L’Alberta en flammes. Fracture hydraulique, fracture écologique
Les catastrophes succèdent aux catastrophes. On s’y « fait », on s’habitue à tout. Voyez l’Alberta, au Canada. Ça fait de belles images avec des flammes « grandes comme des immeubles ». Voyez cet exode, 100 000 personnes, comme en 40. Des armées de pompiers reculant devant l’ennemi. Et ces forêts parties en fumée, quinze, vingt fois plus grandes que Paris ! La télé se lamente, les commentateurs déplorent, les bras ballants, à cours de superlatifs. La fatalité.
[dropcap]On[/dropcap] implore la pluie. On brûlerait… des cierges. Et que nous dit-on de plus, sinon des propos pétainistes : pactiser pour ne pas capituler. Le Feu comme le Diable. Ah oui, un diable ex machina, surgi de nulle part ou des éléments déchaînés, des folies de Dame Nature ?
L’Alberta, région de la ruée vers l’or noir, version schistes bitumeux. On y vient traire cette vieille vache éreintée, surnommée Terre, qui garde de beaux restes, si on détourne les yeux de certains lieux comme ceux-là. À peine reconnaît-on que « c’est la faute au climat », comme si les humains avides n’y étaient pour rien. Et la « fracturation hydraulique », c’est juste une fantaisie esthétique, une aimable chirurgie bénéfique… Oui, bénéfique, tout est là, en dollars « verts », en profits insatiables, à engraisser l’obèse Dow Jones.
Tandis que s’assèchent les nappes phréatiques pompées à mort sous tout un État grand comme la France ; que la terre aussi s’assoiffe, devient brûlante et s’enflamme. Tandis que les compagnies pétrolières, en exploitant les immenses réserves de sables bitumineux, rasent les forêts, polluent les sols, détruisent la faune et la flore. C’est un territoire gouverné par le pétrole et l’argent au mépris de la nature, des peuples. Au mépris de l’humanité.
Un témoignage à ne pas manquer, celui de l’écrivaine canadienne Nancy Huston que publie l’excellent site Reporterre : En Alberta, « l’avènement d’une humanité... inhumaine »
À lire aussi :
• Brut. La ruée vers l’or noir, David Dufresne, Nancy Huston, Naomi Klein, Melina Laboucan-Massimo, Rudy Wiebe, Lux Editeur, 112 pages, 12,00 €
• L’incendie de l’Alberta, parabole de l’époque, édito de Hervé Kempf.
Dans un récent journal de la télé (F2) la question climatique a tout de même été évoquée comme facteur aggravant de ces terribles incendies. Mais sans faire le rapport avec les causes dudit dérèglement. De plus, en termes de microclimat, l’assèchement des nappes phréatiques dû aux énormes quantités d’eau utilisées pour le fractionnement hydraulique a rendu le sol et la végétation très secs et d’autant plus inflammables.