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« Papicha », le cinéma, la culture… et la jeunesse

Temps de lecture ± 3 mn 30

Papicha, film formidable de la jeune cinéaste algérienne Mounia Meddour, passait hier à l’Alhambra, dans les quartiers nord de Marseille.[ref]Soirée parrainée par l’association Rencontre de films femmes Méditerrannée.[/ref] La salle était pleine pour ce film aussi magnifique qu’important, montrant la lutte de quelques jeunes Algériennes – des « papicha », des jeunes coquettes en franco-algérien – contre la main-mise des islamistes sur leurs corps, leurs tenues vestimentaires, leurs désirs, leur liberté. L’histoire se passe durant les années 90, celles de la terrible décennie noire. Mais son actualité reste telle, par-delà le factuel historique, que le régime algérien, en pleine crise face à une jeunesse en rébellion, a interdit la projection du film en Algérie même, là où il fut tourné avec les autorisations officielles…

Cependant, ce n’est pas tant du film que je vais parler ici que de l’attitude de jeunes spectateurs durant la projection. Derrière nous, un couple de jeunes enamourés, au demeurant sympathiques, sauf qu’ils ne cessaient de se chuchoter à l’oreille. Dans la rangée de devant, deux gamins, bien sympas aussi, mais tchatchant et ricanant tout en tripotant leurs portables… Qu’étaient-ils donc venus faire dans ce cinéma , ces quatre jeunes, alors qu’ils étaient incapables, à l’évidence, de se concentrer plus d’une minute sur le film dont le contenu semblait totalement leur échapper ?

Et voilà que je retrouve, ici-même sur ce blog, des propos du cinéaste québécois Denys Arcand déplorant il y a dix ans, en 2009, une acculturation de la jeunesse, signe d’un autre déclin que celui de l’Empire américain, mais le rejoignant tout à fait quant à l’avenir de notre humanité. Il n’était alors pas encore question du dérèglement climatique et les téléphones portables n’avaient pas totalement envahi l’espace mais, déjà, s’annonçait la fin d’un monde ou, au mieux, une autre Renaissance. D’où cette republication.

 

En attendant une autre Renaissance,

par Denys Arcand

Le cinéaste québécois Denys Arcand – entre autres : Le Déclin de l’empire américain et Les Invasions barbares –, s’est laissé aller au pessimisme lors d’une causerie récente sur Radio-Canada. Pessimiste parce que réaliste ? Intéressant à méditer en tout cas.

[dropcap]Je[/dropcap] suis convaincu que la civilisation qu’on a connue, c’est-à-dire la civilisation européenne, celle qui est née avec Montaigne et Dante, elle est finie cette civilisation-là et elle meurt sous nos yeux. Elle est morte pendant le vingtième siècle et elle va finir de mourir dans le vingt et unième siècle. On s’en va vers un inconnu absolu.

Simplement la débandade des systèmes d’éducation par exemple. Maintenant, ici et en France, on ne peut plus enseigner le dix-septième siècle, les élèves ne comprennent plus. Ils sont physiquement incapables de lire du Racine, Bossuet, Pascal, tout ce qui forme le cœur de la culture française. Simplement parce qu’ils ne sont pas capables de lire les mots.

Un copain qui enseigne la littérature française racontait que, quand on disait que « madame de Montespan avait de l’ascendant sur le Roi », les élèves étaient convaincus qu’elle habitait au-dessus de chez le Roi, parce qu’elle avait de l’ascendant. Le mot ascendant leur rappelait ascenseur ou quelque chose comme ça. Je caricature mais en fait c’est devenu quasi illisible pour eux.

Les jeunes aujourd’hui peuvent lire peut-être du dix neuvième siècle, Flaubert parce que c’est à peu près le même vocabulaire, avant, c’est fini. Ce n’est pas juste vrai au Québec, ça l’est aussi pour la France et les États-Unis.

Les jeunes scénaristes viennent me voir et me demandent comment on fait pour écrire un scénario. Je leur dis que c’est très facile, c’est la poétique d’Aristote, vous n’avez qu’à la lire, tout est là. Ils vont l’acheter, ils ont une difficulté du diable à comprendre de quoi ça parle et il y a même des grands scénaristes américains qui ont mis en termes modernes la poétique d’Aristote : avoir un héros… le défi… regardez les rôles d’Arnold Schwartzeneger ! Mais c’est devenu illisible et ainsi de suite pour des tas de choses.

