Onfray, Freud et les freudistes. Le crépuscule d’un débat religieux
[dropcap]Je[/dropcap] le dis tout net, je n’ai pas lu Le crépuscule d'une idole, l'affabulation freudienne de Michel Onfray, et n’aurai sans doute pas le temps, ni peut-être le désir de le faire avant que ne s’épuise la polémique galopante. J’ai tout de même envie d’en parler à plusieurs titres qui n’ont rien à voir avec tous ces patentés du grain de sel, dès lors qu’ils se disent psy-quelque chose, ou architectes, ou philosophes, écrivains, etc. Je m’en mêle seulement au titre du regardeur. De ce qui « me regarde ». Ou si on veut en tant que ce « voyeur du monde » qui pourrait définir le journaliste attentif, laborieux laboureur, interrogateur éventuel des inconscients individuels et collectifs forgeant ce qu’on nomme l’actualité, les événements…
Je m’interroge donc en particulier sur la polémique elle-même, sa durée, son ampleur, sa forme prenant le pas sur le fond, sa violence assassine – avec préméditation bien mûrie, rancie, vacharde. Je vois un type, heureusement costaud en apparence, jeté à terre, piétiné, insulté, crucifié, si j’ose dire. Et j’ose, vu que je voudrais ici causer de religion, d’hérésie, d’inquisition – toutes ces joyeusetés généralement accolées. Je me vois témoin assigné d’un procès en sorcellerie, c'est-à-dire non pas une simple cabale, une ordinaire bataille d’Hernani entre esthètes vindicatifs… Non, il s’agit bien d’un procès, qui plus est du type stalinien, ou inquisitoire, ce qui est tout comme, et par lequel un coupable destiné au bûcher – c’est décidé dès l’instruction – se trouve illico jeté aux flammes.
Autant de faits insupportables, relevant en fait du lynchage, qui m’amènent à tendre une main secourable – si tant est qu’elle soit utile à l’intéressé. Disons que ce geste m’est d’abord nécessaire, à moi-même, du double point de vue, intellectuel et moral.
De quel crime Onfray se trouve-t-il accusé et sous quels chefs d’inculpation ? – il ne s’agit déjà plus d’une « mise en examen ». Parce qu’il s’attaque à ce qui peut, après tout, être considéré sous l’angle du dogme religieux, sinon de la secte la plus fermée… Qu’on en discute ! Mais quoi ?, causer avec un « fou raisonnant », un « révisionniste », un « néo-paganiste antijudéochrétien », un « masturbateur », un « cancre », un « personnage douteux » « projetant sur l'objet haï (Freud) ses propres obsessions - les juifs, le sexe pervers, les complots » ?
Ces qualificatifs sont pour le moins inquiétants, émanant tous de freudiens – non, plutôt de freudistes, c'est-à-dire militants d’une cause menacée dans ses fondements.
Que Michel Onfray s’attaque aux religions en professant son athéisme, voilà qui peut pour le moins le rendre suspect ; mais après tout, les iconoclastes sont tolérés dans la maison du seigneur… Mais ici, ne s’agit-il pas, de s’en prendre à une science – quelle science, au fait ? quelle méthodologie scientifique ? – de mettre en cause des Évangiles et leur Messie. On peut bien dire du Christ – et on ne s’en est pas gêné, y compris pour le récupérer de manière schismatique –, que c’était un anarchiste aimant les femmes, et pourvu de multiples autres qualités bien humaines et bien ordinairement névrotiques… Mais envisager que Freud pût être un affreux réac, voire un collabo !…
Or, il semble admis par les freudistes que toutes ces « tares » du Père fondateur étaient avérées depuis belle lurette… Dès lors pourquoi en faire un casus belli et refuser le débat sur le fond de la psychanalyse ? Pourquoi ainsi pratiquer le déni historique et ne pas discuter sur l’hypothèse d’Onfray selon laquelle (Nietzsche n’est pas loin) toute doctrine ou théorie exprime la biographie même de son auteur. En un sens cela revient aussi à considérer tout bonnement que chacun – chaque être dans sa vérité – se trouve résulter de sa propre histoire vécue. Affirmation aussi banale que géniale – et dont on ne saurait dénier à Freud le mérite d’avoir su en explorer toute la complexité, en particulier dans le domaine de l’inconscient.
