DANS LA PRESSE. Inventer une démocratie « légère et court vêtue »
Dans son dernier Bloc-notes de Politis [17/03/05], Bernard Langlois asticote durement le PS sur son «oui» au projet de traité européen. Il en profite, à propos du ramdam déclenché par Henri Emmanuelli dans les hautes sphères du parti, pour interroger le processus démocratique lui-même.
Emmanuelli, note Bernard Langlois, « a simplement souligné que le fait majoritaire n’avait pas toujours raison, qu’il est un point aveugle de la démocratie (même s’il ne peut être remis en cause, sauf à nier la démocratie) qui peut l’entraîner dans des impasses, parfois mortelles – n’oublions jamais que Hitler est parvenu au pouvoir au terme d’un processus démocratique irrécusable. »
Poursuivant cette réflexion, Langlois se réfère ensuite au dernier bouquin de Patrick Viveret, Pourquoi ça ne va pas plus mal ? (Transversales Fayard). Viveret interroge lui aussi le processus démocratique en panne de qualitatif : « Il nous faut progresser vers une démocratie qui se définirait moins par le pouvoir quantitatif d’une majorité que par le processus qualitatif permettant de passer de la simple opinion à la formation d’un jugement civique. [...] Ce droit quantitatif n’est, sauf exception, même plus celui de majorités ; il est devenu celui de minorités capables d’exploiter à leur profit le système électoral par le jeu combiné du contrôle des candidatures, du pouvoir financier et médiatique et de la désaffection croissante d’une partie de la population. »
Bien vu, à propos de ces minorités agissantes qui – ça ne date pas d’aujourd’hui, il est vrai – trouvent néanmoins un terrain on ne peut plus propice à ce « jeu combiné » qui décuple leurs pouvoirs de nuisance anti-démocratique, précisément. D’où, en particulier, les mains mises sur les appareils de pensée dominante, j’ai nommé les médias de masse.
Quant à « passer de la simple opinion à la formation d’un jugement civique », il ne s’agit rien de moins que de distinguer entre croyance et raison. Une histoire vieille comme les humains, et comme telle très ancrée dans nos comportements archaïques. Une évolution lente et pénible, comme de vouloir s’arracher à la pesanteur. Inventer une démocratie « légère et court vêtue », pour parodier La Fontaine – ce qui ne revient justement pas à la prendre à la légère.
Quand nous nous donnerons la peine de procéder à une petite analyse lucide de l’histoire,alors nous verrons que la DEMOCRATISATION n’est autre que la suite de la COLONISATION. (Shuuuuuuut c’est le 21 eme siécle ).