J’ai l’impression que la peinture s’est terminée avec Andy Warhol ; après Samuel Beckett, le théâtre, c’est fini. Gilles Maheu et Robert Lepage, “font des shows”; ils disent as-tu vu mon show? Pas ma pièce de théâtre. Le théâtre, c’est fini. Il n’y a qu’à voir la chanson taillée sur mesure pour cette génération qui ne peut se concentrer que pendant trois minutes et encore: à condition d’être tenu par un rythme primaire et des paroles répétitives.

Toute la structure de la civilisation c’est fini. Donc, les jeunes qui vivent dans ça, aux yeux de notre génération, sont des barbares. Nous n’avons plus rien en commun. On s’en va vers le Moyen Âge et donc, à ce moment-là, la seule chose qui est importante, c’est de protéger les manuscrits (voir la fin des Invasions barbares) parce que pendant dix siècles, les gens ne seront plus capables de lire.

Il faut donc garder les disques compacts et tout ce qu’on peut pour pouvoir les redécouvrir plus tard, dans une autre éventuelle Renaissance.


[Merci à l’ami Robert Blondin grâce à qui cette parlure tapuscrite a pu trouver refuge de ce côté-ci de l’Atlantique].

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

22 réflexions sur “« Papicha », le cinéma, la culture… et la jeunesse

  • Bonjour mon cher ami
    Que t’arrive t il donc ?
    Je te trouve bien pessimiste
    Il faut espérer dans cette jeunesse et ne pas généraliser à partir de 4 Gus perdus
    Regarde les 20 millions d’algeriens dans la rue tous les vendredis.
    Quand je vois mes enfants qui sont la jeunesse je ne les trouve pas si inintéressants que ça
    Hanane vient d’organiser en nov un festival intéressant je te promets
    Reprend toi sois positif
    Je t’ embrasse
    Laila

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    • Oui, je suis pessimiste… par réalisme. Bien sûr, il y a des exceptions ; on s’en réjouit. Mais le problème réside dans la “masse” des jeunes et leur addiction à un mode relationnel quand même très pervers, à la fois par la forme (“virtuelle”, soit un éloignement de la réalité vécue, ressentie par les sens) et le fond : appauvrissement de la culture. À moins que cette nouvelle “culture” vaille la “vieille”. D’où mon pessimisme…

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    • NAD

      Bizarre ce” reprend toi” dans un débat !

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  • eliette

    1/ Dans le genre “Généralisons ….” De quoi veut-on parler ? Il n’y a pas “LA jeunesse” mais “DES Jeunesses”. Comme toujours ! Sauf que la population mondiale a fortement augmenté ! Non ?
    Oui , il y a des évolutions, évidemment ! et avec ses défauts, évidemment ! Mais ne jetons pas les bébés avec l’eau du bain, saperlipopette ! Aidons intelligemment à des transmissions adaptées à la réalité du jour !
    2/ Autre chose concernant les commentaires sur ce site : on n’a pas de suivi ni de retour d’autres commentaires éventuels… Pourquoi ?
    Merci.

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    • Éliette : 1) Je répondrai sur le fond par ailleurs. 2) As-tu coché la petite enveloppe sous la zone de commentaire ? Sinon, ça peut expliquer le pb.

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    • Chère Éliette, en complément à ton commentaire >>> Sur le fond : certes, je pars de cas isolés. J’ai extrapolé et, il me semble, à raison, si je regarde autour de moi ; et si j’en crois les plaintes d’enseignants, ainsi que quelques données chiffrées. Étude BVA d’octobre 2018 (en France, tandis que le pb est mondial !) : 92% des adolescents de 12-17 ans ont un smartphone […] les smartphones sont largement répandus dans les collèges et les lycées.[…] 88% au collège, 96% au lycée. Les filles sont mieux équipées (93%) que les garçons (91%). Les enfants de cadres sont légèrement plus nombreux à en posséder que les fils et les filles d’ouvriers (92% contre 90%), tout comme ceux qui habitent dans de grandes agglomérations, comparé aux zones rurales (92% contre 89%).
      On est bien face à un fait de société général, d’ampleur inégalée quant à l’addiction à un objet technologique, non sans conséquences sociales et culturelles qu’on peut pour le moins redouter (pour le moment, je n’en perçois pas nettement les aspects positifs, contrairement à l’industrie électronique et à celle des réseaux, aux “croissantistes” qui comptent les points de PIB et la consommation électrique… Je redoute aussi un accroissement du creusement des classes sociales via cette aculturation par addiction technophile, tandis que les enfants des classes favorisées apprendront encore le piano et liront Racine, Bossuet, Pascal… et d’autres (réponse ci-dessous à l’objection de Gérard Bérilley). Encore ne parlons-nous ici, de nos sociétés occidentales privilégiées…

