Le Sahara, par Bernard Nantet. Un désert entre fascination et enjeux internationaux
Quand Bernard Nantet écrit sur l’Afrique, c’est du solide. Pas de ces bouquins vite faits au détour d’une « actu », en l’occurrence la guerre au Mali. Depuis des décennies, il l’aura labouré ce continent infini, à tous les sens du mot, et dans tous les sens de son insatiable curiosité. Archéologue autant que journaliste – les deux métiers s’entremêlent, selon les profondeurs des couches explorées, selon les époques –, cet érudit attentionné possède le don de questionner les traces pour faire parler les hommes qui les ont laissées dans les temps plus ou moins lointains. De même que, journaliste, il questionne « les gens », ceux de maintenant pour atteindre ce qui demeure du passé. Deux méthodes qui, en fin de compte, se croisent dans le champ de l’Histoire et celui de l'actualité.
Ainsi interroge-t-il aujourd’hui le Sahara, cet autre continent dans le continent, ou plutôt cet océan de pierres, cailloux, montagnes. Et de sable. Ce désert immense et inquiétant, objet de fascination, enjeu de conquêtes et de pouvoir. Ce lieu de confrontations que l’on peut dire existentielles entre paysans sédentaires et nomades, lieu cependant livré à tous les vents, y compris les plus mauvais des envahisseurs, exploiteurs, trafiquants en tous genres – aujourd’hui les armes, la drogue, les expédients du fondamentalisme religieux, viles marchandises succédant au commerce ancestral du bétail, du sel, de l’or, des esclaves aussi, non sans forger une certaine sagesse nouée à l’infinitude des horizons.
Comme le dit d’emblée l’auteur, dans un désir de démythifier une contrée exposée à l’exotisme, « Tombouctou l’inaccessible a cessé d’être la Mystérieuse ». Il faut désormais se rendre à la dure réalité qui rejoint l’âpreté du « monde globalisé », assoiffé comme jamais de ressources « vitales », dont cet uranium d’Arlite au Niger, qui nourrit nos centrales, devient un enjeu international et excite les terroristes.
On comprend au fil de ces quatre cents pages très denses, à quel point le Sahara, depuis les temps immémoriaux en passant par sa tumultueuse histoire (curieusement liée aux premiers navigateurs) se trouve relié à l’« autre monde », notamment, et pour aller vite, via l’arabisation et les colonisations modernes. Sans oublier les épopées fameuses, dont celle de l’Aéropostale avec l’escale non moins célèbre de Cap Juby (Latécoère, Saint-Exupéry).
On sera étonné également par le chapitre illustrant la « fascination du désert », nourrie en effet d’exotisme (Delacroix, Fromentin ; Isabelle Eberhardt ; Paul Morand… et Albert Londres). Vint ensuite « le temps des chercheurs », remarquables défricheurs au long cours des missions scientifiques.
L’ouvrage se termine par un abondant chapitre intitulé « L ‘« Indépendance et après », en quoi il rejoint l’actualité la plus brûlante, qui ne se termine pas, sinon sur une interrogation, là où le journaliste rejoint l’historien.
Passionnant, cet ouvrage est à la fois précieux par la richesse de contenu et par la qualité de l’écriture. Sa lecture en est facilitée par d’innombrables intertitres et tout un appareillage d’édition : chronologie, glossaire, carte, bibliographie et index – certains éditeurs pourraient s’en inspirer. De même, pour d’autres raisons, qu’un certain conseiller présidentiel, quant à lui désormais bien entré dans l’Histoire.
Le Sahara. Histoire, guerres et conquêtes. Bernard Nantet.
Tallandier éditeur. 400 p. 22,90 €
Ta description donne envie de s’y ensabler !
A propos de sable as-tu vu l’émission : http://videos.arte.tv/fr/videos/le-sable-enquete-sur-une-disparition – 7515454.html
A voir absolument!!!!
Oui j’ai vu, merci ! Formidable document (Arte), « Le Sable, enquête sur une disparition », révélation sur un sujet ignoré : le trafic du sable des plages (le meilleur, à la différence du sable du désert qui ne fait pas du bon béton) pour ériger notre monde de béton. Merci aussi pour le lien (même s’il ne durera qu’un temps)