Côte d’Ivoire. Pour Jean-François Probst, « Gbagbo est plus proche de Mandela que de Mugabe »
Contrepoint sur la situation en Côte d’Ivoire pour ne pas emboucher les trompettes dominantes. Ce changement de refrain vient d’un certain Jean-François Probst, ancien bras droit de Jacques Chirac, franc-parleur et connaisseur de l’Afrique à sa façon. Après une carrière politique (il a notamment été conseiller de Jérôme Monod au RPR, secrétaire général du groupe RPR au Sénat, conseiller d’Alain Juppé et directeur de la communication de la Mairie de Paris pour Jean Tibéri…), il est aujourd’hui consultant international en communication et conseille des chefs d’entreprise, des politiques et des chefs d’État africains. On lui doit aussi des chroniques vidéo sur le site d'informations politiques en ligne Bakchich. Il était l'invité de Yannick Urrien le 21 décembre sur Kernews, une radio locale de droite qui émet en Loire-Atlantique. Il est bon de changer de point d’observation et les propos (choisis) de Jean-François Probst ne manquent pas de décapant, ce qui est salutaire quand il s’agit de ne pas sombrer dans le manichéisme si facillement rassurant.
Kernews : Pour quelles raisons le gaulliste que vous êtes estime-t-il que nos compatriotes, particulièrement ceux qui sont attachés aux souverainetés nationales, doivent s’intéresser aux événements de Côte d’Ivoire qui, selon vous, marqueront l’histoire de l’Afrique ?
Jean-François Probst : Pour comprendre ce qui se joue aujourd'hui, il faut se reporter à la fin de la IVe République. Les socialistes n'arrivaient pas se dépêtrer des affaires coloniales et c'est là que le général De Gaulle a joué un coup majeur, pour l'intérêt supérieur de la France et des Africains : il a octroyé par référendum à chaque pays la possibilité de devenir indépendant et souverain. La base de l'indépendance nationale lorsque l'on est gaulliste, c’est le 18 juin 1940. C'est le refus de l'occupant, c'est le refus de la collaboration avec l'ennemi, c'est la capacité, malgré la difficulté, à résister. En Côte d'Ivoire, la flamme d'une résistance générale, contre les colonisateurs, les anciens colonisateurs ou les nouveaux colonisateurs que sont les États-Unis, la Chine ou l'Inde, cela existe. Dans le monde entier, des centaines de milliers de jeunes gens s'informent et voient bien qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Ce qui ne fonctionne pas, c'est un point très cher à la doctrine du général De Gaulle : l'organisation des Nations Unies, «le machin» comme l'appelait le général. C'est une organisation qui n'a pas lieu de s'ingérer dans les affaires intérieures d'un pays pour régler ou annoncer les choses à sa manière. Dans ce qui se passe, la responsabilité de l'ONU est patente. Les Nations Unies ne font pas respecter leurs résolutions de manière générale, que ce soit en Israël, en Iran ou au Kosovo après les trafics d'organes…
En Côte d'Ivoire, les Nations Unies n'ont pas fait leur travail pour organiser une élection dans un pays qui a connu une dizaine d'années de crise. Monsieur Gbagbo a été élu en 2000. Il n'est pas arrivé du ciel, il n'est pas seulement un homme un peu socialiste soutenu par les socialistes français. C'est un Ivoirien qui a souffert dans le passé en tant qu’opposant et c'est d'ailleurs Monsieur Ouattara qui l’avait mis en prison quand il était premier ministre de Monsieur Houphouët-Boigny. Pour revenir à ce qui nous préoccupe, les Nations Unies auraient dû organiser des élections incontestables. Or, ce qui vient de se passer montre que rien n'était prêt : les listes électorales n'étaient ni faites ni à faire, on a vu 20 000 électeurs supplémentaires par rapport aux inscrits dans le nord où Ouattara et Soro ont été des rebelles à l'élection... Il y a eu des fraudes, tricheries et truandages... Le délégué des Nations Unies en Côte d'Ivoire, Monsieur Choi, a, à mon avis, une technique coréenne qui n'a rien à voir avec la démocratie moderne. S'il souhaite par la suite qu'il y ait deux Côte d'Ivoire, comme il y a deux Corée depuis 70 ans, c'est son affaire…