S’il est une critique que l’on se devrait de porter à l’encontre du freudisme d’aujourd’hui c’est encore et toujours celle de son absence d’implication sociale. Cette même critique de gauche qui avait provoqué des scissions dans le mouvement psychanalytique, dès sa naissance, à partir d’analyses sociales – celles qui donneront naissance au freudo-marxisme, avec l’école de Francfort, et plus encore avec un Wilhelm Reich s’opposant, entre autres, au concept de « pulsion de mort » – enfoncé par les freudistes de choc, sous l’accusation de « folie » – ce qui nous ramène à notre actualité.
Il m’est arrivé ici (ou pas loin) de reprocher à Onfray ce que j’ai appelé son côté « prêchi-prêcha » et parfois empêcher de réfléchir en paix, un peu le comble pour un accoucheur philosophique. Mais je lui accorde aussi bien des mérites, comme de secouer les torpeurs basiques dans lesquelles nos sociétés et nos êtres s’engloutissent. Ce qui s’avère hautement salutaire et donc si nécessaire dans nos sociétés de croyances néo-obscurantistes. Sa « très grande faute », à Michel Onfray, aurait peut-être été ici, sur ce terrain freudien, d’opposer à la psychanalyse des arguments objectivables, de type scientifique, qui pourrait prétendre remettre en cause tout effet de la cure analytique. Disons que personne n’en connaît tous les « mécanismes », éminemment subjectifs – même si une certaine méthodologie prétend tenir lieu de discipline. N’en va-t-il pas de même, par exemple, de l’homéopathie ? Elle apaise ou guérit certains maux, c’est un fait – effet placebo ou pas. Comme pour l’analyse, non ?
L’autre « faute » d’Onfray, tiendrait peut-être aussi de son approche des médias et des journalistes. Certes, ils semblent le chouchouter – c’est un bon « client » qui « passe bien » et « fait de l’audience », puisque polémique. Mais en même temps, les journalistes montrent vite leurs limites de « touche à tout » de l’écume événementielle. Ils doivent en ce domaine de la psyché, marcher sur des œufs… sans trop y entraver grand chose – pas davantage que leurs propres névroses, après tout. Donc, ils comptent les points et ne sont pas fâchés de voir cet Onfray mordre la poussière. Lui que, Le Monde 2 [2/4/2005] avait amené à déclarer à propos de journalistes justement :
• Pourquoi, selon vous, la bataille des idées est-elle à ce point aseptisée, normalisée ?
– Michel Onfray : « Je vais vous dire des choses désagréables. Il faudrait psychanalyser le métier de journaliste. C’est quand même une profession remplie de minables. Il y a des gens qui font bien leur boulot et qui considèrent qu’ils sont des passeurs… » Et caetera ici.
Je suis l’affaire depuis le début ! Je vais le lire, tu t’en doutes !!!!
On en reparle ensuite !
http://ks39417.kimsufi.com/spip.php?article216
à écouter…
Hum hum…
Mon impression personnelle (subjective, hâtive etc etc…) est que cette façon de s’attaquer non seulement à Freud (ce que je conçois) mais à la psychanalyse dans sa diversité et son ensemble est plus que suspecte.
Pendant longtemps j’ai bien aimé Onfray, mais depuis quelque temps je m’interroge à son sujet, je commence à trouver qu’il est un peu trop « médiatique » pour être complètement crédible, et j’ai cru remarquer quelques incohérences ou contradictions de sa part. J’avais vu le reportage d’Arte à son sujet. On l’y voyait conduire un cabriolet, il affirmait aimer la vitesse en voiture (il le revendiquait comme un certain droit au plaisir). Puis récemment je l’ai entendu à la radio affirmer (presque) le contraire (chez H Pochon). Ce qui donc m’interroge… D’autant plus de la part de quelqu’un qui a défendu une forme d’épicurisme (je dois avoir lu une bonne 1/2 douzaines de bouquins de M.O, sinon plus). Mais c’est vrai qu’à certains moments on n’est plus trop certain de piger ce qu’il défend : hédonisme, épicurisme (se contenter de peu) ou cynisme??? Diogène dans son tonneau, crachant sur les dieux ? (ce que fait Onfray sur « l’idole » Freud, certes …)
Mais bref.
En ce qui concerne la psychanalyse, peu me chaut que son « inventeur » ait été ceci ou cela.
Je n’en fais pas une religion.
