Alerte !Écologie

Climat. Plus on tente de refroidir, plus on réchauffe…

Le document vidéo ci-dessous vaut le détour. Il montre comment, en 1977 – il y a quarante ans seulement ! – Patrick Brochet, chef du Service météorologie de la Météo nationale, estimait que le réchauffement envisageable, quoique improbable selon lui, serait de l'ordre de 1 degré avec des conséquences à peine perceptibles. Toutefois, laissant un peu tomber son armure de certitudes, le météorologue répond à la (stupide) question des conséquences d'un réchauffement de l'ordre de 3 à 5 degrés. Il y aurait alors, répond-il, « fusion de la calotte glaciaire, peut-être disparition des glaces au pôle nord, augmentation du niveau des océans avec une inondation des terres basses ». Impensable scénario de fiction totale !

Images d'archives de l’Ina ©. Émission « Les mystères de la terre ».Production France Régions 3, réalisation Yves Ellena. 1977

[dropcap]De[/dropcap] la Méditerranée au cercle arctique, les forêts d’Europe s'embrasent. Au sud, les tragiques incendies en Grèce ont coûté la vie à plus de 90 personnes et porté un nouveau coup dur à ce pays déjà si éprouvé. Au nord, la Suède est également en proie à des feux de forêts dévastateurs. D’est en ouest, c’est toute l'Europe qui se trouve frappée par des vagues de chaleur extrême et la sécheresse. Aux États-Unis, la Californie connaît le plus terrible de ses fréquents incendies de forêts. La planète brûle, comme disait l’autre… et l’imbécile regarde ailleurs, en direction des États incapables d’apporter une réelle réponse à la crise climatique, se bornant à des imprécations pieuses à base de « transition écologique »…

Pour ne s'en tenir qu'aux avions… hors transport routier et maritime…

Dans une étude publiée le 6 août, des chercheurs internationaux[ref]Dans un rapport publié par la revue Proceedings of the national academy of sciences (PNAS).[/ref] annoncent un point de rupture dans le changement climatique : le réchauffement est tel qu'il entraîne un effet domino, sans retour en arrière possible. Selon un autre rapport publié peu avant, le 1er août, par l’Agence nationale américaine océanique et atmosphérique, les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse en 2017, après 3 ans de stagnation. L'étude démontre aussi que 2017 a été une année noire pour le climat en général.

Ces données ne peuvent désormais plus être considérées comme spéculatives. Hervé Le Treut, climatologue, [ref]Professeur à Sorbonne Université et à l’Ecole polytechnique, directeur de l’institut Pierre Simon-Laplace et membre de l’Académie des Sciences. [/ref] a dirigé une équipe de scientifiques qui s’est consacrée à la question de l’anticipation des changements climatiques au niveau régional, en l’occurrence la Nouvelle Aquitaine.

Selon lui [ref] France Culture, 8/8/18. [/ref] « dans les crises de canicule il se produit deux phénomènes : l’effet du réchauffement graduel de la planète, associé aux gaz à effets de serre forment une chape invisible qui petit à petit empêche la planète de se refroidir. Et cela se superpose au réchauffement naturel.

« La tendance des gaz à effets de serre est très difficile à inverser car l'économie mondiale est très influencée par les énergies fossiles. 80% de l'énergie mondiale est produite par le pétrole, le charbon ou le gaz naturel. Les éoliennes et le solaire n'en représentent que 1% de l'énergie produite.

« La part des différents types d’énergie n’a pas beaucoup changé en 40 ans, or on a multiplié par deux l’énergie produite. » Le climatologue concède qu’« Il y a quand même des progrès, mais on est très loin de ce qu’il faudrait, avec une planète qui n’attend pas. On a tendance à répéter des discours d'alerte mais les problèmes évoluent. La dette climatique est beaucoup plus grande qu'il y a 20 ans. On a émis depuis beaucoup de gaz à effets de serre qui sont dans l’atmosphère et qui vont y rester. On engage le futur à chaque fois plus. »

Voilà qui ressemble furieusement aux crises économiques, comme celle dite « des subprimes » : nous, pauvres humains crédules, continuons à nous endetter jusqu’au surendettement tandis qu’on nous rassure, jusqu’à ce que les prêteurs vous étranglent. Ce qu’illustre aussi fort bien l’allégorie de la grenouille dans l’eau qui chauffe :

Si l'on plonge subitement une grenouille dans de l'eau chaude, elle s'échappe d'un bond ; alors que si on la plonge dans l'eau froide et qu'on porte très progressivement l'eau à ébullition, la grenouille s'engourdit ou s'habitue à la température pour finir ébouillantée.

Ainsi, lorsqu’un changement s’effectue d’une manière suffisamment lente ou subtile, il échappe à la conscience et ne suscite ni réaction, ni opposition, ni révolte. Les phénomènes d’adaptation, généralement bénéfiques à l'individu et aux sociétés, se révèlent finalement nocifs. Des techniques de conditionnement – propagande, publicité, com’, etc. – permettent d’affiner les phénomènes d’habituation jusqu’à l’addiction et à la servitude.

