardin des Plantes vous est interdit. - Pourquoi ?? - Je n’ai pas à vous donner d'explication.
– Pouvez vous me remettre un papier me signifiant cette interdiction ?? - Non, les manifestations sont interdites dans le Muséum - Il ne s'agit pas d'une manifestation, mais d'un cours en plein air, sans la moindre pancarte - C'est non.
Les étudiants, qui se baladent déjà dans le jardin, reviennent vers l'entrée, le lieu du rendez-vous. Le cours se fait donc, pendant une heure et demie, dans la rue, devant l'entrée du Muséum. Un cours qui porte sur l'histoire du Muséum, l'histoire de la protection de la nature, sur Buffon. A la fin du cours, je demande à nouveau à entrer pour effectuer une visite commentée du jardin. Nouveau refus, seuls les étudiants peuvent entrer, pas leur enseignant. Ils entrent et, je décide de tenter ma chance par une autre grille, rue de Buffon, où je retrouve des membres du service de sécurité qui, possédant manifestement mon signalement, comme les premiers, m'interdisent à nouveau l'entrée.
Évidemment, je finis pas me fâcher et exige, sous peine de bousculer les vigiles, la présence du directeur de la surveillance du Jardin des Plantes. Comme le scandale menace il finit par arriver. D'abord parfaitement méprisant, il finit pas me réciter mon CV et le contenu de mon blog. Cela commence à ressembler à un procès politique, avec descriptions de mes opinions, faits et gestes. D'autres enseignants du département de Géographie, dont le directeur Olivier Archambeau, président du Club des Explorateurs, Alain Bué et Christian Weiss, insistent et menacent d'un scandale. Le directeur de la Surveillance, qui me dit agir au nom du Directeur du Muséum (où je pensais être honorablement connu), commençant sans doute à discerner le ridicule de sa situation, finit par nous faire une proposition incroyable, du genre de celle que j'ai pu entendre autrefois, comme journaliste, en Union soviétique: - Écoutez, si vous me promettez de ne pas parler de politique à vos étudiants et aux autres professeurs, je vous laisse entrer et rejoindre les étudiants.. Je promets et évidemment ne tiendrai pas cette promesse, tant le propos est absurde. J'entre donc avec l'horrible certitude que, d'ordre du directeur et probablement du ministère de l'Éducation nationale, je viens de faire l'objet d'une «interdiction politique». Pour la première fois de mon existence, en France.
Je n’ai réalisé que plus tard, après la fin de la visite se terminant au labyrinthe du Jardin des Plantes, à quel point cet incident était «extraordinaire » et révélateur d’un glissement angoissant de notre société. Rétrospectivement, j'ai eu peur, très peur. »
En réponse à M. Daniel Delépine. Depuis quand la démocratie empêche la critique ? D’ailleurs je ne vois pas en quoi M. Vadrot est un gêneur. Moi aussi je suis un gens de la base, ce qui ne m’empêche pas de l’ouvrir. Voter ne suffit pas. Je suis moi même élu démocratiquement dans mon village car jusqu’à présent nous vivons encore un petit peu en démocratie, ce qui n’exclut en rien de s’en prendre plein la tronche.