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« Journée de la francophonie » mon cul !

À Raymond Queneau et à Zazie

- Moi, déclara Zazie, je veux aller à l'école jusqu'à soixante-cinq ans.
  - Jusqu'à soixante-cinq ans ? répéta Gabriel un chouïa surpris.
  - Oui, dit Zazie, je veux être institutrice.
  - Ce n'est pas un mauvais métier, dit doucement Marceline. Y a la retraite.
Elle ajouta ça automatiquement parce qu'elle connaissait bien la langue française.
  - Retraite mon cul, dit Zazie. Moi c'est pas pour la retraite que je veux être institutrice.
  - Non bien sûr, dit Gabriel, on s'en doute.
  - Alors c'est pourquoi ? demanda Zazie.
  - Tu vas nous espliquer ça.
  - Tu trouverais pas tout seul, hein ?
  - Elle est quand même fortiche la jeune d'aujourd'hui, dit Gabriel à Marceline.
Et à Zazie :
  - Alors ? pourquoi que tu veux l'être, institutrice ?
  - Pour faire chier les mômes, répondit Zazie. Ceux qu'auront mon âge dans dix ans, dans vingt ans, dans cinquante ans, dans mille ans, toujours des gosses à emmerder.
Zazie dans le métro, roman de Raymond Queneau, paru en 1959

[dropcap]C'est[/dropcap] donc la Journée, et même la Semaine de la Francophonie ! Et claironnent radios, télés et médiachoses unanimes pour annoncer, cocorico, la Bonne Nouvelle : la langue française deviendrait la seconde en nombre de locuteurs, juste après le mandarin des Chinois. L'addition est fournie clé en main : 700 millions de francophones « à la moitié du siècle », vers 2050… Pour cela, on mise beaucoup sur l'Afrique et sa surpopulation (plus d'un milliard d'habitants à la même période – dont on ne sait quelle proportion aura migré au Nord, ce qui pose un tout autre problème…)

2050, c'est loin et près. Mais, bref, nous n'irons pas vérifier ces projections triomphalistes. Votre serviteur s'est contenté de mesurer l'état de « sa » francophonie. En l'occurence, rien qu'en parcourant une rue de Marseille, la rue Sainte, une des plus anciennes devenue assez branchouille pour qu'on n'y parle plus, ou presque plus, ni le français. Quant au provençal, n'en parlons même plus !… Le quotidien local, encore appelé La Provence, évoquant cette rue, écrit que « c'est the place to be à Marseille »…  D'où cette galerie d'images fraîchement pêchées en ce matin même de la Francophonie glorieuse. S'y ajouteront quelques spécimens du quotidien sus cité, dans lequel les perles anglomaniaques se ramassent à la pelle.

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

10 réflexions sur “<span class="dquo">«</span> Journée de la francophonie » mon cul !

  • Enfin ! Mon ami Gérard enfourche le com­bat qué­bé­cois. En espé­rant qu’il ne soit pas trop tard pour lui à Marseille comme pour moi à Montréal. Mon opti­misme n’en souffre pas moins d’une ané­mie presque résignée…

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  • Ben voi­là… On ne mour­ra plus de l’embôlidre et encore moins de l’embouligue !
    Tout ça c’est la faute aux Beatles, peut-être à Elvis mais pas à Coltrane qui ne chan­tait pas !
    Et comme disait l’autre : Fai de ben a Bertrand , te lo ren­drà en cagant !

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  • Bérilley+Gérard

    Les langues. La langue comme moyen et ins­tru­ment du pou­voir, de la domi­na­tion, comme signe et symp­tôme de la domi­na­tion. L’anglais par­tout où est le com­merce (bra­vo pour l’é­chan­tillon de pho­tos !) Il y avait bien une solu­tion pour évi­ter la domi­na­tion lin­guis­tique d’un ou de plu­sieurs pays sur les autres : l’Espéranto. Mais toutes les dic­ta­tures l’ont com­bat­tu, ain­si que toutes les volon­tés d’im­pé­ria­lisme. Et pour­tant, c’est une langue abso­lu­ment géniale, la plus facile de toute à apprendre, et qui met cha­cun à éga­li­té avec son pro­chain et son loin­tain. En 10 ans, avec l’Espéranto, la com­mu­ni­ca­tion lin­guis­tique mon­diale pour­rait être réso­lue, et au moindre coût de temps et finan­cier. « Vous ne vou­lez pas de l’Espéranto, vous aurez l’an­glais » a dit quel­qu’un il y a déjà quelque temps, et c’est exac­te­ment ce qui se passe.
    Quant à miser sur une sur­po­pu­la­tion afri­caine pour sau­ver la fran­co­pho­nie c’est pure folie. Qu’importe telle ou telle langue si la Planète va à sa des­truc­tion de par l’ex­pan­sion éco­no­mique et démographique.

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  • Martial Maurette Photographe

    Un effort à faire dans l’expertise plu­ra­liste d’une démons­tra­tion des diverses langues mélan­gées, amal­ga­mées, usi­tées, à Marseille. Mr le jour­na­liste, il ne suf­fit pas d’un point de vue très/​trop per­son­nel mais être au plus près des «  faits » ( sans le seul effet angli­ciste… ) Je suis cer­tain que vous trou­ve­rez, hors fran­co­pho­nie, d’autres lan­gages visuel­le­ment dif­fu­sés sur l’espace commercial.
    Respects Gérard.
    (Rien à voir, mais pré­sen­te­ment, il neige blanc, en ce 21 Mars à Venelles)
    Vive la fran­çaise. Vive la France !