      Ton point 2, précision supplémentaire : cocher la cloche verte à gauche de la case “Envoyer le commentaire”

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  • Gérard Bérilley

    Je ne peux que m’associer au contenu des commentaires de Laila et eliette. Faisons attention de ne pas finir par devenir de vieux c… s ! Etant jeunes, nous sommes passés aussi devant tant de choses très importantes, de premier ordre, et au final ce n’a pas été si grave que cela.
    Par ailleurs je trouve le texte de Denys Arcand totalement ahurissant ! Typiquement un texte de “cultureux”, imbu de lui-même et fort méprisant envers les gens du peuple, les non-bourgeoisement instruits. Je ne crois pas qu’il soit de la première importance dans la vie de lire Racine, Bossuet, Pascal, etc. La société créée et défendue par ceux qui s’en réclament, qui les ont lus, ne me semble pas si géniale, si généreuse que ça ! Non vraiment. Place aux jeunes.

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    • Le jeunisme est une autre forme de la démagogie, par mieux que le vieillisme… Les vieux cons peuvent être rassurés, en effet, la relève semble assurée !… Où est le mépris chez Arcand ? Je ne le vois pas. Mais je vois bien le tien à son égard, dans ton propos étonnamment sarkozien : à quoi bon lire La Princesse de Clèves pour un guichetier des postes – ou surtout pour un président de la République ? Et nos grands classiques, ne forgent-ils pas, à les fréquenter, notre bien commun : la langue, le langage, la pensée ? Oui, à quoi bon la culture si elle ne produit que des “cultureux” ?

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      • Gérard Bérilley

        Le mépris, tu dis ne pas le voir dans ce texte, et moi je le vois partout. Question majeure de sensibilités différentes. Peut-être le monde de la bourgeoisie éclairée dont tu parlais une fois, et dans laquelle je ne me reconnais en rien, et qui méprise tous ceux qui n’ont pas “le” langage.
        Quand Denys Arcabd dit : “… Racine, Bossuet, Pascal, tout ce qui forme le cœur de la culture française”, c’est un mépris de classe car il oublie que l’immense majorité des générations antérieures n’a pas lu ces auteurs là, vu que le plus souvent leur niveau d’éducation était le Certificat d’Etudes. La civilisation française a bien vécu sans cela, aves ses ouvriers, ses paysans. En fait sa vision du monde est très particulière, élitiste.
        Le mépris, plus encore dans la phrase : “Toute la structure de la civilisation c’est fini. Donc, les jeunes qui vivent dans ça, aux yeux de notre génération, sont des barbares. Nous n’avons plus rien en commun.” Mais comment peut-on écrire cela ? Comment peut-on aussi parler au nom de “notre génération” et employer le “nous” ? Sa phrase est une forme de racisme : “barbares”, “rien en commun”. Est-ce que l’on se rend compte de ce que cela implique ? Si pour toi ce n’est pas du mépris, c’est quoi alors ?

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        • Non, je ne vois pas de mépris chez Arcand ! Mon père, qui n’avait pas le certificat d’études, mais qui s’était cultivé lui-même (entre autres avec Le Monde libertaire, auquel il était abonné, et aussi au Cri du Peuple, journal de la section socialiste de la Somme…) parlait des “instruits cons” pour désigner ceux comme les “têtes d’oeuf” de technocrates, dans lesquels il n’aurait sûrement pas rangé Denys Arcand. Lequel, quand il parle de “barbare”, le prend au sens courant au Québec, le sens premier émanant de Hérodote : celui qui parle une autre langue que la sienne. On est précisément dans le sujet : quand la langue, en s’appauvrissant par un mésusage, n’est plus un outil de communication et d’échange mais, au contraire, d’incompréhension, de mépris – oui –, de violence. Même si on peut vivre sans Bossuet, certes ! Sans Mozart et Beethoven, ni Michel Ange, Picasso, Coltrane, Hugo, Rimbaud… on n’en finirait pas d’égrener les monuments de la culture…

