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Quand le chanoine Macron s’attaque à la laïcité

Le nouveau « chanoine de Latran » est revenu tout auréolé de son onction pontificale. Macron n’aura pas eu à se faire violence, il a suivi son penchant « naturel », celui de son éducation familiale, parachevée chez les jésuites de La Providence, à Amiens. Pour un président de la République française, tout cela n’est guère bien orthodoxe… mais parfaitement catholique et fort peu laïc. Voyons cela de plus près.

[dropcap]« Ce[/dropcap] titre n’a aucune dimension spirituelle, assure l’Elysée. Vous êtes chanoine de Latran dès que vous êtes président, cela fait partie du package. C’est comme quand vous avez la légion d’honneur. Vous n’êtes pas obligé de vous la faire remettre, mais vous l’avez quand même. » Certes. Mais certains locataires de l’Elysée avaient soigneusement évité d’aller chercher ce titre dont les rois, puis les présidents français, héritent depuis Henri IV.  Hollande s’y était par exemple refusé, et avant lui Pompidou. Sarkozy, lui, s’y était précipité (en compagnie de Jean-Marie Bigard – la classe !). C’est depuis la Basilique Saint-Jean-de-Latran, qu’il avait clamé que « l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur ».

Déjà, le 9 avril dernier au Collège des Bernardins, dans son adresse aux catholiques, Macron avait assuré vouloir « réparer », le lien « abimé » entre l’Église et l’Etat. Il déclare encore : « Je suis convaincu que la sève catholique doit contribuer encore et toujours à faire vivre notre Nation. »

© Placide

Drôle de vision de l'Histoire de France… « La République, contrairement à ce que dit le président, ne s'est pas faite avec l'Église catholique mais contre elle, fulmine le socialiste Jean Glavany. Le parti religieux s'est opposé à la République, et systématiquement, au pouvoir civil. » L'ancien ministre rappelle les positions prises par le pape Pie XI (pontificat de 1922 à 1939), qui condamnait la République et excommuniait ceux qui voulaient réconcilier l'Église et l'État. « Cela a été d'une grande violence. Dire aujourd'hui que l'Église catholique a conforté la République ou a aidé à l'établir est un non-sens politique et je ne comprends pas pourquoi le président dit des choses pareilles. »[footnote]On notera toutefois que Macron a parlé de "Nation", non de "République"…[/footnote]

Pourquoi ? On dirait que Glavany découvre la démagogie politique et la pêche aux voix… tout autant que l’histoire personnelle de Macron. N’a-t-il pas baigné dans un environnement catholique ? Baptisé à 12 ans à sa demande, il effectue la majeure partie de ses études secondaires dans un lycée jésuite. Entre 2010 et 2017, il sera membre du comité de rédaction d’Esprit, revue d’idées ayant notamment publié Paul Ricœur, auquel Macron aime se référer.

Autre fait inquiétant pour ce qui est de la laïcité : le jour même de la rencontre Macron-pape François, passait en deuxième lecture à l’Assemblée nationale la loi dite « de confiance » accordant aux religions une place à part dans la République : au lieu de les soumettre aux mêmes obligations que tout représentant d’intérêt (les lobbies), le Président leur accorde un statut très particulier qui contredit le fait que l'Etat est censé ne reconnaître ni ne salarier aucun culte.

Pire encore, l'autre volet du projet de loi ouvre la possibilité pour les cultes d'obtenir et de gérer des immeubles à objet lucratif. Un moyen d'aspirer de façon détournée des subventions publiques, mais surtout le moyen d'utiliser la manne financière venant de pays étrangers, en opposition flagrante avec la loi de laïcité, déjà mise à mal s'agissant du financement des mosquées et des imams.

Seuls 80 parlementaires – de la majorité – ont présenté un amendement pour s'opposer à ce qu’ils considèrent comme une entorse à la laïcité.

C’est ainsi que la loi dite “de confiance” est devenue celle des coups tordus et des trahisons masquées.

[Avec France Culture, Marianne, Céline Pina de Viv(r)e la République]
• Lire aussi sur « C’est pour dire » : Président. « Dieu est avec nous » : pourvu qu’il ne nous oublie pas !

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

14 réflexions sur “Quand le chanoine Macron s’attaque à la laïcité

  • Il ne manque pas d’air celui-là… Il va toutes nous les faire… Je viens de pas­ser, poli­ti­que­ment, de le la las­si­tude maré­ca­geuse à une inquié­tude uli­gi­neuse. Si !

