Paris, 21 – 22 septembre. Technologos et l’agriculture
[dropcap]Agriculture[/dropcap], technique et vivant », tel est le thème des 6e assises de Technologos, qui se tiendront à Paris les 21 et 22 septembre.
L’agriculture numérique. Extrait d’une fresque présente sur l’espace "agriculture numérique de demain" sur le stand de Terre-net Média au Sima 2017. (©Terre-net Média) - [Cliquer pour agrandir].
L’association, d'inspiration ellulienne, fondée en 2012, précise ainsi le contexte de ces rencontres ouvertes à tous : « Ces Assises seront tout d’abord l’occasion de contribuer à démystifier le discours techniciste ambiant en alertant du danger de « nouvelles solutions » qui n’en sont pas. Il s’agira aussi, de façon plus large, de replacer les débats dans une perspective historique et anthropologique concernant nos rapports à la Terre et à la nature. Les êtres humains ont commencé à domestiquer la nature au Néolithique, mais cette domestication s’effectuait dans l’ensemble dans une certaine harmonie, une reconnaissance intime de l’appartenance des hommes à ce qu’on appelle aujourd’hui la biosphère. Quand et comment est-on passé de la domestication à un extractivisme forcené ? Comment qualifier cette rupture ? Ce n’est qu’en comprenant profondément la nature de la crise contemporaine qu’on peut juger de la justesse des « solutions ». Enfin, on explorera les grandes lignes des alternatives qui éclosent ici ou là : agro-écologie, circuits courts, sélection collaborative… Il s’agit plus généralement de restaurer et/ou de réinventer un rapport à la nature non pas fondé sur l’utilité à court terme, mais sur la reconnaissance de l’importance fondamentale des liens qui unissent les êtres humains à leur environnement vivant. »
Une quinzaine de sociologues, économistes, philosophes et militants interviendront, dont Hélène Tordjman, Fabrice Nicolino, Christophe Bonneuil, Daniel Cérézuelle, Matthieu Calame, Marc Dufumier, Fabrice Clerc.
1, rue René Panhard - Paris XIIIe. Entrée libre et gratuite.
Contact : assises@technologos.fr
Programme complet et informations : www.technologos.fr/assises_nationales/
La pensée technocritique constitue une denrée rare et il faut voir là une véritable tragédie de notre époque, au même titre par exemple que l’extinction des espèces, le réchauffement climatique ou la multiplication des cancers pour cause de pesticides. Pire que cela, si j’ose dire : ces phénomènes ne sont que les conséquences de la quasi absence de la technocritique dans le débat public.
Expliquons-nous.
Les débats sur la technique (on dit souvent « les technologies » mais c’est faire preuve là de simplisme, passons…) ne sont certainement pas rares ; ils pullulent même ! Mais il interviennent systématiquement quand il est trop tard, par exemple après un krach boursier ou l’explosion d’une centrale nucléaire : « ah ben zut alors ! on n’avait pas prévu que ça pouvait arriver ! » De même, les débats sur l’intelligence artificielle ont quelque chose de pathétique : « le robot va t‑il remplacer l’homme ? ». Les amateurs de grands frissons n’ont plus besoin d’aller voir des films de SF au cinéma, la lecture de « Sciences et Avenir » a supplanté Hollywood dans cet alliage de simplisme et de sentimentalité.
On doit à Jacques Ellul – et à quelques rares autres personnalités, comme l’Allemand Günther Anders – l’explication de cette totale imprévoyance de « l’homme moderne », ceci dès les années 1950. Ces deux-là expliquent avec brio (clarté) que toute approche d’ordre éthique – si tant qu’il en existe encore aujourd’hui – se trouve littéralement « dépassée » par « l’innovation ». En d’autres termes : « on n’arrête pas le progrès » non pas parce que l’on ne VEUT pas l’arrêter mais parce que l’on ne PEUT même pas le freiner. Et cette incapacité même tient au fait que la technique est « sacralisée » (c’est le terme qu’utilise Ellul) : autrefois elle n’était qu’un moyen, ou un ensemble de moyens destiné à atteindre une finalité ; aujourd’hui, elle est devenue la finalité des finalités, le fin du fin, la fin du tout.
Quand on a compris cela, on comprend que le désarroi de Nicolas Hulot (« je ne disposais pas des moyens pour atteindre mes objectifs », « les lobbies sont les plus forts », etc), c’est la réaction de « lou ravi ». De même celles et ceux qui s’imaginent que sa sortie du gouvernement constitue un événement, voire un séisme politique, attisent notre plus profonde pitié. Tant mieux pour eux, en tout cas, si le ridicule ne tue pas.
Merci à Technologos d’entretenir la technocritique dans notre pays et tolérance, en revanche, envers celles et ceux qui ignorent jusqu’à l’existence même du mot.
Pour celles et ceux qui voudraient se refaire une conduite, recommandons l’article sur wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Technocritique . Et – plus si affinités – la lecture d’un bouquin de Jean-Luc Porquet (journaliste au Canard enchaîné) : « Jacques Ellul, l’homme qui avait presque tout prévu ».
Pierre