Journalisme. Chauds les marronniers !
Je me marre… de ces «marronniers». Je raconte, pour ceux qui ne sont pas de la paroisse journalistique – et peut-être même pour les autres : la petite Histoire prétend que chaque année, au premier jour du printemps…
…Au premier jour du printemps fleurissait le marronnier rose planté sur la tombe des Gardes suisses, Cours-la-Reine à Paris, tués le 20 juin 1792. Se répétant avec une précision toute helvète, l'événement fut célébré de même, chaque année, par un article rituel. L’histoire, plus petite encore et sans majuscule, a fait le reste en instituant le "marronnier" comme l'article revenant chaque année à date fixe par la grâce des cycles sociaux… et des routines journalistiques.
Et l'on vit bientôt les marronniers fleurir en toute saison…, les occasions de «faire causer» s’étant multipliées comme les petits pains. On ira même jusqu’à inventer la «com’» pour forcer le rythme des célébrations machinales et produire des interférences commerciales, les harmoniques du bizness.
Ça a débuté par de vrais rituels de société – rentrées des classes, du tribunal, des parlementaires ; départs en vacances, en retraite ; commémos des 11 novembre, 8 mai ; défilés des 1er mai, 14 juillet ; sans oublier les innombrables dévotions religieuses et/ou politiques, j’en passe et des pires.
Et la marchandise a embrayé : perdre dix kilos en dix jours grâce à la crème minceur, avec l’amour en vacances en prime; les soldes, ah les soldes ! Et comment payer moins d’impôts… On vient juste de subir en rafales la Saint-Valentin, les oscars et les césars, et là on barbotte dans la neige, le froid, les dictons populaires et les envolées anticycloniques.
On touche les sommets ces jours-ci avec la neige et le froid qui ont atteint MÊME le sud-est ! Une aubaine pour dégainer la panoplie de clichés inoxydables : luges sur la promenade des Anglais, chasse-neige sur les corniches de Toulon, poissonnières du Vieux port de Marseille.
Comme le marronnier vous use le meilleur journaliste en trois ans maxi, sa charge en revient forcément aux « bleus ». C’est la relève dont la fraîcheur encore juvénile va un peu soulager l’arthrite des seniors – lesquels sont aujourd’hui, on le sait, de plus en plus jeunes. Ils souffrent même assez souvent de « pantouflite » chronique. Car, s’ils ont délaissé le marronnier ce n’est pas forcément pour lui préférer l’enquête «béton» ou l’interview incisive. [Les néophites peuvent voir à ce sujet notre Palmarès des Pantoufles de Presse].
Tout ça pour vous offrir ce rameau d’olivier « dans son écrin de blancheur ». En direct de ma fenêtre. Et pour rappeler aussi que le cliché est à la métaphore ce que ledit marronnier est au journalisme actif.
Petite anecdote qui me restera toujours en mémoire : chef d’agence dans un grand quotidien régional de l’est de la France, je me souviens de la conference mensuelle organisée autour du directeur de la redac. chargé de recueillir et regler si possible les doleances de chacun des chefs d’agence.
L’un d’eux avait un vrai problème : un marronnier – un vrai – poussait dans la cour arrière de l’agence. Il fallait faire quelque chose…
Regards en coins, sourires et même éclats de rire autour de la table.
Quoi de plus normal qu’un marronnier en locale ?
L’arbre impertinent fut abattu. A ma connaissance, c’est le seul marronnier auquel s’est attaqué ce quotidien.