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      • Sur l’ins­tant c’est ce que j’ai trou­vé de plus aigre. 🙂
        Ceci dit, l’a­bru­tis­se­ment que nous sert l’é­lu par 14% de la popu­la­tion à de quoi inquiéter…
        Mêler la poli­tique à la reli­gion n’a tou­jours don­né qu’une infâme et puante miction…
        En poli­tique comme en reli­gion ce que l’on nomme habi­le­té et intel­li­gence ne sont, à mon humble avis, que roue­rie et méchanceté.
        Athée souhait !!!

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  • Bernard_H

    Le para­doxe dans cette affaire est que les pays qui font réfé­rence en terme social sont des monar­chies consti­tu­tion­nelles et que les femmes y ont exer­cé des pou­voirs que la République Française ne leur a jamais offerts depuis la Révolution Française. Catherine de Médicis, Anne d’Autriche ont effec­ti­ve­ment gou­ver­né la France alors qu’Olympe de Gouges a eu droit à la guillo­tine en remer­cie­ments de son fémi­nisme lors de la Révolution.
    Les pires cri­mi­nels du ving­tième siècle se pro­cla­maient athées et socia­listes (Hitler, Staline et ceux qui les ont pro­mu). Emmanuel Macron aura encore réus­si son coup par cette pro­mo­tion diplo­ma­tique de cha­noine de Latran. Pendant que le peuple jase, les dépu­tés votent tranquilles.

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    • Hitler athée ? De nom­breux témoi­gnages de ses proches et des his­to­riens sont très par­ta­gés sur cette ques­tion ; dans ses dis­cours et ses écrits, il ne fut pas avare de réfé­rences à Dieu. Par exemple, en 1938 à Nuremberg, Hitler a reje­té toute forme de mys­ti­cisme mais a expri­mé sa croyance en Dieu. Selon lui, le tra­vail du nazi devait répondre à une volon­té divine, d’ailleurs invo­quée sans réserve avec le slo­gan « Gott mit uns ! » (Dieu est avec nous). Rescapé d’un atten­tat, il a aus­si évo­qué la Providence. Mais peut-être avait-il aus­si le sou­ci de ne pas heur­ter le peuple alle­mand dans ses convic­tions reli­gieuses… Il n’au­rait pas été le pre­mier en cela… De toutes manières, Hitler comme Staline ne croyaient qu’en eux… et se pre­naient pour des dieux, ou du moins pour des mes­sies cen­sés sau­ver leurs peuples divinisés !

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      • « Gott mit uns » appa­rait comme emblème mili­taire dès le XVIIème s. en Prusse, et c’est… la République de Weimar qui l’im­prime sur le cein­tu­ron des sol­dats de la Reichswehr : Hirler n’a fait que conser­ver pour sa Wehrmacht une tra­di­tion, qui se per­pé­tue­ra d’ailleurs un temps encore avec la Bundeswehr de la RFA. Quant à la Providence, le mous­ta­chu l’in­vo­quait bien plus sou­vent qu’a­près avoir réchap­pé d’un atten­tat, « Mein Kampf » en est truf­fé. Sa foi divine était quand même assez ani­miste, si l’on peut dire, genre mytho­lo­gie nor­dique, il ne s’est marié avec Eva Braun que civi­le­ment, la veille de leurs suicides.

