Impressionnant ! Comment j’ai perdu connaissance à cause d’une Scène de ménage
[dropcap]Je[/dropcap] dois préciser les choses. C’était après l’émission quotidienne, cette série qui date maintenant d’une dizaine d’années, et qui m’a accroché à peu près à mi-course. En effet, j’en suis devenu accroc. Pour les indemnes de la chose : il s’agit d’une suite dynamique de sketches courts mettant en scène des bisbilles de la vie de couple à partir de faits anodins donnant lieu à des couacs de communication. Les personnages sont typés au quart de poil, autant que les situations imaginées, les mises en scène et le jeu impeccable des comédiens. Avec cette série, la chaine fait un tabac d’audience, d’où le dégueuli de pub’ qui l’accompagne à chaque bout, rançon du succès – tant pis. Des dvd immortalisent ces séquences et c’est par la traitrise de l’un d’eux, activé par mon fiston, que je me suis vu précisément mortel.
Valérie Karsenti (Liliane), Frédéric Bouraly (José)
Ce soir-là, dans leur intimité ménagère, et voulant quelque peu la pimenter, Liliane, alias « ma Lily » pour son José de mari, propose à celui-ci une séance de yoga… Vous devez cependant savoir : Liliane est esthéticienne à domicile, José employé de mairie au service des sports. Elle aime soigner ses petites plantes en pots, les arrose à la burette en leur parlant, les taille avec des ciseaux de couturière, se déplace à petits pas de mémé dans sa cuisine. José est un passionné de foot, surtout à la télé, en survêt’, avec des chips et de la bière ; il raffole aussi de chipos qu’il grille sur son barbeuk, souvent flanqué de son pote Jean-Pierre, un beauf de compétition. Lily voue un amour sans limites à Hip-Hop, une bricole de chiwawa dont José ne trouverait même pas matière à amuse-gueule – « ou alors en poêlée… avec des patates ! ». Manu, leur fils unique, fait carrière en Chine où il a épousé une autochtone, est devenu père et eux grands-parents gagas à distance téléphonique. José n’a pas la lumière à tous les étages, mais quand il a des idées, elles sont si farfelues que Lily lève les yeux au ciel et, d’un puissant élan vocal, s’envole vers des aigus exaspérés. Tout semble les opposer, mais l’amour les réunit, non sans fantaisies – et déboires… Ainsi donc, ce soir-là…
Lily, assise en tailleur, entraîne son José vers la relaxation, la concentration… et jusqu’au relâchement musculaire le plus poussé. On voit José ramollir peu à peu, piquer de la gaufre, s’affaisser presque – sauf qu’il est rattrapé par un retentissant… pet. Vous penserez : bof, nul à c…, pas de quoi s’extasier. Vous peut-être, mais moi – qui ai lu tout Rabelais, sans avoir renoncé à mon enfance pipi-caca-prout –, me voilà parti dans un fou-rire à mourir ! Je m’étrangle, n’arrive pas à reprendre mon souffle, qui devient si court que, paf ! je perds connaissance. Mais oui, pour de vrai ! Syncope ! Quand je reviens à moi, je ne sais plus où je suis… Le fiston n’a rien vu, pris qu’il était à se bidonner pour son compte… Le plus marrant dans le sketch, c’est que le gag se ré-pète quatre fois. Quatre fois que je n’ai donc pas vus sur le coup, ce qui me permet d’évaluer la durée de mon évasion cérébrale à quinze-vingt secondes ! Impressionnant !
Du coup, je file sur internet et constate que la chose est bien répertoriée, identifiée : la ventilation étant devenue insuffisante, le cœur n’irrigue plus assez le cerveau, et paf ! Même qu’on peut mourir de rire, et que ce n’est pas une métaphore. Alors là, je dis : Attention José, Lily et la bande de joyeux déconneurs des Scènes de ménages, attention ! Descendez d’un cran dans vos déconnades, au risque, sinon, de vous voir accusés d’homicide – involontaire, certes – mais quand même !
« Être esclave du préjugé peut coûter cher. Ainsi, une femme qui, par coquetterie, n’avait plus pété depuis douze ans, est morte de s’être trop retenue.… » L’art de péter. Pierre Thomas – Nicolas Hurtaud. Payot. 2006. .. Qui sait encore péter de nos jours.… Le monde devient triste, mon bon monsieur…
T’as plus qu’à essayer le Protoxyde d’azote N2O !
Quelle histoire !
Je ne peux m’empêcher de faire le lien entre l’expérience pas banale que tu nous relates avec tant d’humour, toi que je sais lecteur des Essais, avec la chute de cheval de Montaigne qui l’amène aussi à un genre de syncope, un peu différente il est vrai, relatée dans les Essais, Livre II, chapitre 6, De l’exercitation. Pour Montaigne comme pour toi toute expérience vécue est objet de philosophie, d’enseignements, et c’est très beau ainsi. Ton expérience est moins tragique, certes, mais bon rétablissement tout de même !
Merci, cher Gérard, d’évoquer Montaigne et son « accident de circulation » ; je n’y avais pas pensé (ce serait sans doute prétentieux !). J’ai donc relu ce chapitre des Essais : oui, formidable récit et si forte réflexion sur la mort, qu’on rencontre aussi chez Épicure et d’autres philosophes antiques. Du coup, je m’y suis mis aussi, réalisant que, par delà l’anecdote heureusement non fatale, j’aurais bien pu « y passer » « pour de vrai », ce qui ne m’apparaît autrement que chez ce même Épicure : pourquoi craindre la mort ? Avant, elle n’est pas là ; après, nous n’y sommes plus…
Ça m’est aussi arrivé une fois dans une réunion sérieuse quand j’ai été prise d’un fou rire à ne plus pouvoir respirer, parce que je devais me retenir, et plus je me retenais moins je respirais, et je me suis effondrée sans m’en rendre compte ; les collègues m’ont raconté que je m’étais évanouie pendant près d’une minute ! je n’en ai gardé aucun souvenir et au réveil, j’étais absente pendant une bonne minute, sans avoir gardé le moindre souvenir. Mon toubib, consulté ensuite, a relevé une tension faible, tout de même, aux alentours de 10…