Mais en Afrique, on est en Afrique, on n’est pas en Asie ! Il y a 15 000 Français en Côte d'Ivoire et ils ne doivent pas subir les effets de la carence, de l'incompétence de l'ONU dans l'organisation d'élections. On voit bien qu'il y a eu beaucoup de fraudes. On me dit qu'il y en a eu des deux côtés. Probablement, mais je vois les cinq régions dans lesquelles certains bureaux de vote sont quasiment à 95% pour Monsieur Ouattara... Il y a eu des empêchements de voter, des violences, des viols et on m'a même raconté que dans certains villages, les amis de Messieurs Ouattara et Soro y allaient à l’arme pour intimider les gens et même parfois les tuer. Les Nations Unies ne peuvent pas fermer les yeux sur de telles affaires. Monsieur Choi n'a pas fait son travail dans le nord… Est-ce que cela exonère pour autant le président Gbagbo et son équipe de tous les défauts ? Sûrement pas, mais ce n'est pas à nous, gens de l'extérieur et prétendument de la communauté internationale, de nous ingérer dans les affaires de la Côte d'Ivoire… La Côte d'Ivoire n'est pas un pays qui est appelé à vivre en guerre civile. C'est un pays que je connais depuis 1969, c'est un pays gaulliste et houphouëtiste dans son cœur et dans ses tripes, c'est un pays uni et rassemblé avec de nombreuses ethnies et des étrangers. Et voilà que les Nations Unies, au lieu d'installer et de préserver la paix, viennent de sécréter la guerre. Je dis que Monsieur Ban Ki-Moon et Monsieur Choi vont avoir très mauvaise conscience et du sang sur les mains.
Pourquoi l’ONU a-t-elle fermé les yeux sur les fraudes dans le nord et pourquoi soutient-on Monsieur Ouattara à Washington en lui attribuant cette victoire ?
Avant de parler des États-Unis, de Monsieur Obama, de Washington et de la CIA, finissons de parler des Nations Unies et de leur rôle. Je crois qu'il y a beaucoup de soldats dans les chars marqués UN. Il y a beaucoup de fonctionnaires et de bureaucrates et, d'après des témoins sur le terrain, on n'a pas vu beaucoup d'observateurs dans les bureaux de vote des cinq régions du nord où il y a eu toutes ces fraudes. Là où l'ONU a encore un rôle encore plus critiquable, c'est que le président de cette fameuse commission électorale indépendante - qui, en réalité, n'avait d’indépendante que le nom - Monsieur Bakayoko, à peine avait-il quelques résultats partiels, s’est enfui à l'Hôtel du Golf… Tout cela est une farce ! Les Nations Unies couvrent cette ouattaresque pantalonnade et c'est très grave ! Cela s'apparente à un vol et un cambriolage de voix d’Ivoiriens par Monsieur Ouattara, malheureusement téléguidé par l'extérieur…
Vous avez évoqué la CIA…
De mon point de vue, et du point de vue de certains observateurs avertis et connaissant bien les affaires ivoiriennes, il est évident que depuis longtemps la CIA téléguide avec quelques longues cornes, et assez facilement semble-t-il, le couple Alassane et Dominique Ouattara… Les rebelles du nord sont manipulés de l'extérieur, et pas seulement par l'islam avec Al Qaïda, des islamistes du nord de l'Afrique qui voudraient bien pousser jusqu'au sud. Tout cela est un imbroglio dans lequel les États-Unis nagent comme d'habitude à contre-courant. Ils ont engendré beaucoup de guerres et beaucoup de conflits civils, avec de nombreux morts dans de nombreux pays où il y a du diamant, de l'uranium, de l’or, du pétrole et d'autres richesses… Tout le monde fait la danse du ventre autour de la Côte d'Ivoire, mais les États-Unis, avec leurs manières lourdingues et obamesques, un peu comme Bush le faisait en Irak, arrivent à entraîner derrière eux des petits satellites ou des vassaux.