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  • HEROUARD

    Je par­tage évi­dem­ment l’a­na­lyse de la dérive calo­tine de Macron. Juste une pré­ci­sion. Ricoeur n’est pas catho­lique, mais fer­me­ment pro­tes­tant, de gauche, membre his­to­rique du Christianisme social, écri­vant régu­liè­re­ment dans sa revue, et de la Cimade, ONG de défense des réfu­giés. Certes, Macron a joué pen­dant deux ans un rôle de docu­men­ta­liste « dans les méandres du pay­sage his­to­rio­gra­phique », ce sont ses termes selon son prof d’his­toire à Sciences Po, François Dosse*, qui l’a pré­sen­té à Ricoeur, alors en pleine pré­pa­ra­tion de son ouvrage qui paraî­tra en 2000 « La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli ». Au fur et à mesure , Macron élar­git son rôle à celui de conseiller édi­to­rial, au juge­ment sûr si l’on en croit les exemples don­nés par Dosse. Ricoeur venait de perdre sa femme, com­pagne de tou­jours, et vis-à- vis éclai­rée de son mari. Il ne s’a­git pas de mettre en doute la réa­li­té de longues conver­sa­tions entre le vieux phi­lo­sophe (83 ans), alors cou­pé de la jeu­nesse étu­diante et le jeune homme brillant de 21 ans. Macron était d’ailleurs loin d’être igno­rant en phi­lo­so­phie, il aurait com­men­cé un DEA sur Hegel sous la direc­tion de l’al­thus­sé­rien Balibar. qui le conteste. En tout cas, Macron ne le sou­tien­dra pas, pro­dui­sant en cours d’é­tude un tra­vail sur Machiavel. Je ne glo­se­rai pas sur le choix de ces auteurs. Je rap­pelle seule­ment que Macron n’a pas été assis­tant de Ricoeur au sens uni­ver­si­taire, et que s’il a sans doute beau­coup appris auprès de lui, il est abu­sif de lais­ser entendre qu’il en serait un dis­ciple, Ricoeur étant « son men­tor » comme l’a écrit l’Express. Le ET dia­lo­gique de Ricoeur n’a pas grand chose à voir avec l’embrouille du « en même temps » asso­ciant l’huile et l’eau, la crois­sance et la soli­da­ri­té, les cadeaux fis­caux aux riches et la vis ser­rée aux pauvres, le pro­duc­ti­visme et l’é­co­lo­gie, l’a­gri­cul­ture inten­sive au gly­pho­sate et le bio.
    *Le Philosophe et le Président

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    • Laurence V

      Merci pour ces inté­res­santes pré­ci­sions. De mon côté, il me semble que la revue Esprit se situe plu­tôt dans la mou­vance spi­ri­tua­liste chré­tienne de gauche.

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      • HEROUARD

        Fondée en 1932 par Emmanuel Mounier, Esprit est la revue du mou­ve­ment per­son­na­liste, lequel n’a plus de struc­ture orga­ni­sa­tion­nelle, mais per­dure comme car­re­four d’a­mi­tiés et de sen­si­bi­li­tés proches. Au cours de l’his­toire, le fil rouge des posi­tions poli­tiques d’Esprit est l “anti-tota­li­ta­risme et la défense des droits de l’homme. Dans sa propre pré­sen­ta­tion, elle ne se réclame pas du chris­tia­nisme, pas plus qu’ aujourd’hui, Les Temps modernes ne se réclame de l’exis­ten­tia­lisme, ou Europe du com­mu­nisme. Dans tous ces cas, il s’a­git plus d’un cou­rant cen­tral aux fron­tières floues et ouvert au débat. Toutes ces revues de réfé­rence pour­raient se pré­sen­ter comme le fait Le Débat : « revue d’analyse et de dis­cus­sion ouverte à toutes les réflexions qui per­mettent de mieux com­prendre les évo­lu­tions du monde contem­po­rain ». Il suf­fit de jeter un coup d’œil sur les som­maires pour consta­ter le large éven­tail de signa­tures, qui peuvent se retrou­ver dans plu­sieurs revues. Bref, l’in­tel­li­gent­sia, terme non péjo­ra­tif sous ma plume
        Ricoeur a sou­vent écrit dans Esprit. Son dis­ciple ? dau­phin ? com­ment dire ?, Olivier Abel, pro­fes­seur de phi­lo­so­phie éthique à l’Institut de Théologie pro­tes­tante (entre autres) est un membre actif du comi­té de rédaction.
        Macron a écrit cinq articles de bonne tenue dans Esprit, dont l’un inti­tu­lé « Lecture de « La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli », auquel il col­la­bo­ra dans les moda­li­tés que j’ai dites das mon pre­mier post. On n’est jamais mieux ser­vi que par soi-même ! Excusez la lon­gueur, je n’y revien­drai pas, promis ;

