Scientollywood-sur-Provence. Quand Tom Cruise embobine aussi des journalistes marseillais
[dropcap]Normalement[/dropcap], en principe, si tout s’est passé comme prévu, bref : si La Provence a vu juste, depuis le temps qu’à pleines colonnes le quotidien marseillais nous en rebat les mirettes, et même pire… Eh bien, Marseille aura dû être mis à feu et à sang hier, vendredi. C’est en effet ce que nous prédisait le journal en claironnant la promotionnelle venue de Tom Cruise dans la « cité phocéenne ».
Donc, le lecteur a eu droit à toutes sortes de détails sur les affres du service d’ordre face à un «déplacement digne d’un (gros) chef d’État» et ses conséquences sur la circulation : tout le Vieux Port paralysé et jusqu’au Pharo, rues interdites, flics «sur les dents». Et ces questions si angoissantes : où va-t-il passer, dîner, dormir – qui, quoi, comment ?
L’attirail ordinaire pour un événement si extra-ordinaire, ah oui, au fait, autour d’un produit hollywoodien, un Spielberg à promotion de super-Marché mondialisé. Avec un «détail», comme aurait dit l’autre. Un petit quelque chose un rien dérangeant chez la star : son appartenance militante à l’Église de Scientologie. Tout le monde sait ça, peu ou prou, depuis sa rencontre avec Sarkozy. Mais les journalistes de La Provence ne semblent pas y attacher la même importance. Ce sera selon l’édition. Dans celle d’Aix, la star prosélyte est solidement pointée. On y apprend qu’un centre de Scientologie vient de s’ouvrir à Marseille, avec une antenne à Avignon ; et une avocate dénie toute coïncidence fortuite entre ces événements.
Mais pour les lecteurs marseillais, la «révélation» restera discrète avec un modeste encadré apparu tardivement vendredi, sous couvert de l’Association pour la défense de la famille et de l’individu.
Mais pour les lecteurs marseillais, la «révélation» restera discrète avec un modeste encadré apparu tardivement vendredi, sous couvert de lAssociation pour la défense de la famille et de lindividu.
Et surtout, ces lecteurs (de la « cité phocéenne ») auront droit à un billet fumeux qui schlingue le vieux fond de pantoufle [dor, selon notre Palmarès y avait longtemps, merci]. Si jai bien tout compris dans cet articulet [reproduit sur "c'est pour dire"] titré «Provoc» nayant pas encore tout lu Freud , les gonzesses du sectaire acteur [sectacteur : jen deviendrais lacanien ], importent bien davantage aux yeux du billettiste que ses balivernes à la Travolta. Elles le dédouaneraient même, ces nanas sublimes. Surtout si lune delles faisait une soudaine apparition marseillaise. Et que ce serait Penelop Cruz
A la différence de ce que mon confrère dit de lui, moi je nai pas lu toute la presse pipole, ni même tout Gala. Mais je me suis fait expliquer que Tom et Penelop, cest râpé depuis pas mal de Unes dIci Paris. Évidemment, dans ce domaine où les destins changent si vite de direction, faut suivre.
Limportant nest cependant pas là. Je le vois, une fois de plus, dans la démission par compromission, si caractéristique de linstitution médiatique régionale. Son refus de prendre la moindre position un peu courageuse a fini, le plus souvent, par lui faire rendre ce quil lui restait dâme. Son avenir si incertain rend sa frilosité plus tétanisante encore.
En France notamment, les sectes sont condamnées au nom des droits de lhomme. Parce ce quelles les bafouent. Parce quelles nient le libre arbitre, et donc la liberté comme valeur fondamentale de chacun et des sociétés. Parce quelles procèdent par ruse et cupidité. Elles aliènent. Elles embobinent, cest bien le mot, procédant par séduction et tromperie. Cest pourquoi cette «scientologie» tient tant à ses bobines de star à la Tom Cruise 20 ans de «scientologie» active, ça compte. Ça compte même sacrément en valeur de com, un pareil héraut à la jolie bobine qui tourne les têtes des minet(te)s, et de certains journalistes. Ne pas dénoncer cela quand on est journaliste cest en être complice. Cest subir au lieu dagir, cest renoncer au noble, difficile et indispensable métier dinformer.
Informer, voyons Bien sûr, ne pas occulter les faits. Une chose est dannoncer la venue dune idole. Une autre est de prendre le nécessaire recul journalistique, professionnel. Tom Cruise est un acteur hollywoodien qui soulève les foules soit ! Et aussi un prosélyte de la «Scientologie» : deux sujets inséparables. Traiter lun sans lautre, ne pas les considérer à égale distance, cest maltraiter la réalité du monde, cest ignorer sa complexité et en loccurrence cautionner la duplicité de certains. Pour un journal, hélas, cela revient à mépriser son public. Tel est le maljournalisme, ravageur pendant médiatique de la malbouffe.
Quand, de plus, on le fait sciemment comme dans ce «billet», au nom de linsouciance et du divertissement, ce nest même pas de la connerie. Cest un déni journalistique.
→ PS. Jai écrit ce papier vendredi soir. Cétait sans connaître l'apothéose avec cette Une de La Provence de samedi [ci-contre] , plus deux pages entières consacrées à l'Événement ! Le quotidien projette de passer au format tabloïd. Ça ne sera pas difficile, il en a déjà l'esprit au sens anglais. Pourtant, ses prévisions d'horoscope ont été démenties, en dépit de son matraquage. Comme le note un autre billettiste, la « gigantesque bousculade » n'a pas eu lieu [ ], « le Marseillais est donc moins fada qu'on ne le dit ». C'est peut-être aussi qu'il lit La Provence de moins en moins, non ?
C’est quoi cette discrimination par la taille ?