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Lettre ouverte à Libération. L’art de réinventer l’eau tiède de la solidarité

Par Joël Decarsin

Je reçois ce matin d’un algorithme commandité par votre journal une invitation solennelle à œuvrer à la réinvention de la solidarité par le biais d’un forum « live », c’est-à-dire  en direct, si je comprends bien… J’apprends donc par là-même que d’anciennes versions de la solidarité auraient fait leur temps et j’en suis foncièrement désolé.

Pour autant, en cette période où les autorités nous recommandent expressément de pratiquer les gestes de distanciation sociale, l’image accompagnant cette invite (ces quatre poings, allant les uns vers les autres...) m'apparaît remarquablement porteuse d’espoir. Merci infiniment !

Mais voilà que cette image me rappelle une vieille version de la solidarité (mais vraiment très vieille, puisqu’elle date des années 1950), résumée dans ce chef-d’œuvre de la culture française, un film de Christian-Jacque : Si tous les gars du monde – …voulaient se donner la main ! ajoutait la chanson.

Pourquoi donc au juste vouloir « réinventer » la solidarité ? Les « nouvelles technologies » ne nous le permettent-elles pas sans mal ? Ne qualifie-t-on pas de « communautaires » ces plateformes que sont AirbnB, Blablacar, Dailymotion, Amazon ?

Ne dit-on pas de ces multinationales que sont Snapchat, Lindekln, Twitter… que ce sont des réseaux « sociaux » – sans oublier bien sûr Facebook, avec qui votre journal s’associe généreusement pour m’aider à réinventer la liberté ?

Et n’est-ce pas grâce à ces réseaux que des centaines personnes, d’origines extrêmement diverses, ont pu se retrouver le 6 janvier à Washington et festoyer dans les locaux du Capitole, à l’invitation de leur chef d’État, conférant ainsi ses lettres de noblesse à la démocratie dite « participative » ? ... comme je l’explique du reste moi-même sur un espace numérique: https://sciences-critiques.fr/de-la-fabrique-du-consentement-a-celle-du-soupcon/  

Dernière question que je (me) pose : le « laïve  » qu’organise votre journal ne relève-t-il pas au fond de ce que le sociologue Jean Baudrillard appelait autrefois un simulacre ?

JD

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2 réflexions sur “Lettre ouverte à Libération. L’art de réinventer <span class="pt_splitter pt_splitter-1">l’eau tiède de la solidarité</span>

  • Hermine

    Bien vu, en sub­til second degré. Il y a long­temps que Libé est pas­sé du côté de la bien-pen­sance, très à la mode de notre temps qui voit se déli­ter nos valeurs, celles qui ont fon­dé ce vrai « vivre ensemble » et pas celui dont se gar­ga­rise Libé et tant d’autres pour ne ces­ser de le détruire en favo­ri­sant les com­mu­nau­ta­rismes, bien sûr au nom de la diver­si­té et des bien­faits du « métissage ».

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  • DECARSIN

    Quand on voit dans quel type de conne­ries se noie la « grande presse », com­ment s’é­ton­ner qu’une majo­ri­té d’in­di­vi­dus aillent se perdre dans les médias sociaux ?

    Ici, dans cette « lettre ouverte à Libé », je pose la ques­tion de façon insolente.
    Ailleurs, je m’ef­force d’ap­por­ter des élé­ments de réponse de façon argumentée :
    De la fabrique du consen­te­ment à celle du soup­çon (Sciences cri­tiques, 20 janvier)
    https://​sciences​-cri​tiques​.fr/​d​e​-​l​a​-​f​a​b​r​i​q​u​e​-​d​u​-​c​o​n​s​e​n​t​e​m​e​n​t​-​a​-​c​e​l​l​e​-​d​u​-​s​o​u​p​c​on/
    — — –
    La presse mains­tream et les médias sociaux, de plus en plus, ont en com­mun de col­por­ter de vul­gaires opi­nions au lieu d’ac­ti­ver l’es­prit cri­tique. Ceci pour de basses consi­dé­ra­tions de marketing.

    On n’en a pas fini avec le populisme !

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