Malheureusement pour mon beau pays de France, que le général De Gaulle avait fait sortir du commandement intégré de l'OTAN, le président Sarkozy a réintégré l'OTAN. Le président Sarkozy est à la traîne des États-Unis et la France est un wagon de queue de la grosse locomotive américaine… Les USA voudraient le Maroc, la Mauritanie, le Sénégal, la Guinée, le Mali, le Niger et cette Haute-Volta, devenue Burkinabè, qui veut percer vers le sud jusqu’à Yamoussokro pour, disent-ils, transformer la basilique Houphouët-Boigny de Yamoussoukro en mosquée. Obama, comme Sarkozy, c'est un peu une marionnette entre les mains du complexe militaro-industriel américain et des grandes multinationales de l'agroalimentaire qui font ces barres chocolatées qui rendent obèses tous les enfants du monde.
Cette action américaine me fait retourner un peu en arrière, au moment de la mort du président Houphouët-Boigny. La France avait déjà cette espèce de difficulté à être ensemble de façon gaullienne pour reconnaître les bienfaits et les défauts de la politique d'Houphouët. Mais Houphouët a dû gérer un pays après l'indépendance, il a commis sûrement des erreurs. Il a sûrement commis celle de mettre dans le même marigot Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara, qu'il a nommé premier ministre pendant que sa femme, Dominique, jouait un rôle semble-t-il bizarre à Abidjan et à Yamoussoukro. À la mort d'Houphouët, dans l'avion qui emmenait les autorités, Chirac ne parlait quasiment plus à Balladur... Messmer l'Africain représentait un peu l'autrefois. Il était difficile pour ces gens-là de se parler, même pour Mitterrand qui était carrément attaché aux années 40-50, pour ne pas dire à Vichy puisqu'il y avait carrément reçu la francisque... Le seul en France, socialiste d'ailleurs, qui avait une vision de l'avenir, c'était Gaston Defferre.
Aujourd'hui, le président Sarkozy n'a aucune compétence dans le domaine de l'Afrique. Il l’a d'ailleurs démontré par deux stupides discours : celui de Dakar, qui était à la fois raciste et précolonial, et celui de Pretoria, que je viens de relire, dans lequel il annonçait que la France retirait toutes ses bases et tous ses militaires… Aujourd'hui, ce qu'il reste à faire à Monsieur Alain Juppé et à Madame Alliot-Marie, c'est conseiller au président Sarkozy de tenir son engagement : retirer les troupes françaises et pas à cause des élections cafouilleuses de Côte d'Ivoire, mais parce que nous allons vers un monde nouveau, vers la communauté de destin de 53 pays d'Afrique : 1 milliard d'habitants et pas seulement le petit Gabon, dont ne s’occupent que les Balkany, les Bourgi ou les Guéant... Nicolas Sarkozy pourra de façon grossière et indécente s'agiter, vociférer, s'ingérer dans les affaires intérieures de la Côte d'Ivoire, mais il n'aura que des réponses cinglantes des Ivoiriens qui lui répondront que la Côte d'Ivoire n'est pas une sous-préfecture française. Donc, de grâce, que les Américains, que la France de Monsieur Sarkozy, que l'Europe de Messieurs Baroso et Van Rompuy, se calment et s'abstiennent de commentaires vasouilleux et menaçants… Pendant ce temps, Monsieur Netanyahou n'a que faire des recommandations des Nations Unies et Monsieur Ahmadinejad s'assoit sur les recommandations des Nations Unies et de Monsieur Obama…
Sommes-nous en train de vivre un cas de manipulation médiatique mondiale comme ce fut le cas avec l’Irak ?
