Nucléaire. La probabilité d’un accident en France serait de 50% pour le parc actuel
Sur la base du constat des accidents majeurs survenus dans l'industrie nucléaire ces trente dernières années, on devrait statistiquement connaître un accident de ce type dans l’Union européenne au cours de la vie du parc actuel, avec une probabilité de 50% de voir cet accident majeur se produire en France. C'est en tout cas ce que démontrent Bernard Laponche, physicien nucléaire, expert en politiques de l’énergie, et Benjamin Dessus, ingénieur et économiste, dans un article publié sur le site de Global Chance. Cette association regroupe des scientifiques et des experts convaincus qu’un développement mondial plus équilibré peut et doit résulter de la prise de conscience croissante des menaces qui pèsent sur l’environnement global. Ce texte a déjà été publié dans Libération et dans Politis. Il est assez important pour mériter une large diffusion.
Accident nucléaire : une certitude statistique
Le risque d’accident majeur dans une centrale nucléaire a été considéré comme la combinaison d’un événement d’une gravité extrême et d’une très faible probabilité d’occurrence. Certes, la multiplication de zéro par l’infini pose quelques problèmes mais les promoteurs du nucléaire, mettant en avant cette très faible probabilité, affirmaient qu’il n’y avait aucun danger. Si la gravité des conséquences d’un tel accident a bien été confirmée par Tchernobyl et Fukushima, que peut-on dire aujourd’hui de la probabilité de son occurrence ?
Il y a deux méthodes pour estimer la probabilité d’un accident : la méthode théorique, qui consiste à la calculer sur la base de scénarios de simulation d’accidents prenant en compte les systèmes de défense et les risques de dysfonctionnement, et la méthode expérimentale, qui consiste à prendre en compte les accidents survenus, ce que l’on fait par exemple pour les accidents de voiture. Les résultats de l’approche théorique, issus des travaux des experts de la sûreté nucléaire, distinguent, pour les centrales actuellement en fonctionnement dans le monde, deux types d’accidents : « l’accident grave » avec fusion du cœur du réacteur, dont la probabilité serait de moins de un pour 100 000 « années-réacteur » (un réacteur fonctionnant pendant un an) et « l’accident majeur », accident grave non maîtrisé et conduisant à d’importants relâchements de radioactivité, dont la probabilité serait de moins de un pour un million d’années-réacteur.
Le parc actuel de réacteurs des centrales nucléaires cumule 14 000 années-réacteur, ce qui correspond à environ 450 réacteurs fonctionnant durant trente et un ans. La probabilité théorique conduit à un résultat de 0,014 accident majeur pour l’ensemble du parc et pour cette durée de fonctionnement. Une probabilité très faible : l’accident majeur serait donc extrêmement improbable, voire impossible. Mais, sur ce parc, cinq réacteurs ont connu un accident grave (un à Three Mile Island, un à Tchernobyl et trois à Fukushima), dont quatre sont des accidents majeurs (Tchernobyl et Fukushima) : l’occurrence réelle d’un accident majeur est donc environ 300 fois supérieure à l’occurrence théorique calculée.
Cet écart est considérable et conduit à un constat accablant quand on prend conscience de la pleine signification de ces chiffres.
La France compte actuellement 58 réacteurs en fonctionnement et l’Union européenne un parc de 143 réacteurs. Sur la base du constat des accidents majeurs survenus ces trente dernières années, la probabilité d’occurrence d’un accident majeur sur ces parcs serait donc de 50% pour la France et de plus de 100% pour l’Union européenne. Autrement dit, on serait statistiquement sûr de connaître un accident majeur dans l’Union européenne au cours de la vie du parc actuel et il y aurait une probabilité de 50% de le voir se produire en France. On est donc très loin de l’accident très improbable. Et cela sans prendre en compte les piscines de stockage des combustibles irradiés, les usines de production et d’utilisation du plutonium, les transports et stockages des déchets radioactifs.
Plutôt que de continuer à calculer des probabilités surréalistes d’occurrence d’événements qu’on ne sait pas même imaginer (cela a d’ailleurs été le cas pour Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima), n’est-il pas temps de prendre en compte la réalité et d’en tirer les conséquences ?
La réalité, c’est que le risque d’accident majeur en Europe n’est pas très improbable, mais au contraire une certitude statistique.
Croyez-vous que, si on le disait comme cela aux Français, il s’en trouverait encore beaucoup pour faire l’impasse sur le risque au prétexte du « on ne peut pas faire autrement » ?
Bernard Laponche, physicien nucléaire, expert en politiques de l’énergie.
Benjamin Dessus, ingénieur et économiste, président de Global Chance.
Merci de poursuivre le développement des réflexions suite à Fukushima, alors que tous les médias (ou presque) ont franchement oublié cette catastrophe nucléaire qui pourtant perdure dans ses pollutions. Ce n’est plus du journalisme dans ces »groupes de presse » ; ne seraient-ils que des institutions de »nivellement » des esprits ?
Et aussi la manif du 11 juin :
Journée d’action internationale
Manifestation à 14 h 30, départ Place de la République
Tribune et Concerts à partir de 16h, Parvis de l’Hôtel de Ville
Voir le site : http://www.sortirdunucleaire75.org/
Article important permettant de se dégager des « opinions » et autres croyances au lieu d’arguments raisonnés. La probabilité ne fait pas la certitude, certes, mais remet à sa place la responsabilité des nucléocrates inconséquents qui, comme à Fukushima, n’ont que des « excuses » à fournir ou bien la fuite devant les conséquences. Le « ça peut arriver » dans une centrale nucléaire est d’une autre ampleur quant aux conséquences qu’un accident dans une usine chimique. AZF a certes causé trop de victimes, mais les dégâts provoqués sont restés localisés et limités dans le temps, contrairement à des accidents nucléaires comme à Tchernobyl et Fukushima qui engagent plusieurs générations d’humains.
C’est plus que jamais le moment de manifester son opposition à ce péril masqué ! Manifestations annoncée ce samedi dans toute l’Europe.