Je n’ai jamais eu affaire à un analyste, mais je pense que la démarche peut souvent être intéressante.
Comme on peut aussi tomber sur un(e) incompétent(e)…
Ce qui m’inquiète dans la polémique actuelle (qui a commencé avec le « Livre noir… »), c’est que sous couvert de déboulonner des statues (*), on risque de faire le jeu de courants de pensée qui sont largement aussi dangereux, voire bien plus que ce qu’on reproche à la psychanalyse. Les comportementalistes et autres psys anti-freudiens maniant tout un tas de molécules.… Se réclamant uniquement de la biologie et de la chimie du cerveau.
Mais c’est l’histoire de l’oeuf et la poule : sont-ce les blessures de l’histoire personnelle qui dérèglent la subtile chimie cérébrale, ou le contraire ?
Il me semble qu’une psychanalyse intelligemment accompagnée émancipe, et je n’en dirais pas autant de certaines formes de médecine visant à « normaliser » les gens en souffrance.
A part ça, sur l’homéopathie, je faisais partie de ceux qui, bien que l’ayant sporadiquement utilisée, avaient quelques doutes.
Or, samedi ou dimanche dernier, j’entends Montagnier affirmer que les théories de Benveniste sur la mémoire de l’eau sont en train d’être réhabilitées, que c’est honteux de l’avoir traité de tricheur.
Puis cette semaine sur France O, dans un reportage (L’eau du diable) au Bangladesh, un médecin affirme que la prise d’arsenicum album en homéopathie augmente l’élimination de l’arsenic par les patients dont les organes n’ont pas franchi un certain seuil de contamination (ceux à qui on a administré un placebo n’excrètent pas l’arsenic qui les a contaminés).
Alors je me dis « Tiens!!! Tiens… »
Bon, tout ça « pour dire » que dans toutes polémiques qui prennent des allures de « guerre », les adversaires sont capables de se déconsidérer eux-mêmes.
L’excès de passion ne convient pas à la progression du savoir.
Dominique (libertaire)
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(*) A propos de « déboulonnage » : le discrédit jeté sur le prétendu « communisme » représenté par l’ex-URSS stalinien a conduit à suspecter toute forme de « socialisme », et à idolâtrer le « libéralisme ». On est en train de voir où ça nous conduit…
ton article est le plus « intelligent », vraiment
merci,
j’espère que tu mets ton talent d’écrivain au service de la « société »!!!!!
tu signes « libertaire » et cela me fait un grand plaisir
, j’ai souffert d’inceste dans mon enfance et ce n’est que vers 40 ans que la souffrance est revenue, insupportable souffrance
que faire ?
quelle solution avais je ?
j’ai mis ma moitié de ma paie dans la psychanalyse, (je suis ouvrière) j’ai vécu en caravane, j’ai tout lâché, tout abandonné, travaillé 10 ans avec un psy compétent (spp)et 3 séances par semaine, gros boulot
j’en ai rien à cirer de Freud personnellement : peut on s’acharner sur le fondateur de la médecine actuelle qui est ambroise paré ? la médecine actuelle n’a plus rien à voir avec celle d’ambroise paré, comme la psychanalyse de Freud !!!! onfray le sait t’il ?
actuellement, Freud ne serait même plus accepté à la spp!!
de plus,
un plombier s’occupe t’il d’électricité ?
onfray a lu Freud en 6 mois, est t’il compétent ? lui qui n’est pas psychanalyse
Allegre qui n’est pas climatologue , écrit sur le climat
onfray qui n’est pas psychanalyste , écrit sur la psychanalyse…
le livre noir de la psychanalyse, c’est pareil, aucun psychanalyste ne s’est joint à ces psychiatres (qui n’ont pratiquement aucune formation en psychanalyse.…
onfray a écrit de curieuse textes dans siné hebdo, il est pro ogm mais soutenait josé bové, puis besancenot, puis parti de gauche tout en se disant libertaire…
il est pas net du tout
je me rappelle d’un texte sur le viol des femmes sur les hommes… qui ne tenait pas debout ! ceci dit, la connaissance n’amène pas forcément à l’intelligence, cela se saurait.
