LA TERREUR n’a jamais dû déserter l’histoire de l’humanité. Aujourd’hui, elle semble s’y être installée – dans la démence meurtrière. En Israël-Palestine, et jusque dans une école à Arras. Qu’ajouter au déversement d’infos, d’éditos, de vidéos ? Mon ami Daniel Chaize m’envoie ce matin ce mot de Romain Gary : « Si personne ne rêve de l’humanité, l’humanité ne sera jamais créée. » Mais comment rêver dans le temps du cauchemar ? Comment questionner l’aveuglement haineux qui renvoie à la sous-humanité ? Tuer l’Autre, détruire, venger (quoi ?), hâter la mort pour gagner un paradis (lequel ?). Tuer la vie sans avoir aimé vivre. Se nier comme être humain dans de criminelles croyances érigées en dogme intouchable. Au nom de Dieu, clament-ils ! Quelle absurdité ! Tandis que leurs pendants séculiers, idéologues d’une autre immanence – la même, en fait : celle de leur certitude, celle d’avoir raison, d’être dans le Juste, le Vrai, le Bien – l’Absolu. Ceux-là, soumis à leur dogme, adeptes masqués (ou non) de la Terreur révolutionnaire, aveuglés, ou seulement cyniques calculateurs, se refusant à dénommer terroristes les égorgeurs assassins d’enfants, de vieux, de femmes et d’hommes. La politique alors n’est plus un autre moyen de faire la guerre – un progrès en somme, comme le sont aussi le foot et le rugby… –, mais c’est la guerre qui, selon le mot du général autrichien Clausewitz « est une simple continuation de la politique par d’autres moyens. » Même s’il s’agit d’une guerre électoraliste, bassement politicienne comme celle de Mélenchon et de sa secte.
Tant de choses se disent à propos de cette guerre de civilisation – qui ajoute une dimension aux historiques guerres de religion – mais je retrouve, dans un article publié ici-même l’an dernier, sur le livre d’Henry Miller, Le colosse de Maroussi, écrit à la veille de la seconde guerre mondiale…, un passage sur « la paix du cœur » qui, par son degré de sagesse résonne fortement dans notre tragique actualité.
Hubert Reeves, lui qui nous savait “poussières d’étoiles” est reparti dans le cosmos, comme il est venu, à 91 ans. J’avais eu l’occasion de le rencontrer en 1977 pour lui demander un article sur l’énergie cosmique, article paru en décembre de la même année dans le numéro spécial de la Revue Sexpol consacré à Wilhelm Reich. Republication ici envisagée.
« Ce que l’homme veut, c’est la paix, afin de pouvoir vivre. La défaite du voisin n’assure pas plus la paix que la guérison du cancer, la santé. La vie, pour l’homme, ne commence pas avec la victoire sur l’ennemi ; pas plus qu’une série de cures interminables n’est pour lui le début de la santé. La joie de vivre est le fait de la paix, qui est, non pas statique, mais dynamique. Personne ne peut se vanter de savoir ce qu’est la joie tant qu’il n’a pas connu, d’expérience, la paix. Et sans la joie il n’y a pas de vie, quand bien même on aurait douze automobiles, six majordomes, un château, une chapelle privée et un abri à l’épreuve des bombes. La maladie, elle est dans nos attachements : habitudes, idéologies, idéaux, principes, biens de ce monde, phobies, dieux, cultes, religions, peu importe, tout ce que vous voudrez. […] Et quant à se cramponner à Dieu – il y a belle lurette qu’il nous a abandonnés, pour nous permettre de savoir ce qu’est la joie d’atteindre par nos propres efforts à la divinité. Toutes ces pleurnicheries sans fin dans le noir, cette piteuse et insistante prière pour la paix, qui ne cessera de grandir concurremment avec la souffrance et la misère, qu’en attend-on ? La paix, les gens s’imaginent-ils que ça s’engrange comme le maïs ou le blé ? Qu’on peut se jeter sur elle et la dévorer comme une charogne que se disputent les loups ? J’entends les gens parler de paix, avec des visages qu’assombrissent la colère, la haine, le mépris et le