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          • Gérard Bérilley

            Ce qui est terrible, c’est cette prétention des tenants et représentants de la culture bourgeoise à se croire les tenants de LA culture, de la seule possible. Pour moi c’est un tour de passe-passe de parler de LA culture. C’est cette idéologie bourgeoise, typiquement bourgeoise, qui sert au mépris des soi-disant cultivés envers les soi-disant incultes. Je suis quelqu’un qui, je pense, a une très bonne culture générale, mais il ne me viendrait jamais à l’esprit, au cœur et à l’âme, de mépriser des gens qui en apparence n’ont aucune culture, au contraire je les aime, je suis bien avec eux, et il ne me viendrait pas non plus à l’esprit de vouloir qu’ils aient la même culture que moi, qu’ils aiment les même choses que moi, et cela ne me dérange nullement qu’ils n’aient, par exemple, rien à foutre de ma “culture”, et de ce que j’aime.
            Ce que je remarque, et cela me fait mal, c’est que depuis quelques temps, quelques mois, les articles publiés dans C’est pour dire ont un contenu de plus en plus “grincheux autoritaire”. Ce Denys Arcand n’aime pas les jeunes parce que globalement ils ne sont pas conformes à ce qu’il voudrait qu’ils soient. Et bien tant pis ! C’est son problème, mais de là il en déduit : “Toute la structure de la civilisation c’est fini” ! Faut être gonflé quand même pour une telle déduction ! Il faut être bien sûr de soi, très imbu de sa personne, pour savoir ce qu’il en est de l’avenir du Monde et de la civilisation, excusez du peu ! Remarquons qu’il parle de “la” civilisation ! Pour lui il est bien évident qu’il n’y en a qu’une, la sienne ! Pour moi, tout son verbiage est délirant, et chaque phrase je pourrai la démonter, mais est-ce nécessaire ? tant il suffit de le lire…
            Les jeunes que je côtoie, comme le disent aussi Laila et eliette, ils sont fantastiques de richesses de vie. Et moi, j’ai beaucoup en commun avec eux : toujours mon enthousiasme, le fait d’être vivant, de me passionner pour tant de choses, etc. Triste sire celui qui n’a que Bossuet, Pascal et Racine et Aristote, à partager avec les jeunes. A se demander si ce gars là a été jeune, un jour…

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  • Bernard_H

    Cet article me donne envie de voir le film. J’espère que sa première partie de carrière sera plus longue que le film de Hafsia Herzi, “Tu mérites un amour” qui est pour moi un superbe témoignage d’une Française d’aujourd’hui, qui ne part pas en croisade, ne se croit pas investie d’une mission, mais qui a seulement envie qu’on la respecte et qui vit une douloureuse rupture amoureuse. C’est d’autant plus crédible que faute de moyen, elle tient le rôle principal tout en étant entourée d’excellents acteurs. Cette mise en scène est la réussite d’une jeune femme qui a découvert le cinéma dans notre école républicaine, avec les films de Marcel Pagnol et qui a réussi avec le fonds gagnés comme actrice à créer un premier film sans prétention, avec souvent “les moyens du bords” et où l’absence de métier de certains acteurs (un des membre de son équipe chargé de la vidéo ) donne lieu à des scènes d’humour, plus vraies que nature. Ce film est pour moi un brin de fraicheur et de tolérance dans une monde qui se croit toujours obligé d’être en croisade communautariste, tout en le dénonçant le communautarisme par ailleurs.

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  • Bernard_H

    Malheureusement, je vais devoir attendre qu’Arte diffuse Papicha ou Netflix, dommage… Quant au film “Tu mérites un amour”, je m’aperçois que les “gardiens de la pensée correcte” égratignent beaucoup ce film en contradiction avec les critiques de la presse, plutôt élogieuses.

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  • Faber

    Bonjour à tous. Je crois que ce qui fait débat ici et surtout incompréhension c’est l’usage du tél. Qu’on zappe les classiques, pourquoi pas, on y reviendra peut-être un jour. Mais aller au ciné avec un tél. Déjà les chips, c’était pas facile… Étant plutôt vieux con, cet été j’observais 4 jeunes filles sur un pédalo, chacune rivée sur son tél et pédalant bravement… sur le sable. Moralité ? Je me croyais au cinéma.

