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Allègre, GIEC, curés pédophiles. Science et religion dans le plus obscur climat

Malaise dans nos civilisations. Civilisées, le sont-elles, d’ailleurs, autant qu’elles le proclament ? Où que l’on tourne le regard, le doute nous saisit. Quels repères, quels sens trouver qui indiquent direction, espoir. « Le monde est pourri, la vie est belle », j’aime bien cette parole de Claire, une copine, qui ajoutait aussi, d’une conviction entière, « On fait ce qu’on peut ». Ça ressemble à du banal. Ce n’en est pas, non. Qui, en effet, peut prétendre ici-bas accomplir tout son possible ? Vraiment tout le possible… C’était ma minute philo qui m’entraîne dans la pataugeoire que nous appelons aussi « actualité », là où tout le possible n’est jamais épuisé. J’en prends deux bouts, les deux extrémités d’un bâton bien merdique :

– D’un côté des curés pervers, passant à l’acte sur des enfants qu’ils ont mission de guider… ; dans cette lignée, un appareil, celui du pouvoir religieux ecclésiastique et sa cohorte économique et hiérarchique, sous-papes et pape, l’État vaticanesque, ses succursales mondialisées propageant la « bonne parole » – tu parles, oui !

– De l’autre, une tentative de politisation de la science par le truchement de deux illusionnistes médiatisés, Vincent Courtillot et surtout Claude Allègre cumulant, lui, la fonction complémentaire d’escamoteur et chantre du libéralisme « décomplexé ».

Il s’agit bien d’un seul et même tenant, celui de la dissimulation, de la falsification, formes visibles de cet obscurantisme revenant à l’offensive sauvage dans nos temps en perte de lumières.

Les religions – depuis le temps ! – ont imprégné toutes les strates de nos sociétés, conditionnant jusqu’à nos inconscients, notre langage, nos comportements. Comme les systèmes totalitaires, elles ont aussi sécrété leurs ordres policiers, déployé des agents d’inquisition, enfoncé « leur main noire jusque dans le ventre des hommes » – Panaït Istrati en 1927 à propos du stalinisme. Plus encore, elles ont acquis cette sorte de statut reconnu d’agent culturel, patenté, celui du medium selon la terminologie de Régis Debray qui s’interroge sur leur sens profond et les questionnements que l’animal humain y place dans la durée de son histoire.

Partout dans le monde déboussolé, les religions se sont inscrites comme des manifestations « naturelles » de données éminemment culturelles : les croyances et les superstitions. Darwin, pour commencer, puis ses continuateurs dont les plus actuels – entre autres, Patrick Tort en France et Richard Dawkins en Grande-Bretagne – ont intégré les comportements religieux dans les processus de l’évolution naturelle. Je passe ici sur leur argumentation, forcément complexe, pour plutôt faire ressortir les difficultés énormes que semble affronter le genre humain dans son immense majorité à poursuivre son évolution en direction d’une rationalité affirmée, et pour autant non dénuée de spiritualité – au contraire !

Certes, il faudrait ici en appeler aux plus amples développements ; ce n’est pas le lieu et je n’en ai pas non plus la prétention. Je ne fais donc que frôler cette problématique à l’occasion des affaires de pédophilie ecclésiastique qu’on peut considérer sous deux angles.

Le premier ne serait qu’anecdotique s’il ne touchait à une criminalité et à ses victimes ; il montre que les curés, condamnés à la névrose et au refoulement sexuel au nom du dogme le plus absurde selon lequel l’amour « normal », sexualité comprise, contreviendrait au « dévouement au Seigneur »… Faut-il avoir parcouru toute une chaîne de pathologies multiples pour accoucher d’une telle hérésie. Hérésie elle-même fondatrice du code général de définitions et dénonciations de toutes les autres, au nom du Dieu, bien sûr, et plus encore du Dogme canonique. Ainsi boucle-t-on des systèmes totalitaires, en religion comme en politique, ou plus généralement en idéologie. Si on admet que les curés ne sauraient être moins névrosés que le reste de la population – c’est l’argument qui sert de défense à l’Église –, outre que cela donne matière à objection, rapport au fameux « vœu de chasteté », il ne faut pas oublier que ces « serviteurs » sont censés se présenter en parangon de Vertu, et se prétendent tels ! On a donc beau et faux jeu que de minimiser leurs crimes au prétexte qu’ils ne seraient pas moindres de ceux des autres bergers de la société, comme les instituteurs de la laïque, suivez mon regard. L’argument me renvoie à celui par lequel on oppose le régime castriste de Cuba à une pseudo démocratie capitaliste. Il s’agit bien de dictatures, mais l’un prétend avoir mené son peuple au Paradis socialiste. Ce qui n’excuse nullement l’autre !