Incontestablement. Il y a intoxication des lecteurs, auditeurs et téléspectateurs sur la situation qui prévaut à Abidjan et en Côte d'Ivoire. Bien sûr, il y a la responsabilité des journalistes, dont certains ne connaissent rien à la réalité ivoirienne : c'est le cas de Monsieur Jean-Michel Apathie qui s'est fait moucher par un artiste africain… Mon cher Yannick Urrien, je suis né en 1949, j'ai travaillé dans la politique, et des manipulations, il y en a eu plus d'une... D'abord, il y a un grand nombre de monopoles de journaux qui sont tenus par des marchands de canons, des marchands d'avions, des marchands de caleçons ou de béton…
Mais c'est aussi vieux que le monde, la manipulation, l'intoxication, c'est aussi vieux que la politique étrangère… Mais cela n'a jamais été aussi accéléré qu'aujourd'hui, parce qu'il y a les médias et surtout Internet, avec les révélations de Wikileaks qui sont tout-à-fait extraordinaires ! Donc, on peut mentir à la population mondiale une fois, comme disait Abraham Lincoln, mais on ne peut pas mentir à tout le monde tout le temps. Par conséquent, les États-Unis, qui sont un géant aux pieds d'argile, feraient mieux de réfléchir plusieurs fois avant d'installer la guerre dans des endroits où ils finiront, comme partout, par être rejetés…
Ce qui se passe en Côte d'Ivoire, ce n'est pas seulement de l'intoxication et de la désinformation, ce n'est pas simplement l'instrumentalisation d'un gars comme Ouattara pour mettre le pied dans la porte des richesses. La nouvelle guerre qui se tient maintenant dans tous les coins du monde, c'est celle entre les États-Unis d'Amérique et la République populaire de Chine. L'Afrique de l'Ouest sera l'eldorado des vingt prochaines années dans le monde et, si nous ne comprenons pas que nous avons le devoir, même cynique, d'un rapport Nord-Sud intelligent, il vaut mieux que nous allions nous coucher et la France deviendra un espèce de vaste musée où l'on viendra voir les statues de cire de Monsieur Sarkozy, de Madame Dati ou de Monsieur Delanoë au musée Grévin…
Il faut aussi que les journalistes, comme Monsieur Elkabbach, arrêtent de prendre les élites africaines pour des petits «négros Banania»… Cela dépasse l'entendement ! Je viens de réécouter l'interview par Monsieur Elkabbach de Monsieur Pierre Kipré, brillant ambassadeur de la République de Côte d'Ivoire en France, et je me demande s'il ne serait pas temps que les Duhamel, Apathie et Elkabbach aillent directement à la maison des vieux artistes de Ris-Orangis ! On sent l’incompétence, l'arrogance et presque l'injure.
Cela rejoint ce que pensent de nombreux Français de Nicolas Sarkozy. Ce garçon a trop tété le biberon de Charles Pasqua et il est le roi de la rodomontade. La politique étrangère, cela nécessite du calme, de la hauteur de vue et de la discussion. Je recommande aussi à nos reporters de France Info et d'ailleurs, d'arrêter de camper dans des halls d'hôtel et de lire des papiers qui leur sont confiés par je ne sais qui à l'ambassade de France ou par d'autres officines…
Je suis très peiné pour mon pays, parce que l'on disait la France fille aînée de l'église et la Côte d'Ivoire petite sœur de la France. Les Ivoiriens et nous, nous étions faits pour nous aimer et nous entendre. À Abidjan, il y a quelque chose d'un peu marseillais et en France il y a quelque chose de très ivoirien, ce goût de l'indépendance, de la liberté de la souveraineté et de la rébellion. Ne négligeons pas le fait que 60% des Ivoiriens ont moins de 20 ans. Ne négligeons pas que, comme les gaullistes de la Résistance, ils ont envie de s'opposer aux colonisateurs et au totalitarisme…
Seulement, les Chinois ont une diplomatie un peu plus intelligente que la nôtre… Actuellement, ce n'est pas difficile, parce que des crétins gèrent notre approche française de l'Afrique… L’ONU n’a pas été capable de préparer et de contrôler convenablement ces élections et je les entends dire, dans le camp Ouattara de l’Hôtel du Golf, que le Conseil constitutionnel est à la solde du président Gbagbo. Mais ils sont injurieux ! Est-ce que Monsieur Louis Joxe était à la solde de De Gaulle ? Est-ce que Monsieur Roger Frey était à la solde de Pompidou ? Est-ce que Monsieur Roland Dumas était à la solde de Mitterrand ? Est-ce que Monsieur Jean-Louis Debré était à la solde de Chirac ou à la solde du président Sarkozy ? Les journalistes, prétendus spécialistes de l'Afrique, qui essaient de faire passer Gbagbo pour Mugabe se trompent : je crois que Gbagbo est plus proche de Mandela que de Mugabe.
