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Retour à l’anormale. Le coup bas Libre

 Par Gian Laurens 

[dropcap]J’étais[/dropcap] à la recherche d’un signe qui pouvait symboliser le retour au « comme avant » (quoique un peu plus pire), suite au déconfinement du 11 mai 2020, ce retour à l’anormale souhaité manifestement par la grande majorité. Je n’ai eu que l’embarras du choix. Il y eut cette injonction « Consommez ! », adressée aux citoyens par une ministre. Le mal que nous venions de connaître n’avait donc rien à voir avec la société de consommation. Les experts interviewés sur diverses chaînes ne s’embarrassèrent pas de précautions oratoires pour faire écho et clamer la nécessaire relance de l’économie par la croissance. Le mal que nous venions de connaître n’avait donc rien à voir avec le système thermo-industriel mondialisé. Mais j’ai finalement choisi comme repère emblématique une affiche apparue fin mai sur les panneaux publicitaires, pardon, le « mobilier urbain ».

C’était la première fois depuis longtemps que l’affichiste renouvelait l’ancien placard, qui était resté inchangé depuis début mars. Soit dit en passant, si l’on se pose la question des activités professionnelles non-essentielles, à distinguer de celles, indispensables, des « premiers de corvées », voilà un bel exemple : la pub n’est pas vraiment nécessaire pour le bien commun...

Mais revenons à notre affiche qui vante « LIBRE, la nouvelle eau de parfum ». Elle illustre de subtiles et multiples façons le principe de conditionnement de masse. Ne serait-ce que par sa matérialité, en premier chef : elle s’impose dans l’espace public pour véhiculer un message sous une forme que les simples citoyens ne peuvent se payer. Qu’elle distraie ou enlaidisse est certes une question de goût, mais on ne demande pas leur avis à ceux qui la voient. Parmi eux sont sûrement peu nombreux ceux qui vont acheter un flacon (env. 60 € les 30 ml, quand même) : les autres, tous les autres sont captifs de ce dispositif que Edward Bernays (neveu de Freud) a théorisé dans son Propaganda, comment manipuler l’opinion en démocratie (1928). Être captif ici, alors qu’on n’est pas intéressé par le parfum, c’est avoir son esprit accaparé par une pensée parasitaire donc fallacieuse qu’induit le mot LIBRE, au détriment de la liberté de son propre esprit. Et puis en quoi un parfum libèrerait ? Il masque plutôt l’odeur corporelle et éventuellement envoûte. Le concurrent OPIUM est plus honnête. LIBRE, lui, recourt à l’oxymore orwelilen et sa novlangue : « La guerre, c’est la paix »…

Qui plus est, le slogan « la nouvelle eau de parfum » n’évoque pas un produit nouveau, puisque LIBRE est sorti en 2019. Ce mensonge en rajoute une couche, et d’ailleurs la nouveauté chez les emparfumeurs est diablement récurrente : « le nouveau parfum », c’est tous les 3-4 mois, pas seulement la veille de la Fête des Mères ou de Noël, et ce depuis 50 ans. Paradoxe, quand le nouveau c’est de l’ancien. Et il y a aussi le Cuba libre, ce rhum dilué au Coca Cola : au fait, qu’en pensait le Che ?

Après huit semaines de réclusion volontaire, les ex-enfermés goûtent enfin, dans l’hébétude de l’instant et l’anxiété du chaos annoncé, à être libres. Libres de ne rien changer à leurs habitudes.

GL

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Une réflexion sur “Retour à l’anormale. Le coup bas Libre

  • Bernard_H

    Dans ma vie pro­fes­sion­nelle, la ques­tion était sou­vent « que pro­po­sez vous ? ». Certains éco­lo­gistes nous joue­raient volon­tiers le coup de Tchernobyl en nous fai­sant croire que le CO2 s’ar­rê­te­ra aux fron­tière de la France et comme les Africains ont un impact net­te­ment infé­rieur au notre, nous avons donc un modèle de déve­lop­pe­ment tout trou­vé qui ne s’ac­corde pas avec le sou­tien à Renault, même pour les voi­tures élec­triques. A titre per­son­nel je pense qu’il fau­drait aider mas­si­ve­ment l’Afrique à se déve­lop­per et il est semble-il prou­vé que le taux de nata­li­té décroit avec le déve­lop­pe­ment, ce qui me parait beau­coup plus utiles pour rendre notre pla­nète res­pi­rable que de culpa­bi­li­ser et de réduire de fait le pou­voir d’a­chat de 67 mil­lions de Français sans s’oc­cu­per de ce qui se passe en dehors de notre pré carré.

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