il devrait entamer une psychanalyse, il a le pognon pour ca mais sans doute aucun courage
car une bagnole cabriolet est aussi chère qu’une psychanalyse et moi j’en ai rien à cirer des bagnoles
La fausse équation serait psychanalyse = Freud, ce que Onfray montre bien en re-situant la psy. dans l’histoire des idées et l’Histoire tout court, et surtout dans la biographie de Freud. Où l’on voit la construction d’une « théorie » pour lui servir de marche-pied à ses propres desseins, tout autant que de faux-nez pour masquer ses propres névroses (gratinées par rapport à la « moyenne ») et ses ambitions narcissiques extrêmes passant par les concomitants désirs d’argent, de puissance, de reconnaissance. Il fallut, pour cela, qu’il développât tout une stratégie frauduleuse – freuduleuse…
On peut, comme toi, émettre quelques réserves sur Onfray, qui ne saurait en effet se draper dans une quelconque pureté. Lui pas plus que tout un chacun, toi, moi… Et comme tout un chacun, toi, moi… il peut bien émettre des critiques sur la psy. sans être psychanalyste lui-même. De même qu’être psy. ne délivre par d’autorité un brevet de critique sur la psy. ou sur sa propre pratique. Au contraire même puisque il est particulièrement délicat, voire impossible, de s’extraire de son propre domaine et de se placer en position « haute » (prendre de la hauteur). Ça vaut aussi bien pour le plombier. De même que, à ce propos, et alors que je ne suis pas plombier, je peux bien m’autoriser une critique (évaluation, suggestions, etc.) sur le travail du plombier venu opérer sur ma tuyauterie. A mon avis, la critique externe a tout autant de valeur que l’interne, et souvent plus de pertinence du fait même de son extériorité. On peut aussi, il est vrai, s’interroger sur la légitimité scientifique d’un José Bové à propos des OGM.
Salut,
Je suis assez d” accord sur le fait qu” Onfray s’est littéralement fait lyncher pour oser avoir toucher à une sorte d” icône devenue pour le coup intouchable : Freud. Après on peut tout de même se demander connaissant notre cher philosophe habitué aux best seller et suffisament habile pour créer le buzz si sa démarche n’était pas plus mercantile que polémique…
Quoi qu’il en soit je trouve toujours intéressant quelqu’un qui ose mettre les pieds dans le plat mais pour avoir lu son interview pour la sortie de son bouquin dans Libé je lui reproche franchement de s’attaquer beaucoup plus à la personne qu’à la pensée freudienne.
J’ai eu un peu l’impression d’un enfant qui a idolâtré Freud et qui découvre du jour au lendemain que ce n’est pas un saint mais un homme tout simplement.
Doit-on remettre en cause la qualité littéraire de « Voyage au bout de la nuit » parceque Céline était loin d’être un Saint ?
J’annonce la parution aux éditions ILV-Edition de mon ouvrage en réponse à M. Onfray : Critique du Crépuscule d’une idole de M. Onfray.
Voici la présentation de l’ouvrage :
Après quelques jours de la parution du Crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne de M. Onfray, Serafino Malaguarnera (psychologue clinicien et psychanalyste, auteur de plusieurs écrits et ouvrages), a réagi avec deux vidéos où il a présenté une critique serrée de ce brûlot. Après quelques semaines, Serafino Malaguarnera nous propose un ouvrage (paru aux éditions ILV-Edition), conçu comme une partition en quatre mouvements, qui démantèle d’une manière plus articulée, systématique et serrée l’ouvrage de M. Onfray. Dans le prélude, l’auteur nous situe, avec un peu d’humour, le Crépuscule d’une idole sur un axe historique et critique sous forme allégorique. Dans le premier et deuxième temps, les points majeurs des critiques qui lui ont été avancés sont déployés avec précision. Dans le troisième temps, l’auteur nous offre un commentaire critique sous forme de dialogue, percutant, serré, facile à lire des thèses sur lesquelles est bâti le Crépuscule d’une idole et des quatre premiers chapitres. En évitant toute démarche ad hominem, Serafino Malaguarnera préfère empoigner les outils propres à l’argumentation : la logique et la dialectique.
C’est aux tenant de l’homéopathie et de la psychanalyse que je veux dire leurs faits : ils ne doivent point changer de doctrines mais seulement donner l’exemple en se soignant exclusivement par homéopathie et psychanalyse en cas de maladie grave et ainsi… devenir à coup sûr muets !
Ainsi ai-je eu le dernier mot face à nombre de mes adversaires…