Reçue ce jour-même cette pub – avec la conne de service, la bouche en coeur…

 

Chaque seconde, dix climatiseurs sont vendus dans le monde. En 2050, on en comptera près de six milliards. Inventé en 1902 par l’ingénieur américain Willis Carrier, le climatiseur a profondément modifié nos sociétés contemporaines. L’industrie culturelle, d’abord, en accompagnant l’âge d’or du cinéma hollywoodien. Les entreprises se sont ensuite équipées en masse, la climatisation étant réputée augmenter la productivité des salariés. S’il a fallu attendre les années 1950 pour que les climatiseurs entrent dans les ménages américains, ils représentent aujourd’hui, aux Etats-Unis, une dépense énergétique équivalente à celle du continent africain tout entier.

Déjà bien implanté au Japon, en Corée du Sud ou dans les pays du Golfe, où l’on fait du ski dans des centres commerciaux par 40 °C à l’extérieur, le marché de l’air conditionné se développe à vive allure au Brésil, en Indonésie, au Nigeria, aux Philippines ou encore au Mexique. Selon les projections du Lawrence Berkeley Laboratory, il pourrait se vendre 700 millions de climatiseurs d’ici à 2030, et 1,6 milliard d’ici à 2050. La planète s’approcherait alors du taux d’équipement des États-Unis, et se retrouverait prise dans le même cercle vicieux où la climatisation aggrave le réchauffement climatique, lequel incite à pousser encore le régime de son appareil.

Cette dépendance a un coût écologique considérable, à la fois en termes d’émissions de gaz à effet de serre, du fait des fluides réfrigérants utilisés par les climatiseurs, et en termes de consommation énergétique. L’air conditionné représente chaque année 6 % de l’électricité produite aux États-Unis, bien souvent grâce au charbon, et 20 % de la facture résidentielle. Il y a encore deux ans, le pays consommait autant d’électricité pour refroidir ses bâtiments que l’Afrique pour l’ensemble de ses usages. À cela il faut ajouter l’énergie nécessaire pour faire fonctionner les climatiseurs des voitures, soit 26 à 38 milliards de litres de pétrole par an.

Faut-il aussi rappeler qu’au moins deux milliards de Terriens (Indiens, Chinois, Africains – entre autres) font la queue devant le grand marché automobile, désireux de leur part de rêve et de confort dans le grand tourbillon suicidaire de l’humanité. Car électrique ou pas, une fois la Terre exsangue de ses richesses fossiles venue du fond des âges – et qui ne se reconstitueront jamais plus [ref]Ou alors, dans la perspective nietzschéenne de l’Éternel retour… en millions d’années, au mieux et hors spéculation philosophique ![/ref], la question énergétique restera sans autre fin que celle de l’épuisement des ressources, y compris en uranium (très limité), et au prix de l’insoluble question des déchets radioactifs qui, par un effarant effet de miroir, renvoie au temps long des origines telluriques – en millions d’années !

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

4 réflexions sur “Climat. Plus on tente de refroidir, plus on réchauffe…

  • Amoureux tran­si, ton texte me réchauffe le coeur…

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  • Bonjour. Je viens poser ici, comme je le fais par­fois à pro­pos de textes trai­tant du réchauf­fe­ment cli­ma­tique, une ques­tion pour laquelle je n’ai jamais obte­nu l’ombre d’un début de réponse : est-ce que les mil­liards d’ondes (sou­vent « micro ») dont on asperge notre pla­nète en tout sens, d’en haut, d’en bas, de droite, de gauche…n’ont aucun effet dans les phé­no­mènes de chan­ge­ment cli­ma­tique ? Si vous trou­vez un début de piste cré­dible à pro­po­ser, je suis pre­neur. Merci.
    Méc-créant.

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    • Bonjour,
      Je ne sau­rai livrer un avis un tant soit peu consis­tant, mais j’a­vance un ensemble de sen­ti­ments, en vrac : les micro-ondes, jus­te­ment, qui chauffent effec­ti­ve­ment des volumes qui, mul­ti­pliés, ne sont plus réduits ; les rayon­ne­ments hert­ziens sol-sol ; les data cen­ters ; les ins­tal­la­tions radio­té­lé­pho­niques relais ; les ondes GPS satel­li­taires seule­ment fil­trées en récep­tion ; les radio-sources hos­pi­ta­lières et celles des labos scien­ti­fiques qui n’ont pas tous des murs de plomb ; les radars civils et mili­taires 2450 MHz ; les TV et autres appa­reils en fonc­tion­ne­ment mais aus­si en veille plus ou moins per­ma­nente ; les comp­teurs Linky ; la radio­ac­ti­vi­té rési­duaire des déchets mal pro­té­gés,… C’est pro­bable que, cumu­lé, ça puisse don­ner loca­le­ment quelques dixièmes de degré, puis le vent entro­pique répar­tit les calo­ries. La CRIIRAD comme les deux pre­miers sites Google sur le thème « réchauf­fe­ment cli­ma­tique dû aux ondes » ne filent aucun tuyau per­ti­nent, ça laisse à pen­ser que cal­cu­ler les effets ther­mo-atmo­sphé­riques de ces mul­tiples sources ondu­la­toires est trop com­plexe ou trop pifo­mé­trique. Encore une intrigue qui attend son limier…

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  • Graille

    Si bien écrit Geai, si clai­re­ment expliqué !
    Devant une telle luci­di­té devons nous trem­bler de peur ?
    Que faire sinon aller mar­cher dans les bois
    Au frais …
    J’admire cette écri­ture si inci­sive et simple à la fois…
    On ne pour­ra pas dire que nous ne sommes pas avertis.

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