Ouf.…Il est assez piquant d’entendre un responsable de communication de chefs d’états africains parler d’intoxication à propos de la Cote d’Ivoire quand son propre métier consiste à bidonner l’image de futurs présidentiables ou chefs d’entreprises… il doit faire partie de ceux qu’Antoine Glaser nommait l’autre jours “les sorciers blancs” qui ont fait croire à Gbagbo que la partie était gagnée en lui conseillant d’accepter d’aller aux élections.
Ben oui faut bien vendre sa soupe sans craindre le ridicule. Pas sûr que Mandela appréciera la comparaison o¨combien “flatteuse” de ce conseiller en com… On peut conseiller à Mr Probst la Biélorussie de Loukachenko pour continuer à exercer son exercice d’émancipation des peuples !
J’avais naguère, un soir, zappé sur une émission de débat. Deux Noirs faisaient valoir que la seule autorité ayant pouvoir de déclarer qui était l’élu était, constitutionnellement, la cour suprême (je ne suis pas sûr, mais en tout cas pas la commission indépendante de l’ONU). Ils ont aussi évoqué les troubles dans le nord, qui n’était pas garants d’une élection démocratique de M. Ouatarra.
Puis le débat s’est orienté vers d’autres sujets, je n’avais pas vu le début, j’ai zappé à nouveau.
Mais j’avais déjà du mal à prendre la défense d’un ancien patron du FMI. Leur intervention ne turlupine depuis.
P.S. Pas la cour suprême, le conseil constitutionnel.
Hum ! J’éviterais de prendre ce vieux politicard de Probst comme maître à penser … Il ne dit pas que des conneries, certes, et il est clair que Ouattara est l’homme des Ricains et de la finance internationale. De là à défendre Gbagbo, aux mains pleines de sang, et à le comparer à Mandela, hola !
France 2 vient de diffuser en deux parties un documentaire intitulé « La France-Afrique ». Premier épisode : « La raison d’Etat ». Deuxième épisode : « L’argent roi ».
Une seule préoccupation depuis l’indépendance : maintenir la stabilité afin de pouvoir continuer à exploiter les matières premières de ces pays, donc les pays eux-mêmes. Plaque tournante de ce trafic, Elf, puis maintenant Total et quelques autres grands groupes.
Depuis les indépendances tous les chefs d’Etat de la France-Afrique ont été choisis par la France et élus grâce à des financements occultes (avec évidemment des rétro financements ici et là). Des personnalités en postes officiels et des honorables correspondants en parlent clairement avec un certain cynisme.
La surenchère internationale fait que maintenant les rôles sont un peu inversés et que certains chefs d’Etat africains réfutent ou adoubent les ministres français (cf Jean-Pierre Cot/Bongo)avec la bénédiction de Nicolas le petit qui devait instaurer de nouvelles relations avec le continent noir. D’une certaine façon il l’a fait !
