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Déforestation. Les arbres qu’on abat, la vie assassinée

 [dropcap]Je[/dropcap] me souviens »… On se souvenait, un pote et moi, l’autre fois, dans la garrigue : le bourdonnement des abeilles butinant les fleurs de ciste ; les escadrilles d’hirondelles joyeuses, de martinets piaillant dans le ciel d’orage ; les myriades d’insectes collés aux pare-brise des autos… Souvenirs de gamins agaçant les hannetons, coursant les papillons dans les herbes hautes… Aurions-nous rêvé ? Que nenni ! La nature d’aujourd’hui, on a dû la rebaptiser. Techniquement parlant, elle s’est muée en biodiversité. De décennie en décennie, au rythme de sa dégénérescence, on l’a affublée de termes pompeux : environnement, écologie, biotope… Tandis qu’à Marseille, à l’entrée de ses célèbres calanques, à Luminy, on massacre trois cents pins pour faire place à une école de bizness.[ref]La manifestation de protestation devant la Chambre de commerce de Marseille n’a réuni que deux petites dizaines de participants… La voix est libre. Lire ici sur le sujet. Lire également l’émouvant texte de Georges Aillaud qui a mené cette bataille, hélas perdue, au nom de SOS Calanques.[/ref]

L’ image ci-contre, qui parcourt la toile, en dit long sur notre futur – et même déjà sur notre présent.

borneo deforestation

À Bornéo, la forêt subit l’un des plus forts taux de destruction de la planète. L’orang-outang, notre cousin, est aussi condamné à disparaître. Et l’Homme, “ce marcheur sans destination” (Régis Debray, France Culture 29/5/18 ).
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Il s’agit de l’île de Bornéo, dans le sud-est asiatique, la quatrième plus grande île du globe (743 330 km2, une fois et demie la France). Cette île connait le plus fort taux de déforestation au monde. [ref] Les incendies, la plupart volontaires, sont l’une des premières causes de cette déforestation, et occasionnent un énorme relargage de CO2 dans l’air. Près d’un quart des forêts de Bornéo (parmi les plus riches en biodiversité) ont brûlé au moins une fois en dix ans. [/ref]

La carte montre le couvert forestier de Bornéo et son recul en 70 ans causé principalement par l’industrie du bois (papier) et par les plantations de palmier à huile destinées à la production d’agrocarburants et à l’industrie agroalimentaire – y a bon Nutella  !

Les conséquences se portent sur le réchauffement climatique et aussi sur la disparition accélérée d’espèces végétales et animales, notamment l’orang-outang dont la population a diminué de moitié depuis 1999, avec la disparition de près de 150.000 de ces grands singes, nos cousins proches. Le désarroi de l’un d’entre eux, errant dans un paysage dévasté, devrait sonner comme un avertissement quant à l’avenir de l’humanité. Mais celle-ci ne semble pas entendre – du moins ses dirigeants, pour la quasi-totalité agrippés à leurs taux de croissance. D’où cette autre carte pointant les niveaux de la déforestation dans le monde, entre 2005 et 2010. Pas d’amélioration en vue de ce côté-là. Nous sommes bien entrés dans l’ère de l’anthropocène.[ref]L’Anthropocène désigne l’époque de l’histoire de la Terre qui a débuté lorsque les activités humaines ont eu un impact global significatif sur l’écosystème terrestre. Ce terme a été popularisé à la fin du XXe siècle par le météorologue et chimiste de l’atmosphère Paul Josef Crutzen, prix Nobel de chimie en 1995, pour désigner une nouvelle époque géologique, qui aurait débuté selon lui à la fin du XVIIIe siècle avec la révolution industrielle, et succéderait ainsi à l’Holocène.[Wikipédia][/ref]

déforestation dans le monde
La déforestation mondialisée. Document Arte, Le Dessous des cartes. [d.r.] Cliquer pour agrandir.
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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

10 réflexions sur “Déforestation. Les arbres qu’on abat, la vie assassinée

  • Graille

    Et pourtant on n’a jamais autant parlé de la vie et de l’intelligence des arbres .
    Il y a de plus en plus de promeneurs venus se ressourcer en forêt.
    Un jour (lointain) je pense helas, on éliminera ces cons de profiteurs, on brulera l’argent qui fait de notre terre un enfer sous couvert de Paradis.
    J’execre ceux qui vont massacrer la forêt de Luminy…Qui leur donne la permission de dilapider nos trésors?
    Que fait Hulot?

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  • Comme il ne restera plus de bois pour faire les cercueils, optons pour la crémation, s’il reste encore du bois pour la faire…

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    • Graille

      Pour ma part je le veux en carton…

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      • Gratouille

        … en carton recyclé, j’espère !