Second angle : Ces « anicroches » correspondraient en somme à d’ordinaires anomalies concernant des brebis égarées. Il suffit de les remettre dans le droit chemin et tout ira bien et même mieux qu’avant. Un petit coup de « plaider coupable », quelques contritions – vous savez ces séances publiques, bien médiatisées, de pardonnage impudique et en larmes de crocodiles, même les politicards en raffolent, les patrons brigands encore plus, du moment que ça fait passer les pilules du lendemain… Moyennant quoi tout repart comme avant et, pour ce qui est des systèmes d’aliénation religieuse, tout rentre dans l’ordre ecclésial et surtout séculier. Amen !

Deuxième bout du même bâton, donc. Il touche à la démarche rationnelle, à la science, à la tentative de l’homo sapiens, s’étant mis debout, de voir au delà de la seule chandelle qu’il porte. La pensée construite – c’est-à-dire argumentée et contrée avant validation et poursuite vers l’étape suivante – spécifique de l’animal humain [je tiens cette judicieuse expression de Wilhelm Reich], vaut par sa capacité à éclairer son devenir ; elle implique une idée de mieux-être, d’avancée dans une humanité en marche et soucieuse de n’abandonner rien de ce qui est humain et de ce qui y contribue. Sa rupture d’avec l’irrationalité religieuse repose sur l’ancrage précisément terrestre et non céleste, temporel et non éternel, réel et non contingent.

Elle s’écarte aussi de la foi, soit en l’excluant comme hypothèse non rationnelle, soit en la reléguant au monde de l’intime. Savoir et croire, ça fait deux. Deux états qui se confrontent aussi au quotidien, notamment dans le champ de la (difficile) communication entre personnes, notamment aussi dans l’établissement de ce qu’on appelle réalité ou vérité. Entre parenthèses, le métier de journaliste se trouve précisément à la croisée de ces états selon lesquels se constituent, pour tout un chacun, son propre rapport au monde.

La Science, quant à elle et moins que toute activité humaine, ne saurait s’exclure de la séparation de ces états. Elle part de là et c’est de là aussi que surgit un clivage, voire un schiste : unifier savoir et croyance par élimination « naturelle » de la dernière ; ou bien séparer les deux domaines, considérer qu’ils peuvent fonctionner séparément, voire collaborer.

Que le doute se saisisse du monde scientifique, ou l’interpelle comme on dit, je n’y vois qu’avantage et nécessité. Trop de « certitudes » ou de « vérité » ne peut que nuire à l’établissement des données de la complexité. Mais un soupçon même de croyance, n’entache-t-elle pas l’ensemble de la démarche scientifique – point d’interrogation.

Pour en revenir aux deux « contrevenants » s’opposant au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), je rangerais Courtillot dans la première catégorie – celle des semeurs de doute quant à la Vérité climatique, sous réserve de validité de l’argumentation, bien sûr –, et Allègre dans la seconde, évidemment, celui des manipulateurs délibérés dont les visées peuvent, pour le moins, être suspectées d’intentions « impures » quant à la démarche scientifique. Les 400 climatologues qui lui volent dans les plumes [Le Monde, 2/4/10] semblent posséder de solides arguments. Je dis « semblent » car ils en préparent une présentation prochaine. Mais indépendamment, il y a le personnage même d’Allègre, fortement émetteur d’antipathie – tant de suffisance ubuesque ! tant d’arrivisme politique ! Il y a aussi et surtout son attitude de faussaire l’ayant amené à falsifier des données scientifiques et des courbes – ce qu’il a reconnu en « raison » d’« un choix éditorial ». Et ce qui l’exclut du champ scientifique. De même lorsqu’il conclut son débat avec un écologiste [Yannick Jadot, France Inter, 31/03/10] par, en substance, « De toutes façons, la Nature répare toujours les dégâts des hommes »… – ce qui était déjà, dans les même termes, le credo libéral d’un Madelin, ou des néo-conservateurs états-uniens. Dès lors, il ne reste plus qu’à tirer l’échelle sous ce Nostradamus à la manque et à le renvoyer à ses prédictions volcaniques et autres délires sur l’amiante.

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Une réflexion sur “Allègre, GIEC, curés pédophiles. Science et religion dans le plus obscur climat

  • Purée, cher Ponthieu ,argggg ,impossible d’en rajouter, d’où mon commentaire, je vais pas me gêner. Sachant que les curtons ont des vapeurs qui font monter les ventes des journaux, ce qui échauffe les caboches et nous éloigne des climatoseptiques, que faire ? Planter et biner son jardin peinard, place aux idées fraîches autant qu’aux tulipes et tant pis pour les vielles souches. Je n’ai pas de religion et j’y crois !

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