Si on veut parler clairement des problèmes de l’Afrique on pose la première pierre : l’argent, puis on décline ! Probst affiche une théorie rejetant toute la responsabilité de la situation actuelle sur la communauté internationale, la CIA et « le fourbe » Ouattara. C’est quand même gonflé de venir parler de magouille électorale maintenant que la France n’en est plus l’organisatrice et alors que ça a toujours été la règle de ces pseudo démocraties. Il habille tout cela d’un sentimentalisme grotesque (« petite soeur de la France », ça fait un peu penser au bouffon Bokassa pleurant « son papa » à Colombey).
Il manque la seule vérité, le postulat de base de toute la politique africaine de la France : le pognon et la corruption organisée. Mais c’est peut-être sous-entendu quand Probst dit : « …en France, il y a quelque chose de très Ivoirien ».
Une fois de plus, les médias dominants manipulent l’opinion française. Ce que dit Monsieur Probst n’est rien d’autre que le déni de la démocratie par les politiciens élus par leurs peuples. Le rôle de l’AFP dans cette manipulation de l’opinion française est majeur, et ce n’est pas pour rien que son directeur est un proche du pouvoir.
Pauvres ivoiriens qui vont se faire massacrer au nom d’un homme de pouvoir (Gbagbo ou Ouattara), qui n’est lui qu’une marionnette au service des intérêts d’autres nations ou de multinationales.
Etonnant ce déchainement international contre Gbagbo ! Ni Israel, ni l’Iran, ni Madagascar (oubliée de tous), ni le Rwanda de Kagamé (récemment accusé de crime contre l’humanité en RDC) n’ont eu droit à un pareil traitement.
Qu’est-ce qui peut expliquer cette prise de position massive contre Gbagbo ? Le résultat de l’élection ? Il est rien moins que clair. La personnalité des deux présidents ? Ils se valent : tous deux sont prêts à jeter leur pays dans la guerre civile pour satisfaire leur ego personnel. La françafrique ? Bof, même si Gbagbo aime jouer de l’anticolonialisme indigné, il n’a jamais vraiment rompu avec la France ni empêché les affaires avec elle, ni avec d’autres pays, y compris US, bien au contraire ! La « future guerre américano-chinoise » ? Ouais, ou bien encore un coup des petits martiens verts ?
Plus probablement, c’est la prise de position unilatérale de Mr Choi, l’impétueux délégué coréen de l’ONU, qui a déclenché tout ce bordel. Ban Ki Moon, qui n’est pas au fait des problèmes ivoiriens, a normalement suivi son délégué. Les US ont suivi l’ONU. La CEDEAO a suivi son bailleur de fond US. Sarko, qui n’aime pas Gbagbo, a lui aussi soutenu la « légalité » onusienne. Idem pour l’Europe. Les technocrates soutiennent celui d’entre eux (Mr Choi) qu’ils pensent connaître le sujet… Tous, avec la crainte diffuse de voir la crise ivoirienne tourner à la catastrophe rwandaise, et d’être accusés un jour de n’avoir rien fait. La Côte d’Ivoire n’a strictement rien à voir avec le Rwanda, mais des médias en ont parlé, un ancien directeur du FMI ça rassure les « responsables »…
Bref, on assiste à un emballement de la machinerie médiatico-technocratique mondiale sur fond d’ignorance et de principe précautionneux. Avec comme 1er résultat, le déni démocratique fondamental qui est que les ivoiriens n’ont plus rien à dire sur la désignation de leur président. Tout ça n’est qu’hypothèse bien sûr, mais la bêtise est toujours plus probable que le complot.
Accusations répétées contre le délégué coréen de l’ONU à Abidjan. Comme si on ne pouvait pas etre coréen et avoir une vision sur ce qui s’est passé en CI. Je trouve que ça sent passablement mauvais. Gbagbo avait déjà ironisé sur Mr Choi par un amalgame douteux (Deux Corées pour deux Cote d’Ivoire…) . L’article de Probst émet les mêmes attaques contre le délégué, sous entendu « ce n’est pas un jaune qui va y voir clair dans le conflit ivoitrien ». On n’est jamais tres loin de points de vue raciste dans ces sarcasmes.