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  • Graille

    Merci Geai de mettre nos consciences au fait des réalités.
    Ta vivacité, ta faculté d’indignation nous entraînent à rester en vie, les yeux et l’esprit en alerte. Pouvoir dire à nos enfants,
    Nous avons vu et nous l’avons dénoncé.
    Devrions nous nous mettre devant les tronçonneuses?.

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    • pourquoi pas? on aurait du avoir l’idée plus tôt…..mobilisons-nos vite pour les derniers (beaux?) restes…..au lieu de compter sur des imposteurs comme Hulot and co

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  • Bérilley Gérard

    Une fois de plus j’applaudis à ton écriture qui m’évoque tant de choses, d’idées. “La nature d’aujourd’hui, on a dû la rebaptiser” écris-tu. Comme cela est vrai. Il y a, je crois, une haine de la Nature, de la Nature sauvage, particulièrement en France, dans la pensée française. C’est pourquoi Robert Hainard, dont tu cites une très belle phrase dans l’encadré de ton précédent article, avait intitulé son premier livre, en 1943, Et la nature ? pour rappeler qu’elle était déjà la grande oubliée.
    Robert Hainard parlait aussi de “désert agricole”, désert agricole qu’il lui fallait traverser pour trouver “ses” bêtes, les bêtes sauvages qu’il a passé sa Vie à dessiner, graver, sculpter. Magnifique formule pour qualifier une catastrophe. Désert agricole : cette monoculture intensive partout dans le monde, du soja, du maïs, pour nourrir le bétail, ce glyphosate et toutes les saloperies du même genre. Désert agricole fabriqué en France par la FNSEA, par les exploitants (là le mot est juste) agricoles. Désert agricole dû à la disparition de l’agriculture paysanne.
    Tu dis “myriades d’insectes collés aux pare-brise des autos”. Je me rappelle, moi qui ai été pompiste en ma jeunesse, comme il était difficile de laver tous ces pare-brise. 5 kilomètres plus tard, les pare-brise étaient aussi sales. Maintenant l’on peut traverser la France et avoir son pare-brise sans aucune souillure. Et les oiseaux, les hirondelles, les martinets, et les autres, comment peuvent-ils survivre ?
    La présentation de ton texte, écrite en gras, me fait penser au film d’anticipation Soleil vert de Richard Fleischer avec Charlton Heston et Edward G. Robinson, sorti en 1973. Un monde terrible où il n’a plus de Nature (découverte seulement comme passé perdu dans un court film montré à chacun juste avant sa mort), un monde de surpopulation invivable dans les villes, de violence, sous une chaleur torride à cause du réchauffement du climat. Nous en arrivons là.
    Depuis des décennies, des artistes, des naturalistes, des penseurs, des gens du commun, des militants, des journalistes, etc. essaient d’avertir des dangers vers lesquels nous nous précipitons, et cela ne change rien, ou si peu. Souvent aussi je pense à La Gueule Ouverte, le journal créé en 1972 ou 1973 justement, et qui avait pour sous-titre Le journal qui annonce la fin du monde. Comme toujours ceux qui voulaient savoir pouvaient savoir, mais combien, comme toujours, ont fermé les yeux sur la réalité, les réalités ? C’est quelquefois désespérant.

    Je ne peux qu’acquiescer aussi aux commentaires de Graille et Gian.

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    • Je partage aussi ton souvenir de ce film, Soleil vert, et précisément de cette séquence de la mort programmée du vieux (Edward G. Robinson) à qui on montre des images bucoliques de nature, le tout sur fond de symphonie Pastorale de Beethoven. De quoi en être retourné, comme je l’avais alors été (je ne me souviens guère aussi nettement d’autres films de la même époque.)

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      • Gérard Bérilley

        J’ai lu sur Wikipedia (article Soleil vert) que lors de cette scène oh combien émouvante (je te rejoins) Charlton Heston pleure vraiment : il était le seul à savoir sur le tournage que Edward G. Robinson était condamné par un cancer et qu’il allait mourir bientôt. C’est encore plus touchant de savoir cela. Dans ce film, qui est un chef-d’oeuvre qu’il faut voir et revoir, ces deux acteurs étaient vraiment formidables, inoubliables.

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  • Jeanne-louise

    Ces écoles de commerce, marquetinge et autres, privées ou pas, baignent dans l’idéologie macroniste de la “start up” triomphante, elle-même modèle de la gouvernance actuelle. Ce n’est tout de même pas quelques arbres sans avenir qui vont gêner le leur !

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