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    • Maréchal

      Mais oui, c est bien la question du téléphone que soulève l article en question. Il faut être aveugle pour ne pas voir cette évidence des ravages causés chez la plupart des jeunes. Et les conséquences sur les capacités d’attention ! Et donc sur les niveaux culturels. C’ est un enseignant qui parle !

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  • C’est, hélas, ce que je constate quand je dispense le savoir relatif à mon domaine d’activité.
    La culture musicale s’est terriblement appauvrie suivie de très près par la connaissance scientifique.
    Mais le pire c’est que la curiosité, elle-même, s’est envolée…

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  • Gian

    Acculturation : capacité à assimiler la culture de là où l’on se trouve, et qui n’est pas la sienne originelle.
    C’est l’inverse, “inculture”, qu’il faudrait écrire.

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    • Oui – et non. Si j’en crois Robert, le Grand : “Processus par lequel un groupe humain assimile tout ou partie des valeurs culturelles d’un autre groupe humain. L’acculturation des Amérindiens aux États-Unis. Acculturation et déculturation.«  Les deux peuvent donc aller ensemble. Ici : la “culture” du portable comme l’assimilation d’une autre culture, celle de l’inculture liée à un usage addictif d’un processus technologique…

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  • Pierre

    Ce film montre à sa manière comment une religion est amenée à “pourrir de l’intérieur” quand elle s’érige en morale. Je ne me prononcerai pas ici sur l’islam (vaste débat !) mais je me permets de livrer un témoignage sur le christianisme pour la raison que je suis chrétien.

    “Le christianisme est la pire trahison du Christ”, écrivait un jour le théologien protestant Jacques Ellul, dès lors que les humains subvertissent le message évangélique en catéchisme.
    A mes yeux, par exemple, il n’y a pas plus anti-chrétien, hérétique, qu’un donneur de leçon comme la “manif pour tous” en regorge.

    Ceci dit, oui, Papicha est sans aucun doute un film utile, comme peut être utile tout ce qui décrit la dégradation du religieux en morale. Pour autant, il faut veiller à ne jamais jeter le bébé avec l’eau du bain.

    Personnellement, je tiens le sentiment religieux pour le principal remède (je ne dis pas “le seul”) au cancer qui ronge nos sociétés : le matérialisme.

    Mais un sentiment, c’est quelque chose d’intime : on peut en témoigner de pair à pair. Ou bien l’évoquer dans un certain anonymat, comme je le fais maintenant. Mais en faire un étalage public, une morale, une pensée de masse, prête à consommer…. du prosélytisme (lâchons le mot !) ne constitue pas seulement un moyen de se donner bonne conscience à peu de frais, c’est une pratique obscène qui confine au mensonge. Les fondamentalistes sont de gros consommateurs de films porno et je rêve parfois d’un Big Brother qui nous le démontrerait A + B.

    Pour le dire autrement, leur “bonne conscience” n’est jamais que ce que Marx appelait “la conscience fausse”. Et la religion, en tant que machinerie prosélytiste, ce que le même appelait “l’opium du peuple”.

    Pour autant : rendre à Dieu ce qui est à Dieu et au peuple ce qui est au peuple, mais ne jamais mélanger les torchons avec les serviettes.

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  • Gérard, salut ! Certes, suivons le conseil… positivons. D’ailleurs, c’est mon sentiment le plus profond : il faut croire en la jeunesse, elle nous montre de très nombreux signes d’engagements, de combats pour la plus belle vie, de regards précis – même si parfois ils semblent détachés – sur le monde. Ils sont différents de nous, avec d’autres modes de vie, mais il en va ainsi à chaque génération. En revanche, et là je te rejoins, je m’interroge sur les fractures sociales et culturelles qui ne cessent de s’élargir et qui peuvent inquiéter sur le niveau moyen d’éducation qui apparaît s’affaisser pour de grands blocs de générations. Si à toutes les époques les frontières culturelles existaient, je crois vraiment que le renfermement sur soi – donc son très petit univers – gagne. Pour trois raisons principales je crois : le délaissement complet d’enfants par certaines familles, l’incapacité de l’éducation nationale à pouvoir vraiment les suivre, et… la multiplication des “écrans”, smartphones, jeux, etc. qui s’ils ne sont pas mauvais par eux-mêmes, participent pour ces populations de leur enfermement et de leur incapacité de concentration, donc d’écoute de l’autre.