Pour une fois que l’ONU émet une opinion claire, sans vouloir transiger avec les petits accomodements géostratégiques, ne lui tirons pas dans le dos. Elle n’en a pas besoin. Personnellement, je salue donc le courage de Mr Choi et à travers lui de Ban Ki moon.
On ne dit pas que Mr Choi est plus nul que les les autres, on dit qu’il est pareil que les autres. Mais comme il est sur le terrain, ses erreurs (ou ses vérités) ont bien plus de poids et sont la base du choix de la technocratie mondiale. Prendre une position aussi tranchée que celle de l’ONU en faveur de Ouattara alors que l’on connait la situation explosive du pays et que l’on sait que la CEI et le Conseil Constitutionnel sont tous deux inféodés à un candidat différent semble très risqué. La nationalité de Mr Choi n’a aucune importance. Seule la paix compte. La démocratie n’est qu’un instrument au service de la paix et du bien être des citoyens. Pareil pour l’ONU. Si la guerre civile éclate en Côte d’Ivoire, les deux se seront plantées dans les grandes largeurs. J’espère vraiment que non.
Relevé sur le site d’Agoravox et sous la plume de Paul Villach ce lapsus de Juppé qui pourrait passer inaperçu tant nous sommes imbus de notre supériorité sur nos ex colonies :
‑Dans une interview donnée sur la situation en Côte d’Ivoire à son retour d’Afghanistan, lundi matin 27 décembre 2010, et diffusée par « le Journal de 13 heures » de France Inter, M. Juppé a déclaré que le dispositif militaire français sur place « (était) fait pour protéger (les quinze mille) ressortissants (français) s’ils étaient menacés » ; des conseils leur avaient été donnés « notamment, lorsqu’ils le (pouvaient), de retourner…en métropole ».
Dans l’esprit du meilleur des Gaullistes, la Côte d’Ivoire est en fait un DOM ou un TOM et, si Gbagbo continue à désobéir au petit, il suffira d’envoyer des CRS pour lui donner une fessée…ça, on en est convaincus, il sait faire !
Tout cela sous couvert de la démocratie …
Ne devient-il pas urgent de programmer, au niveau mondial, le changement de ce système de gouvernance des nations qui est devenu un processus de manipulation de Citoyens par des lobbys ?
La résonance de cette »caverne » est de plus en plus mauvaise.
Bon, je regarde siffler les balles, si j’ose dire, d’un camp à l’autre. Où l’on voit bien que Probst tape là où ça fait mal – et qu’il ne dit pas que des conneries. Quel que soit le personnage, prenons le pour ce qu’il dit, à savoir un discours de gaulliste de fond dont la doctrine première se résume à « tout ce qui est anti-américain ne peut qu’être bon ». Ce qui l’amène à devoir préférer Gbagbo, le socialo douteux, plutôt que le très libéral Ouattara lequel, reconnaissons-le (même avec Probst) représente le ban et l’arrière-ban de ce que la planète porte de libéralistes acharnés, Sarko en tête qui s’est précipité à menacer le « socialo » de représailles terribles, et tant pis pour les 15 000 Français de Côte d’Ivoire quand ils devront payer les conséquences des coups de menton de leur cher président ! Bien sûr que Probst rêve de Françafrique prolongée ! Il n’empêche que ses propos tranchent, à mon sens utilement, sur l’unilatéralisme dominant fondé sur des résultats électoraux postulés comme réguliers.
Cela étant dit : comment sortir d’un tel guêpier ? Sûrement pas avec des bruits de bottes ! Mais alors, avec quoi, qui et comment ?
