On croyait ces temps révolus, révolus comme la Révolution et comme la peine de mort… C'était sans compter sur l'exception marseillaise. Non pas celle des autres exécutions publiques, il y a dix jours encore, devant ce même opéra municipal, à coup de bastos. Non, une vraie de vraie, par pendaison. Plus économique que la guillotine, tellement moins sanguinolente. Un gibet, une corde, un bourreau, une condamnée à mort, et hop ! Le tout devant un public recueilli et même une classe de petits écoliers – c’était mercredi. Il faut bien édifier les masses face au Crime éternel, que le châtiment, pourtant, jamais ne tarit…
Il y avait de la fascination dans le regard du peuple ainsi assemblé. Oui, des lueurs de défi, une certaine jouissance dans les prunelles avides. Il faut dire que la criminelle irradiait littéralement, sous sa longue robe écarlate et son regard de braise, sous ses ultimes paroles en appelant à la vie, à la révolte de la vie. Que lui reprochait-on à cette Charlotte Corday marseillaise ?
À entendre son cri, on comprend que c’est la Femme, fatale pécheresse, qui devait ici expier son crime d’exister. Dans la suite ininterrompue des mutilations historiques infligées à toutes les femmes de la planète en perdition : battues, exploitées, méprisées, répudiées, trompées, humiliées, excisées, lapidées, ignorées ou même adulées – exécutées. La suppliciée : « Regarde mon corps mon trou ma tombe mes yeux mes seins mon sexe. L'os pelé de l'amour la clef des larmes. Je brûle d'une flamme nue... ». Et il est des pays où de telles scènes ne sont pas fictives. Tant de sauvagerie partout ! Jusque "dans l'ombre de la démocratie", ainsi que le souligne l'auteur du spectacle.
La dramaturgie a joué à plein, dans le dénuement du lieu et de la situation. La comédienne, poignante, bouleversante au bout de sa corde. Son bourreau intraitable. Cela eut lieu entre les coups de sirène de midi et midi dix, sous la plainte troublante d’un saxo, face au soleil cru, balayé de mistral. Magie du théâtre.
C’était hier, comme en chaque premier mercredi du mois, depuis 2003 queLieux publicss’approprie le parvis de l’opéra marseillais pour une scène de rue jamais anodine. Cela s’appelle Sirènes et midi net. Un beau nom de rendez-vous.
Pendue, de la compagnie Kumulus, une adaptation du spectacle Les Pendus, de Barthélemy Bompard, écrit par Nadège Prugnard,, interprété par Céline Damiron et Barthélemy Bompard, accompagnés par Thérèse Bosc au saxophone. Technique : Djamel Djerboua, son : Nicolas Gendreau.
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