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  • Gérard Bérilley

    Macron est un fléau, c’é­tait pré­vi­sible, c’est une réa­li­té. C’est pour moi le pré­sident le plus dan­ge­reux quant au social et à la démo­cra­tie de la 5ème répu­blique, et de très loin.
    Bravo et remer­cie­ments à Herouard pour ses éclair­cis­se­ments. Relire Emmanuel Mounier, Denis de Rougement et tant d’autres.
    Je regrette qu’l n’y ait pas pos­si­bi­li­té de com­men­taires pour les « Le P’tit coin » qui sont tous per­ti­nents ! Sur celui du 28/​6/​2018 : si le mot « race » est abo­li, est-ce que le mot racisme a encore un sens ? Voilà une bonne ques­tion. Pour ma part j’ai tou­jours pen­sé que le pro­blème n’é­tait pas dans l’exis­tence ou non de races, mais dans la « hié­rar­chie des races » vou­lue et pro­cla­mée par cer­tains. C’est comme si l’on vou­lait faire dis­pa­raître une dif­fé­rence au nom de l’é­ga­li­té ! Avec des rai­son­ne­ments pareils, l’on pour­rait faire dis­pa­raître les dif­fé­rences masculin/​féminin, homme/​femme, au nom de l’é­ga­li­té. Certains l’ont fait. Je me rap­pelle avoir enten­du à la télé­vi­sion Albert Jaccard jus­ti­fier la néga­tion des dif­fé­rences même sexuelles, pour lui il n’y en avait pas ! En fait tout bon­ne­ment la dis­pa­ri­tion de la sexua­tion de l’hu­ma­ni­té, de notre vie de mam­mi­fères, excu­sez du peu. C’est comme pour les métiers, le tra­vail : dif­fé­rents tra­vaux sont néces­saires à l’hu­ma­ni­té, pour­quoi fau­drait-il que cer­tains soient mieux rému­né­rés que d’autres ? Pourquoi pas l’é­ga­li­té en droit, l’é­ga­li­té éco­no­mique réelle, dans la dif­fé­rence ? Un méde­cin, à salaire égal, pré­fé­re­rait-il être aide-soi­gnant, voire tra­vailler sur la voi­rie en uti­li­sant un mar­teau-piqueur plu­sieurs heures par jour ? Voilà encore une ques­tion qui n’est jamais posée. La ques­tion n’est pas dans l’exis­tence de dif­fé­rences, fussent-elles d’es­sences (dites actuel­le­ment par l’in­tel­li­gent­sia « essen­tia­li­sées » !) , mais dans l’i­né­ga­li­té éco­no­mique et sociale, comme le disait tou­jours le grand Bakounine.

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    • HEROUARD

      Gérard Berilley inter­roge : « si le mot “race” est abo­li, est-ce que le mot racisme a encore un sens ? » Ben oui mon cama­rade, car la réa­li­té du racisme per­dure, et l’on a donc besoin du mot qui désigne ce fait social. Le légis­la­teur se raconte des his­toires et nous enfume : J’te sup­prime le mot race, et zou, plus de racisme, you­pi ! Hélas, le racisme est une CROYANCE (accom­pa­gnée des com­por­te­ment qui l’ex­priment) selon laquelle il exis­te­rait des races, la mienne étant bien sûre supé­rieure aux autres. Toute croyance, aus­si fal­la­cieuse soit elle, pro­duit des effets psy­chiques et sociaux. Penser que reti­rer le mot « race » du texte consti­tu­tion­nel ferait recu­ler le fait social « racisme » relève d’une illu­sion nomi­na­liste. Il ne fau­drait pas que cette espèce de pen­sée magique conduise le légis­la­teur tout fié­rot de son audace huma­niste et répu­bli­caine à abo­lir dans la fou­lée les lois qui font des mani­fes­ta­tions du racisme des délits, par ex. la Loi no 72 – 546 du 1er juillet 1972 au nom de laquelle Zemmour et Minute ont été péna­le­ment condam­nés. A surveiller.

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    • HEROUARD

      Gérard Berilley inter­roge : « si le mot “race” est abo­li, est-ce que le mot racisme a encore un sens ? » Ben oui mon cama­rade, car au delà du tour de passe-passe, la réa­li­té du racisme va per­du­rer, et l’on a donc besoin du mot qui désigne ce fait social. Le légis­la­teur se raconte des his­toires et nous enfume : J’te sup­prime le mot race, et zou, plus de racisme, you­pi ! Hélas, le racisme est une CROYANCE (accom­pa­gnée des com­por­te­ment qui l’ex­priment) selon laquelle il exis­te­rait des races, la mienne étant bien sûre supé­rieure aux autres. Toute croyance, aus­si fal­la­cieuse soit elle, pro­duit des effets psy­chiques et sociaux. Penser que reti­rer le mot « race » du texte consti­tu­tion­nel ferait recu­ler le fait social « racisme » relève d’une illu­sion nomi­na­liste. Il ne fau­drait pas que cette espèce de pen­sée magique conduise le légis­la­teur, tout fié­rot de son audace huma­niste et répu­bli­caine, à abo­lir dans la fou­lée les lois qui font des mani­fes­ta­tions du racisme des délits, par ex. la Loi no 72 – 546 du 1er juillet 1972 au nom de laquelle Zemmour et Minute ont été péna­le­ment condam­nés. A surveiller.