Comment on en sort ? Qui le sait ! Si Gbagbo reste sur ses positions, la guerre est quasi-inéluctable …
Mais il peut encore choisir l’exil doré avec l’impunité garantie pour ses crimes : probablement ce que lui conseillent en chœur les Bolloré, Bouygues, RSCG, bons amis « socialistes », etc.
Sinon, cher Gérard (qui connaît l’Afrique mieux que moi), je te trouve plutôt indulgent avec « le boulanger » (qui est aussi un boucher) … Il pourrait parodier Brel : « J’ai pas tué d’opposants, m’sieur ; ou alors, y’a longtemps ; ou ils étaient pas beaux … »
Je sens que je m’énerve. Gérard, si tu t’y mets aussi!!!Que dit Probst qui puisse un tant soit peu chatouiller ta fibre anticolonialiste et servir le continent africain ? Ce type est puant , il sert sa soupe de conseiller des éminences grises africaines et c’est tout. Au moins les socialos français de la vieille garde sont ils du même moule que le personnel de droite, on a difficile à glisser une feuille de papier entre leurs points de vue. Pour rappel, Gbagbo a su user et abuser de ses rapports avec l’Internationale socialiste pour faire de la Cote d’Ivoire sa chose, et cela depuis plus de dix ans, ca ne date pas d’aujourdhui. L’ivoirité c’est lui (Bedié avait jeté les bases) , l’assassinat de Kieffer c’est encore ses sbires , l’exploitation des diamants hors du processus de Kimberly pour alimenter les fonds de la guerre, c’est encore mr Gbagbo. Il faut donc plus que de la mansuétude pour lui trouver des circonstances atténuantes.…
En 2000, un sociologue belge un peu allumé, Benoit Scheuer, avait tourné un film prémonitoire en Cote d’Ivoire (« Cote d’Ivoire, poudrière identitaire ») qui montrait déjà les dérives de Gbagbo et en particulier son exploitation du phénomène de l’ivoirité. Son film, sur lequel j’ai un peu eu l’occasion de collaborer, a fait l’objet de débats tres vifs à Abidjan et ailleurs. Il illustre de manière frappante la construction de mécaniques identitaires. Les patriotes de Gbagbo et la presse du gouvernement ont dit à l’époque (c’était avant la guerre civile) que ce type était fou et qu’il allumait des feux. Or tu sais ce qu’il en est quand ce genre de critique pleut : on préfère trouver des boucs émissaires plutôt que d’interroger son propre discours.
Je veux donc dire que Gbagbo a roulé tout le monde dans la farine depuis cette époque, il a bien compris qu’il pouvait rallier à lui des francais de souche, poufendeurs de la Francafrique (à juste titre), anti colonialistes convaincus et toujours prêts à soutenir des hommes politiques ayant fait leurs classes sur les bancs de la république. C’est ça le magistral coup de bluff de mister Gbagbo. Mugabe s’y est essayé un temps jusqu’à ce que le vent tourne.
Encore une chose. Si Gbagbo décide de s’en aller ou qu’il s’y voit contraint, où crois tu qu’il ira ? Je mets ma main au feu qu’il choisira la Tunisie, l’un des seuls pays à le soutenir dans la région. Tiens donc, la Tunisie de Ben Ali. Encore un “gentil camarade”. Pour mémoire, Mobutu s’était exilé au Maroc en 1996 pour terminer sa course. Il était mort quelques mois plus tard des suites d’une maladie.
@ Turlututu et à BL, mes amis. En quoi voyez-vous et pouvez-vous croire que j’aie des sympathies pour Gbagbo ? Pas plus que pour Ouattara qui, lui, apparaît à peu près partout dans les médias dominants comme l’agneau et la pauvre victime du méchant loup. De même, pour avoir publié du Probst, je ne m’y suis pour autant pas rallié. J’essaie d’entendre ce qu’il dit de dérangeant pour la « pensée » dominante, même au nom du gaullisme françafricain. Fallait-il que ça soit dit ?