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    • Certes… Mais la pré­do­mi­nance de l’an­glais « de mode » est tel­le­ment flagrante !

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      • Je viens d’al­ler visi­ter la rue Sainte : zadig & vol­taire, somew­here, ame­ri­can vin­tage, friends, jui­ce­ry fac­to­ry, ham­mam, par­hé­lie, takoya­ki, pastis&olives, hava­nas, french comp­toir, a casa, carhartt, kothay le shop, la poule noire, a can­ti­na cor­sa, les mets des saintes, utile, feel sport, casa cor­sa, byblos, café de l’ab­baye, san­ta piz­za, blues in mar­seille, école inter­na­tio­nale tunon, life club fit­ness, lets go tatoo, béa-ba, apsa­ra, pizze & sfi­zi, four des navettes, accastillage,../…
        Y’a de l’en­glishe, cong, mais pas que.
        Pour asseoir plus fer­me­ment votre pro­pos, je sug­gère que vous nous fas­siez un topo sur plu­sieurs rues, selon les quar­tiers bour­geois …ou moins.

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        • J’ai dit « pré­do­mi­nance » – et on est à Marseille, pas à Southampton où, si ça se trouve, c’est le fran­glais qui fait la loi des enseignes… Merci pour l’é­nu­mé­ra­tion com­plète – et mer­ci à Google-Street ! C’est plus pra­tique, sur­tout sous la neige, comme aujourd’hui… Mais pour les pho­tos c’est tout de même moins bien, non ? Je cause au pho­to­graphe 😉 J’ai son­né l’a­lerte, à vous de jouer !

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  • J’apprends que c’est Kinshasa qui dès aujourd’­hui est la pre­mière ville fran­co­phone, devant Der Gross Paris et Montréal, si je me sou­viens bien. Le fran­çais, deuxième langue au Monde en 2050, grâce au pul­lu­le­ment démo­gra­phique, qua­si exclu­si­ve­ment afri­cain. Mais au fait, où seront ‑ils alors, les Africains fran­co­phones ? Pour bonne par­tie dans l’Hexagone (chouette, tout y est écrit en fran­glais), après avoir fui pour cause de bombe cli­ma­tique sous les tropiques ?

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  • graille+bernadette

    Merci Geai de nous ouvrir les yeux sur ce risque de perdre notre langue. Ces pho­tos prises dans une des rues de Marseille aus­si pro­ven­çale, au des­sus du vieux port, cou­lant jus­qu’à St Victor. Oui ces mots, enseignes minables nous rendent tristes. Je suis mar­seillaise et pro­ven­çale mais depuis que le Mac Do cras­seux de la cane­bière a rem­pla­cé le superbe café Noailles, plus rien ne m’é­tonne. Nous vieillis­sons. « Le monde bouge », entrai­nant avec lui tout ou par­ties de ce que nous avons aimé. Nos enfants ne le vivent pas comme nous. Ils chantent en anglais, ne connaissent pas Brassens et ses si poé­tiques mots qui nous enchan­taient. Ils regardent l’é­mis­sion « the voice » et ne pensent pas une seule seconde que ce pour­rait s’ap­pe­ler « La Voix ».
    Alors qu’y faire ?
    « L’interview », non l’en­tre­tien avec Annick Girardin était à mon avis plein de bon sens, sans ani­mo­si­té mais avec fer­me­té elle pro­po­sait quelques solu­tions pour déjà cha­cun de nous.
    Comme tou­jours tu es pré­sent dans la vie, ta pen­sée ouvre les consciences sus­cite réflexions et débats.

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  • Enseignes de Marseille…
    Savez-vous Gérard, que c’est un des pre­miers sujets de « repor­tage » lors de notre édu­ca­tion visuelle (et plus), lorsque nous étions jeunes, ambi­tieux et naïfs, en …1974… Aux Beaux-Arts de Marseille-Luminy ? Nous y étu­diâmes cinq ans des trucs ayant à voir avec l’es­thé­tique : Dont les formes et cou­leurs dans les rues médi­ter­ra­néennes, mais que dalle pour le fond dévoi­lé aujourd’­hui… telle que cette anglo­pho­bie pro­ven­çale (Que j’as­sume !) La schi­zo­phré­nie de l’a­te­lier était réchauf­fée par la gué­guerre entre « dits-profs » de Communication et d’Information, entre Graphisme et Photographie, entre Histoire et Médiatisation, entre Technique et Créativité. Je ne suis guère cer­tain que les écoles (de jour­na­lisme ?) d’au­jourd’­hui soient plus matures. Sauf peut-être sur le fait que d’a­bord leur pre­mier pro­blème à résoudre est la ren­trée de pognon, pour consom­mer sans se prendre la tête.
    PS : Pour les com­mandes de « pho­tos », plus per­sonne n’a besoin de moi. Je ne sais faire que cer­taines Photographies, si payées.
    PS bis : Quel plai­sir de vous lire.

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