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      • Gérard Bérilley

        J’avais posé une ques­tion décou­lant de ma lec­ture du « P’tit coin » du 28/​06/​2018 : « Si le mot « race » est abo­li, est-ce que le mot racisme a encore un sens ? » Je crois cette ques­tion per­ti­nente quant à la logique.
        Le mot « racisme » est éla­bo­ré avec un suf­fixe « isme » acco­lé à une racine « race », et l’on me dit main­te­nant que le mot race est infon­dé, que les races n’existent pas, que cette racine lin­guis­tique n’a pas de sens. Or, si les races n’existent pas, si le mot « race » concer­nant l’humanité n’a pas de sens, com­ment un mot déri­vé du mot race peut-il encore avoir un sens ? Peut-il y avoir racisme sans race ? Qu’est-ce qui fonde le racisme alors si ce n’est pas une ques­tion de races ? Et qu’appelle-t-on com­mu­né­ment race ?
        C’est pour moi comme si l’on vou­lait abo­lir le natio­na­lisme en disant que les nations n’existent pas ; comme si l’on vou­lait abo­lir le sexisme en disant (comme Albert Jacquard) que les sexes n’existent pas, autre­ment dit qu’il n’y a pas de dif­fé­rence sexuelle entre le mas­cu­lin et le féminin.
        Je crois que c’est une fois de plus la « bien-pen­sance » qui pré­tend régler un pro­blème par un tour de passe-passe en fai­sant dis­pa­raître un mot, en niant une dif­fé­rence qui pour­tant saute aux yeux de tous.
        Quelque chose, de mon point de vue, est grave ici : ce tour de passe-passe laisse croire qu’être raciste c’est pen­ser qu’il y a des races, que le racisme consis­te­rait jus­te­ment en ceci : pen­ser qu’il y a des races. Or, pour moi, le racisme n’est pas là : le racisme c’est pen­ser qu’il y a des races supé­rieures ou infé­rieures à d’autre, de même que le sexisme n’est pas dans la recon­nais­sance de la dif­fé­rence des sexes mais dans le fait d’affirmer qu’un sexe est supé­rieur à l’autre, a plus de valeur que l’autre.
        Qu’il y ait exis­tence de races ou pas, pour moi la ques­tion n’est pas là, elle est dans la recon­nais­sance ou non de la digni­té humaine et des droits humains fon­da­men­taux pour tous les êtres humains, c’est-à-dire pour CHAQUE ETRE HUMAIN, quels que soient son sexe, sa cou­leur de peau, sa reli­gion ou non, etc. (En fait les droits énon­cés dans la Déclaration Universelle de 1948, dont l’Article pre­mier « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en digni­té et en droits. Ils sont doués de rai­son et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »)
        L’on me dit main­te­nant, les bio­lo­gistes et autres scien­ti­fiques « de gauche », que les races n’existent pas, car par exemple le sang d’un noir ou d’un blanc, du même groupe san­guin, sont les mêmes. Aucun doute là-des­sus. L’espèce humaine est une, depuis la mort de Neandertal. Mais le racisme ne s’est pas fon­dé sur des ana­lyses bio­lo­giques, mais sur des appa­rences visuelles : un noir est noir, un blanc est blanc, etc., et cela conti­nue ain­si, avec en plus le « racisme » cultu­rel qui a tou­jours exis­té. Donc, pour lut­ter contre le racisme, il ne suf­fit pas de dire qu’il n’y a pas de dif­fé­rences, il faut recon­naître les dif­fé­rences qui sont, qui existent, MAIS DIRE QUE CES DIFFERENCES N’IMPLIQUENT EN RIEN UNE HIERARCHIE.
        Une fois de plus, je constate que la méthode de ceux qui veulent mettre fin à une injus­tice n’est pas la bonne. Si l’on com­bat bête­ment la conne­rie, il ne faut pas s’étonner que la conne­rie perdure.

