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Road chronique américaine – 8 – Yellowstone, chaudron tellurique

Suite du périple états-unien de Robert et Gérard

2 mai 2015, samedi. Yellowstone (Wyoming)

USA 2015 Béta StarRetour en arrière, maintenant que nous avons remis le cap vers l’est (troisième et dernière semaine de la traversée), histoire de garder nos souvenirs au chaud. En quittant Cheyenne, notre objectif portait aussi un nom mythique autant que touristique : Yellowstone, le plus ancien parc national du monde (1872), plus grand que la Corse, deuxième plus grand parc naturel des États-Unis après l’Alaska. Assez de superlatifs pour nous aimanter, tout comme ces quelque trois millions de touristes annuels.

Cheyenne-Wyoming[dropcap]Pour[/dropcap] atteindre le Yellowstone National Park, c’est théoriquement simple. Le Wyoming tient exactement dans un rectangle parfait (c’est le seul État ainsi dessiné) ; partant du coin en bas à droite (Cheyenne), il « suffit » de suivre la diagonale jusqu’au coin en haut à gauche, soit 450 miles (environ 700 km) – on a eu fait pire… C’était sans compter sur les éléments : la route de l’entrée sud du parc était coupée, à cause de la neige encore abondante (le haut plateau se situe à une moyenne de 2.400 mètres d’altitude et le Eagle Peak atteint 3.462 mètres).

Seule possibilité, prendre par le sud, longer le massif du Grand Teton – c’est son nom, d’origine française ou francophone, comme de nombreux noms de lieux-dits, de villages et de villes rencontrés tout au long de notre périple. Faut-il rappeler que l’ancienne Louisiane, territoire français, s’étendait des Grands Lacs jusqu’au golfe du Mexique ? Et, comme dit l’ami Robert : « Si Napoléon n’avait pas vendu ce territoire aux Etats-Unis, en 1803, l’autre jour t’aurais pu commander un jambon-beurre au premier bistrot de Santa Fé – et l’obtenir ! » Bref, quantité de noms à consonance française (par exemple, en ce moment même, nous campons près de la rivière Belle Fourche…) parsèment encore une grande partie des Etats-Unis, il fallait tout de même le rappeler, non ?

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Le massif du Grand Teton.

Pour le coup, ce sont des Canadiens français explorant la région qui ont ainsi baptisé « Grand Teton » – désormais sans accent – ces sommets magnifiques dont le plus haut culmine à 4.197 mètres. Leurs roches, âgées de plus de deux milliards d’années, sont parmi les plus anciennes de la planète. On a ainsi eu le loisir de les contempler successivement par leurs flancs est et ouest, en remontant vers le nord par l’Idaho. Bien nous en prit.

En effet, d’aucuns doivent savoir qu’il y a « quelque chose de Picardie en moi »… Et me voilà soudain projeté dans une terre à patates. Et, tenez-vous bien, c’est cette partie de l’Idaho qui fournit Mac Donald en pommes de terre ! Mais adieu la modeste Picardie, voici des champs à pertes de vue, des fermes-usines, des entrepôts immense – mais aussi des « caveaux » à l’ancienne, abris à pommes de terre… recouverts de terre – et des camions-bennes en tous sens chargées de futures « french fries ».

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Dans l’Idaho, à perte de vue, des champs de french-fries pour McDo.

Un détour qui valait le coup et qui a quand même fini par nous mener dans le fameux Yellowstone, du nom des sources de la rivière « Roche jaune », baptisée ainsi par les coureurs des bois et trappeurs canadiens-français qui exploraient et faisaient du commerce dans cette région au XVIIIe siècle. Elle fut ensuite traduite en anglais par « Yellow Stone ». Cette appellation est sans doute elle-même issue d’une traduction de la langue amérindienne, la « rivière de la roche jaune », référence à la couleur des pierres jaunes que l’on trouve dans le Grand Canyon du parc.

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Le Lower Geyser Basin

Toute cette zone pourrait être qualifiée de bouilloire volcanique. Environ 300 geysers (les deux tiers des geysers de la planète) témoignent de l’intensité des activités souterraines. Actuellement, Yellowstone revit une phase semblable à sa première étape géologique. La lave continue de s’accumuler, faisant à nouveau gonfler l’écorce terrestre de plusieurs centimètres par an.

La plus grande partie du parc est située dans le Wyoming, tout au nord-ouest. Le reste déborde sur les États voisins de l’Idaho et du Montana. Créé en 1872, le Yellowstone est le plus ancien parc national du monde. Il s’étend sur 8 983 km2 (plus que la Corse), et constitue le deuxième plus grand parc naturel des États-Unis (hormis l’Alaska).