dédain, l’orgueil et l’arrogance. Il en est qui voudraient se battre pour que règne la paix – ce sont les plus aveugles de tous. La paix ne régnera que lorsqu’on aura définitivement extirpé du cœur et de l’esprit le meurtre. Le meurtre est le sommet de cette vaste pyramide qui a pour base le moi. Ce qui est debout devra s’écrouler. Tout ce pour quoi l’homme s’est battu, il faudra qu’il le répudie avant de pouvoir commencer à vivre en homme. Jusqu’à présent, il n’a été qu’une bête féroce malade ; il n’est jusqu’à sa divinité qui ne pue. Dire qu’il est le maître de tant de mondes, et que dans le sien il est esclave ! Ce qui régit le monde, c’est le cœur, non le cerveau. Il n’est pas de domaine où nos conquêtes apportent autre chose que la mort. Nous avons tourné le dos au seul règne où se tienne la liberté. À Épidaure, dans le silence, dans la grande paix qui m’envahirent, j’ai entendu battre le cœur du monde. La cure, je la connais : c’est d’abandonner, de renoncer, de se rendre, pour que notre cœur chétif puisse battre à l’unisson du grand cœur du monde. »
” Abandonner, renoncer, se rendre …” ? S’il s’agit d’en finir avec nos prétentions et nos morgues d’idéologues narcissiques d’amphithéâtres ou de comptoirs, pourquoi pas ? Toutefois, nos coeurs ne sont pas “chétifs” puisque, justement, ils constituent le grand coeur de ce monde qui est nôtre. Dans le théâtre d’Épidaure, les acteurs et leurs chants ont porté haut, depuis des siècles, l’ébauche de ce que nous nommons civilisation. Cette imperfection que nous améliorons sans cesse (lentement et avec quelques allers-retours) par nos réflexions et nos actions. L’ignoble Mélenchon n’abandonne pas, il combat. Se sachant sans avenir personnel en 2027, il se suicide politiquement à dessein pour provoquer le chaos par la bande en poussant – de son plein gré – le Rassemblement national, son extrême jumeau. Même objectif, nouveau fer de lance. Bâtir l’humanité demande un langage commun enrichi de tous les existants où brillent toujours quelques lumières. Surtout parce que nous savons que toute langue a ses barbaries, et en conséquence ses barbares. Isolons-les par notre présence ferme et inflexible. C’est long, mais c’est exaltant. Sans réussite à l’échelle de quelques générations, l’abattement ne doit pas cacher la dignité de l’entreprise sans laquelle nous ne méritons rien.
Bonsoir à tous deux,
Inutile de vous cacher que je n’ai pas aimé “l’ignoble Mélanchon”, ni d’ailleurs “Mélanchon et sa secte” ! Ca demanderait plusieurs explicitations , et de votre part, et de la mienne !
J’efface cela de ma mémoire pour recommander un “A l’air libre” de Médiapart du 10.10. en accès libre, ainsi qu’un “Culture Matin de Guillaume Erner” du 13.10. Ces deux journaux ou organes d’information ont sauvé un peu l’honneur des journalistes et remis de l’humanité là où cela s’avérait nécessaire !
D’accord pour tenter d’expliquer : une secte, c’est quand chacun de ses membres obéit aveuglément à son gourou ; parfois même, on l’a vu, cette soumission mène un troupeau au suicide collectif… Question : le suicide politique de Mélenchon va-t-il entraîner celui de ses troupes ? On peut espérer que chez LFI quelques dissidents relatifs, prudents (Ruffin, Corbières, je n’en vois pas d’autres) tentent d’échapper au sectarisme du chef. Ce n’est pas le cas de Bompard, Panaud, Boyard et autres qui, en l’occurence sur le conflit en cours Hamas/Israël, s’alignent piteusement sur ledit chef en bafouillant les mêmes “arguments” dudit chef pour refuser la qualification de terroristes aux fanatiques criminels du Hamas. Pour moi, il s’agit bel et bien d’un comportement de secte auquel n’échappent d’ailleurs pas la plupart des militants politiques de tous poils, partisans aveuglés et sourds au doute, à l’esprit critique, à la raison pensante.
