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Chronique d’été, avec et sans masque. 3 – De la musique, de la violence, de la République

Temps de lecture ± 5mn 30

[dropcap]Troisième[/dropcap] fournée de cette chronique d’été, avec et sans masque. Où il est question de musique (sans qui la vie…), de la violence en politique, de paradis, de l’enfer des humains et caetera.

Dimanche 16 aout 2020En feuilletant Télérama… photo sur deux pages d’un groupe de rock : cinq binettes à l’air inspiré et grave, tragique genre tragico-comique. La légende m’a fait pouffer : « Le rock implacable de Fontaines DC appelle désormais à la réflexion et à l’introspection » Non mais. J’ai déjà remarqué cette tendance chez de jeunes musicos de jazz à se prendre ainsi au sérieux. Ce n’est que de votre musique, les gars !
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Livres. Bien des écrits n’intéressent que leurs auteurs. C’est pourquoi il y en a tant, et même des publiés, qui font ployer les rayons des biblis.

Il se peut que ce soit le cas des miens – ah non, pas les miens !…
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Quand Anne Queffélec joue un concerto de Beethoven (télé hier soir, La Roque-d’Anthéron), ses yeux clairs s’agrandissent. Deux fenêtres grandes ouvertes sur le mystère de la musique. Et aussi cette pianiste qui « valse » avec Ravel. Toutes deux de mémoire – les doigts qui savent, comme dit Nadou. Oui, mais quel savoir, à quel prix d’apprentissage, de répétitions obstinées !

Les musiciens sont beaux, car la musique embellit. L’art par lequel on ne peut tricher ; la danse aussi, il me semble : l’équilibre juste, c’est l’harmonie céleste des notes et de l’univers.

Sans elle, la vie comme une erreur disait Nietzsche. Pourtant mon ami Gian n’y est pas du tout sensible ; alors que tout le « reste » l’intéresse. Peut-être trop de rationalisme chez lui, de « radicalité » comme il aime dire, loin du laisser-aller.
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Jaurès à la télé aussi, hier soir. Toretton parfait (télé-film de 2005) : une incarnation. Le réformisme comme un réalisme et versus, encore et toujours, la « radicalité » révolutionnaire.

Le renoncement à la violence, condition de la démocratie. La ligne rouge entre citoyens et esclaves au temps de la démocratie grecque, entre citoyens et indigènes au temps de la colonisation ; citoyens et manifestants, gilets jaunes, grévistes aujourd’hui. Cette ligne sépare aussi la croyance de la pensée raisonnante, il me semble. Les convictions de la réflexion – le « je pense » qui résiste au « je crois ». Sagesse / fanatisme.

Les « illusions d'optique » de nos jugements ; cloisonnements du cerveau…
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Le slogan de McDonald « Venez comme vous êtes ! », pur produit du libéralisme consommatoire, de l’individualisme étriqué à la « c’est mon droit », porte d’entrée aux communautarismes, au multiculturalisme destructeur de la République laïque et de son « vivre ensemble » détourné, réduit à une mosaïque d’antagonismes.

Et puis, du moment qu’ils s'empiffrent de barbaque et de coca. Du moment que tout le monde s’engraisse…
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Lundi 17 août 2020 – Vous souvenez-vous mes élans d’amoureux envers un coin de l’étang de Berre – un coin de paradis ? Le paradis sur terre, ça me va. J’en parlais ici il y a deux ans, alors que l’enfer se profilait sous la pollution due aux rejets abusifs d’eau douce (EDF), liée à la canicule, avec des algues asphyxiant coquillages et poissons. Hier, les lieux affichaient bonne mine – un maquillage ? Bref, j’y lisais la revue d’Onfray, Front populaire. Ravi de la richesse du contenu liée à des auteurs hétérogènes peu enclins, ce qui est salutaire – question de bonne santé – au référentiel droite/gauche, cette obsession de l’idéologie tueuse. Tueuse et coriace, toujours prompte à dénoncer les traîtres. Quoi, ces ostrogoths à la Chevènement, De Villiers, Sapir, entre autres suspects comme ces autres auteurs émargeant au Figaro. Et ces pubs pour Causeur et Valeurs actuelles !… Et cette marotte du souverainisme, non mais vraiment ! Donc : aller y voir sans œillères, penser par soi-même, voire contre soi-même (Péguy). Ce qui n’est pas donné à tout le monde, il y faut de l’acharnement. Commencer par balayer dans les médias dominants. Pas si difficile. Comme ce jour de confinement où, las de m’entendre seriner les mêmes « infos » à source unique, un point à l’endroit, un à l’envers, j’ai opté pour la cure de désintoxication : radios, télés, canards et leurs sites – tout ça à dose très homéopathique. Depuis, j’’ai gardé ce régime disons de croisière : un journal de France Culture le matin, un le soir sur Arte. Exit ou presque les coups d’œil furtifs sur les sites du Monde et de Libé. Je ne lis même plus La Décroissance et leurs prêches de curés arrogants, préférant la Revue des Deux-mondes, maintenant que Pénélope n'y pige plus. Et je ne parle pas des réseaux dits sociaux, ces succédanés dangereux appelant les gestes barrière.

