En démocratie, « évaluation » se prononce bien « vox populi », non ?
À propos du projet d’évaluation des ministères, mesure cohérente avec la doxa politique : gérer les affaires de l’État comme celles de toute entreprise. Le dogme sévit aussi dans les collectivités locales, jusque dans les communes – plutôt de droite que de gauche, mais pas garanti tant ces préceptes se « naturalisent » et colonisent les esprits. Le bien commun, la solidarité, la fraternité, pouah ! : pas quantifiables et encore moins rentables, sauf par leurs contraires, à la Hortefeux et ses 25.000 reconduites, par exemple (retour espéré sur investissement politique).
Donc l’Entreprise comme un Tout total, une totalité en somme, une fin en soi et le Pognon par dessus tout. Faire du chiffre, voilà le nouveau credo politique. Comment vont les affaires ? Y a-t-il plus bel idéal ? On peut toujours emballer ça dans du Jaurès, Môquet, Camus, Morin, ça ne masque ni la dégaine, ni la mentalité de la bande de VRP gérant l’"Entreprise France". Ni surtout la classe de leur PDG fanfaron, exhibant sa « réussite » – Rollex, Falcon, gonzesse – à la Berlusconi, avec ostentation et au monde entier – « Mon saint-père, je vous présente Bigard, mon guide spirituel –, tant qu’à faire d’être classieux. Dassault applaudit, Mme Parisot est aux anges.
Dans la foulée, si j’ose dire, j’ai glané deux perles de réactions d’internautes, des lecteurs du Monde et de Libération, des garde-fous en quelque sorte…
« Quelques idées de critères d’évaluation :
Premier ministre : capacité à supporter les facéties du Chef de l’Etat ; ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables : capacité à améliorer son look ; ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales : capacité à bidouiller au maximum les chiffres de la délinquance ; ministre de l'économie, des finances et de l'emploi : capacité à créer de la croissance par la méthode Coué ; ministre des affaires étrangères et européennes : capacité à avaler un nombre croissants de couleuvres ; ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement : capacité à virer les immigrés et à apprendre la Marseillaise à ceux en demande d’asile ; garde des sceaux, ministre de la justice : capacité à éliminer de nos institutions le pouvoir judiciaire ; ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité : capacité au dialogue social sans négociations ; ministre de l'éducation nationale : capacité à trouver un collège anglais pour le petit Sarkozy ; ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche : capacité à l’incapacité notoire ; ministre de la défense : capacité à trouver un candidat MODEM au sein de sa famille pour appuyer la majorité présidentielle ; ministre de la santé, de la jeunesse et des sports : capacité à comprendre ses attributions ministérielles ; ministre du logement et de la ville : capacité à cohabiter avec un Secrétaire d’Etat ex Présidente de Ni putes, ni soumises ; ministre de l'agriculture et de la pêche : capacité d’envoyer le Chef de l’Etat négocier avec les pécheurs ; ministre de la culture et de la communication : capacité à ne pas engager de politique culturelle qui pourrait être perçue ; ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique : capacité à ne pas marcher sur les domaines réservés du ministre de l'économie, des finances » [ROMERO94, Libération.fr, 5/1/08]
Et après l’évaluation, puisque des têtes seront tombées :
« Quelques modestes suggestions de nouveaux ministères pour un futur remaniement : ministère du travail supplémentaire, ministère du budget déficitaire et de l'inflation, ministère de la santé pour les non malades, ministère de l'émigration, ministère de l'éducation privée, ministère de la pop culture et de la médiatisation, ministère de la justice expéditive, ministère de la solidarité avec les riches...
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Reste la question de l’évaluation des évaluateurs et du Plus Grand d’entre eux. Ce qu’en démocratie on appelle la Vox populi, non ?