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  • aient

    Il y a, dans la critique de comportements décalés de certains jeunes, de quoi être accusé de jeunisme, comme il y a, à critiquer des Noirts polygames fauteurs de bruits et d’odeurs à minuit, de quoi être accusé de racisme. Par les bien-pensants nullement dérangés par l’aliénation ambiante à laquelle ils participent voire en vivent plus ou moins, et habitant des quartiers où les Africains n’ont pas les moyens d’aller.
    Je déplore moi aussi cette mode du portable qui affecte 92 % des ados que je croise – et qui passent sans me voir, comme dit la chanson – et qui me laissent penser qu’il se prépare un monde d’oligophrènes. Symboles de cette maladie mentale collective : la canette (soda ou bière) à moitié pleine déposée n’importe où dans l’instant du sentiment de sasiété et le tag incompréhensible. Dans les deux cas, “je ne pense qu’à moi et qu’à l’instant t, maman me nettoyera le trou du cul et je conchie les murs ou le trottoir (trop, la fatigue !) avec des virgules de merde”. Stade anal 100 % : 3 ans d’âge mental à 18 ans physiologique, trop super élixir de jouvence.
    Assumons ce qui n’a que l’apparence d’une apostasie comparable à celle relative à des temps anciens où les migrants s’assimilaient et n’avaient pas l’intention d’envahir l’Europe. Nous les acceptions volontiers, dans notre générosité de développés pétris de culpabilité post-coloniale, sans nous douter qu’ils allaient engendrer une génération faite de beaucoup d’agressifs pourrisseurs de tout ce qu’ils touchent. Notre désillusion contemporaine est à la mesure de notre naïveté d’antan.
    Mais notre exigence doit être celle de la lucidité : taire l’aliénation de nombreux jeunes est aussi coupable que ne pas dénoncer le désir de conquête musulman (et non islamique) et l’angélisme des bobos ou des islamo-gauchos idiots utiles. Le modèle migrant aide à comprendre nos douloureuses mais indispensables remises en question relatives aux projets révolutionnaires ou assimilés en particulier la croyance qu’on pouvait espérer que les jeunes générations puissent se libérer du syndrome du Petit Homme, comme disait Reich. C’est le contraire qui est advenu.
    Il faut en revenir aux fondamentaux : ne pas commettre l’impair qui consiste à ne critiquer que partiellement, sans rattacher cette critique à la condamnation sans férir du capitalisme dans son entier, qui reste la cause centrale de la déglingue du Monde dont l’oligophrénie des ados formatés n’est qu’épiphénomène.

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  • Pierre

    Je me suis précédemment exprimé sur le film Papicha.

    Concernant le fil de la discussion en cours, je réagis à présent depuis mon expérience d’enseignant, depuis 38 ans : plus les ingénieurs s’ingénient à générer de l’interactivité, plus les éducateurs sont confrontés à l’hyperactivité des “jeunes”. En disant cela, est-ce que j’établis un constat (réaliste) ou un jugement de valeur (pessimiste) ? Les deux, bien sûr, le second découlant du premier.

    J’ajoute que les réseaux prétendument “sociaux” (peut-être aussi les blogs, Gérard…), ne peuvent qu’encourager des individus (jeunes et vieux) à dire n’importe quoi, protégés en cela par l’anonymat que leur confère l’outil informatique (que l’on s’obstine à considérer comme “ni-bon-ni-mauvais” / “tout-dépend-de l’usage-qu’on-en-fait”).

    Monsieur Lhomme voit juste quand il nous rappelle que l’intelligence artificielle pèse très peu face à la bêtise naturelle. La question n’est donc pas “jeune con” ou “vieux con” mais “con” ou “pas con”. Et la connerie, dans l’histoire, c’est de croire naïvement que la technique au XXIe siècle, c’est la même chose qu’au XIXe ; croire religieusement que les nouveaux outils techniques sont neutres.

    Pour Ellul, la technique était “l’enjeu du siècle” (le sien, le XXème) mais parce que l’enjeu en question n’a pas été identifié à temps, elle constitue “la fatalité” du nôtre. Pour autant, fatalité n’est pas fatalisme : l’humanité n’est qu’une grande bande de cons, certes, mais, n’en déplaise à Brassens, il n’est pas si certain que quand on est con on le reste à vie. Quand une tragédie nous met au pied du mur, ça peut aider à… mûrir.

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