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L’une des figures emblématiques du parc est le Old Faithful, le deuxième geyser le plus important au monde après le Strokkur, en Islande. Toutes les 90 minutes environ, il entre en action et propulse une puissante et majestueuse trombe d’eau et de vapeur d’un blanc éclatant. Le spectacle dure une trentaine de secondes, devant quelques dizaines (en cette basse saison) d’admirateurs (dont nous-mêmes) contenus en cercle autour de cette merveille du monde.

En fait, le parc est parsemé de geysers, de fumerolles, de sources chaudes ; la terre y prend des teintes sublimes, entrant en ébullition comme dans un chaudron tellurique. On se prend à imaginer un Spielberg filmant ici un autre Rencontres du troisième type. (l’original a d’ailleurs été tourné dans le Wyoming), où la croûte terrestre se soulèverait à des hauteurs hollywoodienne, engloutissant des grappes de touristes hurlant d’épouvante… Bon.

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Le bison sauvage a failli être frappé d’extinction.

Les animaux ne s’embarrassent guère de ce genre de délire – on le présume. Ils se rassemblent, innombrables et en de multiples espèces, attirés depuis des millénaires, voire des millions d’années, par la chaleur que dégage la caldeira de Yellowstone, cette espèce de bouilloire gigantesque située sous une plaque volcanique à fond plat. Ils ne craignent ni les geysers, ni les relâchements sulfureux dégagés dans des gargouillis de boues aux couleurs les plus subtiles, au risque d’y périr asphyxiés, comme ces cinq bisons retrouvés morts en 2004.

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Deux caribous femelles ont traversé la rivière Madison pour paître sur la rive.

Le long de la rivière Madison, nous pouvons admirer deux caribous femelles venus brouter des joncs. Nous en reverrons par dizaines. Un peu plus loin, voici un troupeau de bisons sauvages, comme en verra tant – parfois barrant notre route (il s’en tue ainsi une centaine par an, victimes de la circulation touristique, rien que dans le parc). L’espèce sauvage, datant de la Préhistoire, est désormais considérée comme sauvée de l’extinction : en 1902, on comptait moins de 50 bisons dans le Yellowstone ; ils sont aujourd’hui environ 4 000.

Yellowstone abrite aussi, dans ses prairies et sous ses forêts de type alpin, de nombreux grands autres mammifères comme des ours noirs, des grizzlys, des coyotes, des loups, des élans (orignaux au Canada), des cerfs ou encore des troupeaux sauvages de wapitis. Nous ne les verrons pas tous, bien sûr ; d’autant que la route des lacs aussi était coupée et que nous avons dû remonter par le nord, dans des paysages toujours aussi grandioses.

Nous avons atteint le Montana, qui se trouve, on le devine, en plein dans la continuité des Rocky Mountains. Même ravissement visuel… jusqu’à la nuit venue où nous décidons de jeter l’ancre dans la rue principale, et unique, de Cooke City – un « fameux port de pêche », comme j’aime à dire, tandis que Robert évoque le film Délivrance (déjà cité dans nos récits… c’est la référence quand on ne sait trop qualifier l’Amérique des profondeurs…), imaginant des figures patibulaires collées aux vitres de notre « chuck-wagon » – là, c’est une autre référence, à la Conquête de l’Ouest, et nous y reviendrons bientôt.

La nuit, entre nos deux tas de neige sale, entre les deux seuls réverbères allumés, fut aussi tranquille qu’ailleurs…

Cliquer sur les photos pour les agrandir (© gp 2015)

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

4 réflexions sur “Road chronique américaine – 8 – Yellowstone, chaudron tellurique

  • “…projeté dans une terre à patates…admirateurs (dont nous-mêmes) contenus en cercle…le film Délivrance (déjà cité dans nos récits… c’est la référence…”
    Trip à fond.
    Respects et merci.

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  • Et quand dans un immense hangar de l’Idaho on balance un tubercule pourri, c’est la cata contagieuse comme à l’assemblée nationale : ” tous pourris !”

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  • Super les images ! Et la ballade … on en bave !

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  • Moi qui suis en ce moment en Picardie, et plus précisément à Abbeville, je tiens à préciser qu’il existe en Amérique deux villes qui s’appellent Abbeville. Une en Louisiane justement et l’ autre en Alabama. Par contre, je ne sais pas si on peut y commander un jambon beurre…Bonne route à tous les 2.

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