ActualitéC de coeur, C de gueule

Chasser le minet en Thaïlande… Éviter l’ouvrier à Gandrange… Chercher l’erreur.

Dénoncer le tourisme sexuel et autres peccadilles, va pour l’extrême droite. Mais venant d’une partie de la gauche, non, impensable ! D’un côté, « c’est un honneur », de l’autre « c’est une honte »…  Voir les collègues UMP du ministre de la culture, devant micros et caméras, pédaler dans la gadoue en bafouillant quelques arguments embarrassés. Exemple, Xavier Bertrand porte-voix du parti sarkoziste : « Se servir de la vie privée des gens pour en faire des attaques politiques ou politiciennes, cela me rappelle les pires heures de l’histoire ». Diantre ! Comme si les « pires heures de l’histoire », lui et sa bande ne nous les imposaient pas au jour le jour avec leur politique d’injustice généralisée ? Évidemment, ce n’est pas de ça dont il parle, préférant se rattraper comme il peut non pas au quoi de l’affaire, mais à qui l’a déclenchée. Une aubaine que cela vienne du Front national et qu’en plus le PS se soit, plus ou moins, raccroché au wagon. Un pan de la « classe politique » doit donc faire corps : serrer les rangs en serrant les fesses, c’est le cas de le dire. La manœuvre relève tout de même vachement de l’acrobatie : rester solidaire, donc cautionner un homme, ministre, dont les pratiques sexuelles déviantes sont réprouvées, poursuivies et condamnées par la politique d’un gouvernement, prompt à en faire des kilos sur ce chapitre, à grands renforts d’envolées morales et de lois multiples !

Cette affaire-là, c’est ainsi, apparaît comme le prolongement immédiat de celle touchant le cinéaste Polanski – que Frédéric Mitterrand, on l’explique mieux aujourd’hui, fut l’un des tout premiers à défendre, s’offusquant de son indigne arrestation et dénonçant « une certaine Amérique qui fait peur ». Re-diantre donc, revoici les « pires heures de l’Histoire »… Les deux affaires convergent vers le point focal de la sexo-politique, là où se nouent les rapports de l’intime et du public ou, plutôt même, les rapports du « je » individuel, et du « nous » collectif. Entre les deux, tout l’espace plus ou moins relâché de la cohérence morale, cet espace, ce trait d’union (ou pas), par lesquels se trouvent mêlés, opposés, triturés ou au contraire confrontés, argumentés, et le plus souvent contenus, assumés en ce chaudron animal et humain, où bouillonne le brouet des pulsions, névroses, perversions et autres composantes psycho-sexuelles.

Mais là où la sexo-politique place au grand jour la dialectique délicate et souvent conflictuelles, voire délictuelle ou criminelle, des tensions entre l’individu et la société, la politique politicienne, au jour le jour et mesquine, esquive, comme à son habitude et s’époumone à justifier l’injustifiable. Par exemple, au nom du « talent artistique » qui absoudrait de tous les « péchés », fussent-ils juridiquement qualifiés de criminels. Ainsi Bernard Kouchner, ministre, déclarant à la télé à propos de Polanski : « C’est un peu sinistre, cette histoire franchement . Un homme d’un tel talent, reconnu dans le monde entier, reconnu surtout dans le pays qui l’arrête, tout ça n’est pas sympathique » (27/09/09). Ainsi Betty Nialet, l’éditrice du livre La Mauvaise vie : « L’accueil de la presse a été extraordinaire. Quand on le lisait dans le corps du texte, cela n’a choqué personne. Il a été reconnu comme un vrai écrivain avec ce livre-là » (Le Monde, 8/10/09).

D’où, une fois de plus, la cassure entre gouvernants et gouvernés, entre le haut et le bas d’une société encore plus antagoniste, entre ses arrogants de la rampe médiatique et leurs spectateurs impuissants, ballottés entre fascination béate et indignation outrée. Entre l’un qui naguère pérorait du côté de Gandrange et aujourd’hui l’évite soigneusement ; et l’autre, zélateur cathodique des Grands de ce monde et par ailleurs chasseur de minets en Thaïlande. Quel rapport ? Eh bien, une grande confusion dans les têtes, les corps, les cœurs. Une perte de valeurs et de repères, un manque profond dont souffre l’ensemble du corps social de nos sociétés en désarroi.

J’ai eu souvent à le citer, ce passage d’une lettre de Wilhelm Reich à son ami Alexander Neil (*) : « Ne vois-tu pas, mon vieux Neil, que tout ton édifice de respect libéral de la névrose s’écroule – qu’il ne faut pas confondre la réalité de l’homme pathologique avec le principe de la dignité humaine de Locke. L’humanité tout entière a été entraînée vers l’abîme à cause de cette sorte de confusion libérale… » Cette lettre date de 1955. C’était hier, c’est aujourd’hui.

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(*) Wilhelm Reich, psychanalyste autrichien, sociologue, médecin ; mort en 1957. Auteur, entre autres de La Révolution sexuelle, Psychologie de masse du fascisme, Écoute, petit homme ! Alexander Neil, pédagogue anglais, auteur de Libres enfants de Summerhill.

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