Michael Jackson. Hystérie médiatique, perte du sens, délire idolâtre
France Inter, journal de 13 heures : 25 minutes sur un journal de 30 consacré à la mort de qui vous savez, ça laisse pantois. Du moins ceux qui, dans mon genre, pensent que, dans l'ordre des valeurs, il existe quelque hiérarchie… C'est ahurissant, une telle perte de l'ordre des choses entre l'important, l'essentiel, le secondaire, l'anodin, le divertissant, le profond, le futile. Qu'il y ait de tout sur tous les registres, soit. Mais voir à ce point tomber tout sens critique, toute distanciation… La situation en Iran, la crise et ses drames sociaux par millions dans le monde, plus rien n’avait d’importance. Je pointe France Inter car c'est ce que j'écoute, mais l'effusion – en une sorte d’hystérie – aura pour ainsi dire touché l’ensemble des médias, et cela dans la quasi totalité du monde. C’est une culmination spectaculaire, à la hauteur du 11 septembre et du tsunami asiatique – pour un événement sans aucune mesure. Faut-il sans doute que nos sociétés soient à ce point déboussolées pour patauger dans une telle idolâtrie !
Le plus étrange, c’est qu’une des causes, et peut-être la principale, de la vie chaotique et plus que trouble de Michael Jackson relève de sa monstrueuse autant qu’indécente mise en spectacle – il y a toujours du monstre dans la monstration.. Et qui dit spectacle dit en l’occurrence marchandisation avec sa charge d’aliénation capable, pour le moins, de tournebouler tout être humain – surtout si, de surcroît, il est soumis à cette terrible tension dès l’enfance. Michael Jackson aura subi toute sa vie la tyrannie de son image spectaculaire consistant à devoir se montrer dans un système d’apparences avec perte d’identité profonde dans laquelle il y aura même laissé sa peau, et jusqu’à son visage, devenu celui de cette marionnette qu’il n’aura cessé d’être. Terrible renoncement à l’existence digne d’être humain. Valait mieux en finir et c’est pitié. Comme c’est pitié aussi que notre monde sans repères.
> Denise : La démesure, justement, voilà ce que je déplore tandis que vous l’illustrez en comparant des incomparables. Que MJ soit un génie dans son genre, soit – vous n’êtes pas seule à le proclamer. De même pour Mozart ou Beethoven, dans leur genre. Mais aucun rapport entre les genres, justement. En plus du fait que les époques n’ont rien à voir entre elles. La « boursouflure » médiatique n’aurait pas pu atteindre les deux musiciens classiques ; tandis qu’elle a fabriqué le produit MJ en le transformant en idole. Le bizness et le besoin de s’identifier à des stars ont fait le reste.