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        • HEROUARD

          Je suis bien d’ac­cord sur le fait que le sujet essen­tiel est la néga­tion de l’é­gale digni­té des membres de l’es­pèce humaine, qui est UNE comme vous le recon­nais­sez, et donc comme je sou­tiens, ne sau­rait com­por­ter de races. La géné­tique confirme l’u­ni­té du genre humain et le carac­tère secon­daire des dif­fé­rences telles que les cou­leurs de peau. La notion de race est fort récente. Je ne nie pas bien au contraire, les iden­ti­tés cultu­relles par défi­ni­tion dif­fé­rentes, mais impos­sibles à hié­rar­chi­ser. Levi-Strauss l’ex­plique très bien dans ses deux essais « Race et his­toire » et « Race et culture ». Mais je tiens que cette notion de race, que vous ne défi­nis­sez pas, car per­sonne n’y arrive …et pour cause, je tiens que la notion de race est faite pour jus­ti­fier les effets de la domi­na­tion de la « race supé­rieure » sur les « races infé­rieures ». Sans aller cher­cher l’a­rya­nisme des hit­lé­riens, il suf­fit de relire la jus­ti­fi­ca­tion de la colo­ni­sa­tion par notre bon Jules Ferry (dis­cours du 28 juillet 1885, cf. le J.O.)
          « Qu’il y ait exis­tence de races ou pas » dîtes-vous …mais pour vous elles existent bel et bien, en tant que « dif­fé­rence qui pour­tant saute aux YEUX de tous » (et pour­quoi pas au nez de tous, M. Chirac ?) : « un noir est un noir, un blanc est un blanc ». Vous oubliez le Jaune, qui com­plé­tait la tri­lo­gie de Gobineau. Avouez que c’est un peu court comme défi­ni­tion, j’ai connu des peaux déli­cieuses que ce maigre voca­bu­laire ne pou­vait défi­nir ;-). Les « savants » sud-afri­cains de l’a­par­theid raf­fi­naient à l’in­fi­ni des sous-clas­si­fi­ca­tions engen­drées par les métis­sages des quatre groupes de base de leur Population Registration Act de 1950 (abo­li en juin 1991) : Bantous (Noirs afri­cains), Européens (Blancs), Métis (Coloureds) et Asiatiques (Indiens). Idem aux Etats-Unis de l’es­cla­vage et de la ségré­ga­tion, avec toutes les nuances des peaux « mulâtres ». Pour les nazis, un seul arrière-arrière-aïeul vous fai­sait juif. D’ailleurs, de quelle race sont les Juifs sui­vant l’Act de 1950 ? Blanc de peau ? asia­tiques ? sémites n’existe pas dans cette clas­si­fi­ca­tion, qui n’au­rait d’ailleurs pas valu pour les Azkhénazes.
          Levi-Strauss lie comme vous race et racisme, mais pour un effet inverse : »« Le racisme est une doc­trine qui PRÉTEND voir dans les carac­tères intel­lec­tuels et moraux attri­bués à un ensemble d’individus l’effet néces­saire d’un com­mun patri­moine géné­tique » in « Le regard éton­né » . J Dire que la race est une réa­li­té maté­rielle au motif qu’existe le mot race, cela s’ap­pelle du nomi­na­lisme. Tout autant que déduire du mot Dieu l’exis­tence du Dit. Je main­tiens donc qu’aus­si fal­la­cieuse, ou illu­soire, si vous pré­fé­rez, soit une « doc­trine » (je pré­fère dire « croyance », plu­tôt que doc­trine ou « idéo­lo­gie »), elle pro­duit des effets. Compte tenu de l’u­ni­té du genre humains, (qui s’ac­cé­lère, pour le meilleur et pour le pire), les races n’existent qu’en tant que repré­sen­ta­tions ima­gi­naires, qui pro­duisent ce fléau aux effets bien réels : le racisme. Supprimer le mot race de la Constitution est une fou­taise déma­go­gique, mais qui pour­rait avoir un jour comme effet le démon­tage des péna­li­tés appli­quées aux actes racistes, ou la délé­gi­ti­ma­tion des ONG et asso­cia­tions anti-racistes et des maigres avan­tages en décou­lant (fis­ca­li­té des dons et cotisations).
          Ne me faites sur­tout pas dire que je vous aurais trai­té de raciste ! Je vous crois sin­cè­re­ment anti-raciste. Et je sous-signe votre : « Si l’on com­bat bête­ment la conne­rie, il ne faut pas s’étonner que la conne­rie per­dure ». Cordialement

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