Sur ce, je suis allé voir “A l’air libre” de Médiapart du 10.10, selon vos recommandations. Je n’y vois rien à redire quant à la tenue d’un débat où chacun défend ses arguments selon ses propres structures de pensée (Bergson : “L’œil ne perçoit que ce que l’esprit est prêt à comprendre”). Je note en passant le lancement du débat par son présentateur : “Impossible de ne pas voir ces images, insoutenables, de l’attaque terroriste du Hamas, inédite par son ampleur, en territoire israélien.” Oui, comme vous dites, il faut remettre l’humanité à sa nécessaire place. Je ne la vois pas, moins que jamais, dans l’attitude de Mélenchon. “Ignoble”, dit Daniel Chaize dans son commentaire ; il pourra aussi s’en expliquer, mais où se cacherait la noblesse du politicien ? J’ai eu l’occasion, sur ce blog, d’en montrer la duplicité rouée, notamment dans “Comment peut-on être mélenchoniste ?” (plus qu’actuel) et “L’homme qui ne plantait rien (ou qui plantait tout)” (super actuel s’agissant de feue la Nupes). J’en finis avec Voltaire, dans son Dictionnaire philosophique, à propos de secte : “Il n’y a point de secte en géométrie ; on ne dit point un euclidien, un archimédien. Quand la vérité est évidente, il est impossible qu’il s’élève des partis et des factions. Jamais on n’a disputé s’il fait jour à midi.”
Ensuite, quand l’hubris fera silence, il faudra gérer les traumatismes et cela sur plusieurs générations.
La paix demeure relative. Mal administrée, elle engendre des monstres, cela s’est déjà vu.
Quant à l’indécence électoraliste, il ne peut y avoir qu’écœurement.
M. Bosquart, bonjour
Selon le Grand Robert, la définition d’ignoble est : “Qui est moralement bas, vil, infâme, abject”. Ou “dégoûtant, déshonorant, odieux”. Je crois que lorsqu’on se refuse à qualifier de terroriste une attaque d’une bande armée qui ne vise – de manière méthodiquement préparée, maison par maison – qu’à tuer le maximum de personnes, bébés, enfants et vieillards compris, à la seule raison qu’elles sont juives, le mot ignoble vaut. D’ailleurs, en réaction des membres de LFI, dont François Ruffin, n’ont pas suivi leur leader sur cette pente de dégénérescence politique. Pas plus que des alliés de la Nupes comme François Roussel : ” La Nupes est devenue une impasse ” ou Olivier Faure ” Jean-Luc Mélenchon ne peut plus être celui qui incarne la gauche et l’écologie” ou l’ancien Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve : “LFI a fait la démonstration de son haut niveau d’irresponsabilité”. Sur ce dernier point, effectivement, si la pantalonnade de “Mélenchon se rêvant à Matignon” s’était réalisée (certes, fiction grotesque), la France serait déshonorée par de tels propos. Cela dit relativisons le propos car désormais Mélenchon et la Nupes relèvent désormais du passé. Dans une autre époque, on disait : “Dans les poubelles” de l’Histoire.
Bonjour,
Puis-je oser ce qui n’est pas une réponse, mais juste une réaction d’humeur, en reprenant le titre du livre de Mélanchon (je précise que je ne l’ai pas encore lu) :
“FAITES MIEUX !”. Et merci pour le commentaire sur le vocable “ignoble”; il est toujours bon d’en revenir à l’étymologie.