Vous allez me dire que je tourne mal, sans doute l’âge et tout ça… Je pense l'inverse, dans un cercle pas si restreint qui s’agrandit d’amis et se garde des autres. J’ai fait mien ces conseils de mes vieux sages, antiques et anciens, mais pas en toc. Ainsi de ce vieux curé Bossuet déplorant ainsi « le plus grand dérèglement de l’esprit » : « Croire les choses parce qu’on veut qu’elles soient, et non parce qu’on a vu qu’elles sont en effet. » Ce dérèglement, un poison ravageur, mortel, tout comme cette crainte panique à gauche de paraître à droite. Une des causes de nos désarrois socio-politiques. Je m’y réfère souvent, sachant que je peux être visé par de tels raccourcis.

Je parlais de paradis ci-dessus. Et à propos, voilà que, début juillet, la ferme bio des Jardins de Paradis, près d’Aix-en-Provence, vient d’être la cible d’abrutis criminels : ils ont lacéré les serres, déversé du glyphosate (dont les agriculteurs craignent tant son interdiction) sur les plantations et récoltes, et ainsi saccagé toute la production d’été du jeune couple d’exploitants. Une cagnotte a été ouverte pour aider les victimes de ces innommables.

Mercredi 19 août 2020 – Tout fout le camp, surtout le respect de la chose publique, encore appelée République. Sa traduction politique, à partir de la notion d’intérêt général, pousse naturellement à la marier avec la démocratie. Les fiançailles se passent généralement bien, la cérémonie aussi qui, en France eut lieu pour la première fois en 1792 – ainsi naquit la Première République. Nous en sommes à la Cinquième. C’est dire qu’en un peu plus de deux siècles, le couple a connu bien des secousses : divorces, rabibochages et autres Restauration. Partout dans le monde, l’attelage claudique – quand on ne lui tranche pas les jarrets. Pour le moment, et depuis bien longtemps, nous en sommes à la monarchie présidentielle à tendance modérée. De République, il reste surtout le mot, enrobé dans de vaseux slogans. Un hussard (noir ?) veille sur ses restes, becs et ongles : Jean-Pierre Chevènement. Alors ministre, c’est lui qui dénonça les « sauvageons »[ref] «  L'an dernier, la fin de la parade avait été gâchée par des échauffourées souvent provoquées par les “sauvageons” de la banlieue parisienne  » (le Monde, 21 sept. 1999).[/ref] dont le sens exact avait été ignoré ou caché par les médias [ref] En botanique, rejeton sauvage de la partie non greffée d'un arbre greffé. Par métaphore : Enfant qui a grandi sans être élevé, comme un petit sauvage.[Le Gand Robert][/ref]. Ce sont eux que Sarkozy qualifia de « racaille », se vantant de nettoyer les quartiers « au karcher ». Sans succès comme on sait, et comme on peut le constater dans l’actualité.

Voilà qu’à Marseille, une riveraine du quartier de Verduron (15e), ayant saisi le tribunal administratif, a fait condamner la préfecture de police pour son inaction face aux rodéos urbains à moto. L’État devra lui verser 10 000 euros ; la plaignante, qui n'en demandait pas tant, attend toujours que cesse ces manèges qui attisent la colère des riverains. La situation dure depuis des années…

Une nouveauté dans le genre « nuisances, dangers et incivilités », les tirs de fusées d’artifice en pleine nuit, entre une heure et quatre heures du matin ! Sauvagerie qui peut durer un quart d’heure ! Ainsi que consaté « de visu » dans les quartiers Nord, par ailleurs habitués des fameux « rodéos » et même aux courses d’autos nocturnes sur l’autoroute…

Vivre ensemble, disent-ils.

 

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

Une réflexion sur “Chronique d’été, avec et sans masque. 3 – De la musique, de la violence, de la République

  • « Cette crainte panique à gauche de paraître à droite… » : et pour­tant, la gauche a lais­sé à la droite le soin de prendre des mesures de pro­grès (pilule, IVG, par ex.) et a au contraire a pris des mesures réac­tion­naires (Guerre d’Algérie à laquelle la droite a mis fin, par ex.).

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