Ouagadougou. Le casque obligatoire déclenche une émeute
Ouagadougou, Burkina-Faso. Quelle affaire que cette histoire de casques ! La ville mise quasiment à feu et à sang : bagarres entre manifestants et CRS – ils ont la même appellation et savent aussi user et abuser de la matraque et du lacrymogène – un autobus attaqué, des blessés, des interpellations musclées à tout va, quelque 150 deux-roues saisis.
L’explosion s’est produite ce vendredi 1er septembre, jour de mise en application d’un décret de 2003, réactivé sans effet en avril dernier. Cette fois, pour de bon, il s’agissait d’obliger les utilisateurs de deux-roues à porter le casque. Or, à Ouaga comme dans l’ensemble du « Pays de l’homme intègre », vélos, vélomoteurs et motocyclettes en tous genres constituent le premier mode de déplacement. On doit en dénombrer des centaines de milliers qui vibrionnent en tous sens et en essaims empestant l’atmosphère. Toucher au deux-roues, c’est attenter à l’ordre (apparent) du monde burkinabé. Ce qui s’est produit.
Lundi donc, tandis que je débarquais à Ouagadougou, on ne parlait encore que de « ça ». Mais de casque sur le têtes des vélomotoristes, point !
Ne paraissant pas le week-end, les quotidiens, se rattrapaient à pleines pages. « La révolte des sans-casque » titrait en une Le Pays. « Les émeutes du casque », clamait L’Observateur, qui consacrait six pages à l’événement, dont une de commentaires particulièrement fins et virulents, venant appuyer reportages et débats.
Signé « la rédaction » et sous le titre « Question d’opportunité », l’article pratique une belle mise en perspective. Cela part de la rumeur selon laquelle « un proche du président Compaoré en personne aurait des containers de casques qui n’attendraient que des têtes porteuses pour être écoulées »…
Sans fondement avéré, par définition, le ragot, ajoute l’auteur, « traduit à tout le moins la haute estime dans laquelle les Burkinabés tiennent leurs dirigeants ». Et de rappeler l’autre affaire du genre, celle du « casque Mariam », au Mali. Là, c’est le président Moussa Traoré qui en son temps décida aussi, « pour protéger les citoyens » d’imposer le port du casque – mais pas n’importe lequel, non : seulement le modèle « Pingouin » dont son épouse, Mariam, détenait le monopole de l’importation…
L’article, rejetant la violence en elle-même, pose méchamment sur la table politique la question de la pauvreté: « Depuis quand se préoccupent-ils de notre sécurité, ces gens [les politiciens] ? Autant qu’on sache, ils n’en ont pas fini avec le grand banditisme, la lutte contre l’insécurité sous toutes ses formes et tous ces fléaux qui nous pourrissent la vie. Bien sûr, ils auront vite fait de banaliser les manifs de vendredi […], de prétendre que ces émeutes du casque étaient l’œuvre de vandales excités et manipulés par des politiciens en perte de vitesse ». […] « On ne cessera jamais de le dire, cette armée de Jean Valjean dont les rangs ne font que grossir au fur et à mesure que les populations sont délaissées sur les bas-côtés du « développement solidaire » et du « progrès continu » n’est certainement pas les prémices de cette « société d’espérance » qu’on cherche à voir. Quand Blaise Compaoré va-t-il enfin descendre, et sans casque, de sa tour d’ivoire pour voir ce qui se passe dans le pays réel ? »
On ne sait trop qui, ce fameux vendredi, s’est piqué de monter une telle rafle… Dans toute la ville, des flics ont arrêté les contrevenants, saisissant et envoyant à la fourrière mobylettes et motos. Pour récupérer son engin, rapporte un reporter de L’Observateur, Adama Ouédraogo habitant su secteur 9, devra se présenter aux pandores avec le fameux casque et… casquer en plus une amende de 3.000 francs CFA (4,5 euros).
Tout ça alors que viennent de grimper les prix de l’essence, de l’électricité et tout juste à la veille de la rentrée scolaire. « Ils nous ont flattés, nous les avons votés et en retour voilà ce qu’ils nous font », s’insurge une femme interrogée.
Et en plus, le casque s’est aussi mis à flamber ! De 4.000 francs CFA le jeudi, il est passé à 8.000 (12 euros). Certes, encore dix fois moins cher qu’en Europe… Ben oui, ce sont des modèles chinois… La vendeuse (chinoise aussi) est ravie : son stock a été dévalisée en quelques heures. Prochain arrivage dans deux mois… Les casques de chantier feront l’affaire – comme dit un vendeur opportuniste : « Casque c’est casque ! »
Et ce n’est pas tout : voilà que des milices « anticasques » se sont formées. « Leurs membres voient rouge quand ils aperçoivent un porteur de ce gadget », qu’ils obligent à abandonner. Casque ou pas casque, tel est à Ouaga le casse-tête de l’homme, ou de la femme, à deux-roues.
Photo L’Observateur Paalga
avec le maigre revenu du burkinaber ce serais criminelle de le faire payer un casque sans premeditation mais une autre solution ne serais pas envisagable de toute facon la violance n’a jamais rien resolu