Nucléaire. Manif peu suivie à Paris…
Par Denis Guenneau
Il faisait très beau cet après midi à Paris, mais peu de manifestants ont répondu à l'appel écologiste unitaire. Les leaders politiques écologistes ou d'extrême gauche étaient là mais les troupes n'ont pas suivi alors que l'alerte est extrêmement grave. Pourquoi?
Deux à trois milles personnes seulement avaient répondu à l'appel des 40 organisations. Petite frayeur en plus, à 15 heures pile, une cinquantaine de personnes seulement étaient devant l'Assemblée nationale. Heureusement, deux militants nous redirigeaient vers la place de l'Université, où se tenait finalement le rassemblement.
La consigne nationale de ne pas avoir de drapeaux ou autres signes distinctifs des partis politiques n'a pas été respectée par toutes les organisations présentes, bien que répétée sur place. Deux militants ont été interpellés par les gendarmes parce qu'ils voulaient déployer une large banderole devant l'Assemblée.
Des moyens de communication originaux pour ce meeting atypique puisque se déroulant le jour d'une élection. Par exemple :
- minute de silence avec une sirène d'alerte nucléaire en bruit de fond, émouvant
- témoignage poignant d'une jeune japonaise dont la famille sur place a été victime du tsunami
- présence d'une troupe de clowns citoyens qui dénoncent par l'humour en s'adressant aux passants par des slogans absurdes pro nucléaires
- présence du PCoF qui est un plagiat du PCF (drapeaux rouges avec faucille et marteau identiques ) qui, lui, reste toujours officiellement pro nucléaire
- le dessin à la craie de slogans sur la chaussée est un support qui reste après le meeting
- une estrade où se succédaient (5 mn chacune) les porte-paroles nationaux des organisations répondant au réseau Sortir du nucléaire .
Pas beaucoup de monde non plus à la « flash mob » de Toulouse. Quelques centaines de personnes seulement… C’était dimanche, et beaucoup de gens n’ont eu l’info que presque « par hasard »… Il ne faut pas se décourager, la prise de conscience est toujours progressive.
Au delà de tous ces mots qui fleurissent dans les médias, lors des maux de la dernière catastrophe, pourrait-on, avec un petit instant d’honnêteté, faire le constat que nous entretenons, de façon quasi universelle, une énergie fantastique : la »STATODYNAMIQUE » !?
Vous voyez bien de quoi il s’agit : notre extraordinaire capacité à rester dans l’immobilité en ce qui concerne nos idées reçues, nos habitudes, nos comportements …
Peut-être que nos opinions, sur le coup, au moment du drame, semblent se brouiller un peu, mais le plus vite possible nous cherchons à évacuer l’ombre en regardant autour de nous et en voyant que, effectivement, personne ne change quoi que ce soit. Ouf !
Et surtout qu’on ne nous prenne plus la tête avec ça (cf. le syndrome TF1) …
Aller à une manif demande beaucoup de volonté et d’énergie, des moyens, parfois des sous aussi. Ne pas gaspiller, là non plus. Il est vrai que la cause, cette fois, en vaut la chandelle… Bon. Mais entre l’optimisme de Couturier (ne pas se décourager) et le fatalisme résigné de Bion, il y a de la place pour l’action positive, qu’il s’agisse d’écologie ou de démocratie. Quelle autre impasse, sinon ?
J’entendais ce matin l’économiste Eloi Laurent, sur France culture, défendre l’idée de soutenabilité : développement soutenable au lieu de « durable », cette tarte à la crème. Une vraie avancée dans le débat, en effet, d’autant qu’il y relie le concept d’écologie sociale, et par delà – on y revient toujours – à l’idée de fond de démocratie. Or, le nucléaire demeure par « excellence » le lieu anti-démocratique, celui des nucléocrates qui décident selon leurs « certitudes », celles qu’on voit à l’oeuvre au Japon !
Étonant aussi le faible score dles écologistes aux cantonales, mais ça rejoint aussi les abstentionnistes. Aller à la manif ou au bureau de vote, ah la la quelle corvée ! Quel pied de nez désolant à la démocratie !
Pourquoi y avait personne ?
Parce que les français savent très bien que seul le nucléaire est capable de leur fournir leur dose d’énergie quotidienne à bas prix, et que personne n’a envie de se désintoxiquer. Si Fukushima tournait à la vraie cata, les gens changeraient peut-être d’avis, mais c’est même pas sûr.
La France, pays de poivrots… même à l’électricité. Le syndrome grave : en venir à souhaiter la « vraie cata » pour combler le manque de conscience devant les risques majeurs dus à des apprentis-sorciers bouffis d’orgueil pseudo-scientifiques – en réalité seulement techniques, mais assez nocifs pour nous empoisonner et même pire. Il faut passer à autre chose en fermant progressivement le robinet nucléaire. Autre chose dans les modes de vie à base de gaspillage outrancier d’énergie comme de matières premières. Autre chose dans le développement soutenable, en attendant autre chose aussi en soutenant la recherche scientifique tous azimuts (tandis qu’Iter, par exemple, pompe trop des crédits de recherche !). Et puis, pour que « les gends changent d’avis », faudrait aussi qu’ils aient des avis construits, c’est-à-dire informés. Autre paire de manches !
Je n’ai jamais souhaité la catastrophe à Fukushima, Gérard, ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit. D’ailleur une telle catastrophe ne tarirai probablement pas bien longtemps la soif d’énergie de l’espèce humaine. Dans nos pays très riches (par rapport aux autres), une méthode efficace pour fermer des coeurs nucléaires serait d’augmenter drastiquement le prix du kwh consommé (peut-être au delà d’un minimum vital à définir). Mais bon, ça n’est pas très attractif comme programme politique…
Mais non, Vincent, je n’ai pas pu penser pareille horreur de ta part ! Je voulais dire qu” « on » pourrait, vu le faible niveau de conscience des enjeux humains, en venir à imaginer une telle extrémité. Car c’est aussi le manque d’imagination qui inhibe les réactions, non ?
Ce qu’on appelle « la pédagogie de la catastrophe » est un concept qui a souvent été évoqué (de même que le « développement soutenable » — Sustainable development —, qui date des années 70 …). Qu’on s’y réfère ne veut pas dire qu’on le souhaite, mais seulement qu’on pense que seul le pire peut un jour, au prix fort, nous obliger à sortir de cette civilisation mortifère.
J’en suis, personnellement, persuadé !
Bien d’accord avec toi, Bernard. On sent bien à quel point nos industriels de l’atome « civil » surveillent la marmitte infernale de Fukushima comme le lait sur le feu en priant pour qu’elle n’explose pas tout à fait ; qu’il lui reste au moins un peu de « dignité » présentable de sorte qu’avec un peu plus de « sûreté » ils pourront tenter de relancer leurs machines à eux. Même scénario qu’après Tchernobyl. Vingt cinq ans après, ça repartait. Et ces Japonais ont tout fait foirer. Comme a dit la Parizot, « ça tombe au plus mauvais moment »… Mais c’est le moment crucial pour embrayer à donf la résistance pour un plan énergétique alternatif – et qui rembarre aussi leur « développement durable » – faire durer le pareil, non merci !