Leçon de journalisme de Pflimlin. Ou qui dégoise le jeudi, dimanche repentira
Rémy Pfimlin n’a pas encore appris à bien tourner (sept fois au minimum) sa langue dans sa bouche avant de lâcher ce qu’il se voit ensuite obligé de qualifier de « maladresse ». Normal, il est encore jeune dans la fonction de PDG de France-Télévisions adoubé par qui l’on sait. Sa rondeur de bouille présente encore quelques aspérités que l’école du pouvoir ne saurait tarder à lisser.
Ainsi, qui dégoise le jeudi, dimanche repentira… Devant le Club de la presse de Strasbourg (sa région d’origine où il a dirigé le quotidien mulhousien L’Alsace), Pflmilin (neveu de Pierre, l’ancien président du Conseil et maire de Strasbourg que le Canard enchaîné surnommait « Petite prune » – ce que veut dire pflimin en alsacien…) envoie sa charge contre Médiapart. Si France-Télévisions avait traité de l’affaire Woerth-Bettencourt, elle l’aurait fait, a crânement avancé le PDG « probablement de façon plus sérieuse et moins émotionnelle, moins manipulatrice et moins publicitaire ». Car Mediapart n’est "pas l'exemple à suivre". Et de dénoncer des "dérives à la Big Brother". "France Télévisions, a-t-il martelé, a une responsabilité importante et on ne peut pas se permettre de sortir des informations qui sont démenties le lendemain, de manipuler impunément". Voilà qui n’a pas manqué d’émouvoir le landerneau journalistique, tout particulièrement à France-Télévisions et encore plus à France 2 et France 3. Ces rédactions seront appelées à éprouver les conceptions du métier d’informer telles qu'esquissées a contrario par leur nouveau patron. L' "exemple à suivre" n'étant pas celui de Mediapart, que comprendre quand Pflimlin définit comment le groupe audiovisuel public devait fournir une "information de référence", "indépendante" et "recoupée"?
Big Brother Rémy s’est aventuré un peu loin hors de ses plates-bandes. S'étant permis de sortir des mots à démentir le lendemain… Le PDG des chaînes publiques dut donc en appeler au baume de la repentance privée pour bafouiller quelques piteux arguments dans le Journal du dimanche. En fait, il assure n'avoir "pas parlé pour attaquer" Mediapart, ayant avant tout voulu "défendre les rédactions de France Télévisions". "J'ai beaucoup d'estime pour les rédactions professionnelles. Mais j'ai critiqué les sites qui ne sont pas faits par des journalistes et ne vérifient pas leurs informations", a blablaté le Pflimlin emberlificoté dans le plus plat des lieux communs.
Maladresse, certes, que d’avancer en public des propos aussi spontanés ; désormais le nouveau patron des télés publiques s’y reprendra à plusieurs fois avant d’exprimer le fond de sa pensée. Mais comme on dit, c’est le premier pas qui compte. Ou encore, c’est le premier geste qui coûte.
La Société des journalistes (SDJ) de Mediapart a dénoncé des propos "diffamatoires, rappelant que « la justice a (...) validé le travail éditorial de Mediapart dans l'affaire Bettencourt, jugeant que nos révélations relevaient de 'l'intérêt public' et de 'l'information légitime' des citoyens". Les SDJ de France 2 et de France 3 se sont "désolidarisées" des propos de leur nouveau patron. "On est très surpris par ces accusations de manipulation, d'autant que les antennes de France Télévisions ont beaucoup repris les informations de Mediapart" sur cette affaire, a ajouté Yann Fossurier pour la SDJ de France 3. Les syndicats ont aussi protesté et exprimé leur inquiétude quant à l’indépendance des rédactions concernées.
On en revient à la sempiternelle question de l'indépendance des médias et des journalistes à l'égard des pouvoirs – celui de la politique et de l'argent. Le ravi de la crèche gouvernementale, Frédéric Mitterrand et néanmoins ministre de la culture (et de la communication, certes, comme il se targue de rajouter) s'est empressé de jouer les effarouchés à rebours au sujet de l'éventuel – et probable – rachat du Parisien par Serge Dassault, sénateur UMP et grand pote de Sarkozy : "Aucun gouvernement, a-t-il claironné, n'a donné autant de gages sur le respect du pluralisme de la presse [sic]. Ce n'est pas parce que l'on possède un journal que sa rédaction écrit ce que l'on voudrait y lire". La preuve, il n'y a qu'à lire Le Figaro ! Et qu'à considérer l'empressement des uns et des autres à prendre le contrôle des médias dominants genre Le Monde et Le Parisien, les grandes télés et radios en passant par l'Agence France presse.
ça sent le cramé pour le petit. Les Pflimlin, Dassault et compagnie auront beau sortir la brosse à reluire, c’est râpé. Au fait, juste un test. Achetez-vous encore des journaux ? les lisez-vous ? Qui autour de vous est abonné à un truc ? À part mes potes journalistes, c’est nada ! On picore sur le net, on fait dans le transversal, on papillonne, on se rassure, on se ressemble et s’assemble et basta.
Oui, à la maison nous lisons Politis, le Diplo, Fakir.
Et nous sommes abonnés à Mediapart!! Na !
Que pouvons nous attendre de plus d’un directeur nommé par le président de la république dans une affaire mettant en cause les relations perverses du monde de la finance et celle de la politique ?
Il est clair pour moi que l’information donnée dans l’audiovisuel public est bâillonnée par le pouvoir, que ce soit à la radio, malgré la qualité des journaux de France Culture ou France Musique que j’écoute, et maintenant à la télévision publique que je ne regardais plus de toutes façons depuis plusieurs années pour cause de manque de rigueur.
Franchement, il me semble que c’est désobligeant de mettre les journalistes de France Culture dans le même sac que les autres (France musique, je ne sais pas, je n’écoute plus : trop de paroles et pas assez de musique).
Il me semble que les infos de France Culture mettent très souvent le doigt là où ça fait mal à « Machin », et d’une façon parfaitement argumentée, donc me font du bien.
Je ne suis pas convaincu que cette charge contre Mediapart corresponde au « fond de la pensée » de M. Pfmilin, pas plus évidemment que ses affirmations sur la « déontologie » qui doit régner à France Télévisions. La déontologie, cette vaseline dont on ne m’a jamais donné vraiment la composition.
Le fond de sa pensée, à mon avis, c’est qu’il a été nommé par « l’actionnaire », comme dit l’autre, et que sa mission essentielle est de modérer les ardeurs des journalistes trop entreprenants et pas assez virtuoses de l’encensoir.
Ceci dit, je suis assez réservé également sur ces sites qui ouvrent la porte à toutes les contributions, de préférence bien racoleuses et aptes a susciter les 350 clics d’un pseudo débat fait essentiellement d’invectives et de noms d’oiseaux, ce qui n’est évidemment pas de cas pour Mediapart…ni « C’est pour dire » !
Puisque la plume, jadis, guidait le temps
et que les médias du jour donnent des écrans
Et puisque la branche à l’air donne l’oiseau
… portons nos pas hors champs !