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Marseille. Fin de règne sur une ville-façade et cache-misères

Temps de lecture ± 11 mn  

À Marseille, c’est aussi le « système Gaudin » qui s’est effondré avec les trois immeubles et les huit morts ensevelis sous les décombres de la rue d’Aubagne, proche de la Canebière. Ce maire en fin de mandat et de parcours clientéliste (après plus de vingt ans de règne, il ne se représente plus) a surtout œuvré pour la bourgeoisie, faisant de Marseille une ville-façade – celle des itinéraires touristiques qui suivent les bords de mer, parcourus à pleins « traine-couillons », ces petits trains-diésel montant jusqu’à la Bonne-Mère ou passant par le folklorique Panier. Ils évitent même la Canebière, ne risquant pas de s’aventurer du côté de Noailles, quartier du centre, trop délabré.

63-65 rue d'Aubagne, 6 novembre 2018
63-65 rue d’Aubagne, 6 novembre 2018

Gaudin et sa bande ont joué les cache-misères, misant sur une ville à gentrifier, à boboïser pour parler moderne. Il s’agit de garder le « cachet » historico-folklorique, d’en valoriser le côté « authentique » en expulsant ce qui ferait tache dans le décor : les pauvres. Lesquels étant assignés au centre-ville en déshérence, ou relégués dans les « quartiers », livrés à la ghettoïsation[ref]Terme historique, hélas trop connu. Antonyme de boboïsation ; c’est fou ce que la langue s’enrichit, contrairement aux gueux…[/ref] dans des habitats délabrés, des taudis appelés à s’effondrer « d’eux-mêmes » – au risque mortel des événements actuels. Il s’agit de faire de ce Marseille-canaille, cagole[ref]Stéréotype de la Marseillaise vulgaire et sympathique, « nature » et tapageuse par le verbe, les habits, les bijoux, le maquillage… Elle est « trop ».[/ref] malpropre, malfamé, dangereux, une ville de carte-postale, non pas de carton-pâte mais de bon béton bien attractif, bien propice aux affaires, attracteur de croisiéristes et de start-up, entre autres emblèmes de la modernité du spectacle technolâtre et de la consommation aisée.

Toute l’ancienne zone portuaire de la Joliette, des docks, des entrepôts est en proie aux grandes transformations immobilières sous l’appellation d’Euroméditerranée.[ref] Cette opération de rénovation urbaine vise notamment à créer un quartier d’affaires. Le projet est lancé en 1995 à l’initiative de Robert Vigouroux, maire post-defferriste de Marseille, et de l’État, financeur à 50%. L’urbanisation à outrance frappe la plupart des grandes villes et leurs élus. Elle s’accentue encore avec le credo de la métropolisation visant à densifier les zones urbaines afin d’en augmenter leur rentabilité marchande. Voir aussi Marseille. Cette belle catin tape-à-l’œil[/ref] C’est là, au débouché des flux croisiéristes, que s’agrandit encore la vitrine marseillaise, dominée par ses deux tours : celle de la compagnie maritime CMA-CGM,  et la toute récente, La Marseillaise, due à Jean Nouvel.[ref]Ouvrage d’allure non fini, comme bardée d’échafaudages vaguement tri-colorés.[/ref]

La façade Euroméditerranée.
Tout dans la façade…

Derrière cette façade en trompe-l’œil, derrière le luxe consommatoire des Terrasses du Port, les pelleteuses s’emploient à grignoter la crasse historique, celle du IIIe arrondissement, qualifié de « l’arrondissement le plus pauvre de France »[ref]Titre de l’émission Les Pieds sur terre, France Culture, 21/01/2018.[/ref]. Tandis qu’à l’autre bout de la ville, selon sa polarité sociologique nord-sud, se déploient villas cossues, immeubles chics, résidences sécurisées. C’est le Marseille de Gaudin, celui de son électorat, là où il habite, d’ailleurs, à Mazargues. C’est l’autre Marseille, le classieux, s’étalant surtout en bord de mer, le long de la corniche et ses riches villas.[ref]La Ville vient d’y entreprendre la réfection d’une partie de la Corniche Kennedy : cinq ans de travaux en quatre phases pour environ 28 millions TTC ; partenariat Métropole – Bouygues travaux publics. Sans doute nécessaire et, certes, gouverner c’est choisir…[/ref]

Alors Noailles ! Maudit quartier pourtant pas si éloigné physiquement de la mairie, et qui relève bien de sa compétence, si on ose dire. On le sait, « il n’y a pas loin du Capitole (la mairie) à la roche Tarpéienne (rue d’Aubagne) »[ref]Le Capitole est le cœur du pouvoir religieux de la République romaine. Non loin, se trouve la roche Tarpéienne d’où les condamnés à mort étaient précipités. Ce qui arriva au consul Marcus Manlius, reconnu coupable d’avoir voulu établir une tyrannie.[/ref] et Gaudin vient sans doute de réaliser que sa fin de règne sera rien moins que glorieuse.

Plus que lent à réagir au drame de la rue d’Aubagne (la faute à la pluie ! fut-il d’abord avancé, côté mairie) – après avoir fait donner de la voix à son adjointe, bafouillant des prétextes de lenteurs administratives –, il a dû se résigner à une explication publique, via une conférence de presse. Il s’y est montré sur la défensive et agressif, bien moins à l’aise que dans ses habituelles pagnolades. Ne vient-on pas de lui ressortir un rapport bien gênant ? En l’occurrence celui de l’inspecteur général honoraire de l’administration du développement durable, Christian Nicol, sur l’état du patrimoine immobilier de Marseille. L’expertise, demandée par le gouvernement, estimait à 40 000 le nombre de logements indignes et à 100 000 le nombre d’habitants exposés à un risque pour leur santé ou leur sécurité… Autres données accablantes, celles de la Chambre régionale des comptes évaluant à seulement 1800 les logements effectivement réhabilités depuis 15 ans. Face à ce tableau, le maire s’enorgueillit d’avoir affecté 35 millions d’euros à la lutte contre l’habitat indigne et insalubre. Depuis 2005 ! Soit moins de 3 millions par an, ce qui est dérisoire face à un tel état des lieux.[ref]Dire que Gaudin, maire de Marseille, fut ministre de la Ville en 1995 dans le gouvernement Juppé II ! De même avait-il été, sous la mandature de Gaston Defferre, en 1971, conseiller municipal en charge de la commission de l’urbanisme…[/ref]

Mais quand, lors de la même conférence de presse, une journaliste l’interroge sur les 56 millions d’euros dépensés pour la construction d’une patinoire, Jean-Claude Gaudin s’offusque et affirme haut et fort « ne rien regretter ». « La patinoire, ajoute-t-il, a été intégralement payée par la ville de Marseille et a un énorme succès, on ne peut pas comparer ». En effet, c’est incomparable !

Marseille. Entre la rue de Rome et la rue d'Italie
Entre la rue de Rome et la rue d’Italie. [dr]
Voilà ce qui tient lieu d’urbanisme marseillais : une politique de pourrissement et d’abandon des quartiers populaires visant à l’éloignement des habitants pauvres. Ce qui vient de se produire à Noailles l’illustre de manière dramatique. Non pas que les élus aient jamais souhaité de tels événements, bien sûr. Mais leur politique les accable et ne saurait les décharger de leur responsabilité.[ref]Une série de perquisitions ont été menées le 13 novembre dans plusieurs services municipaux.[/ref]

Marseille a mal à son centre historique – en gros de part et d’autre de la Canebière. Cette avenue autrefois prestigieuse a perdu son lustre et ne parvient pas à le recréer. La fin des colonies, puis la désindustrialisation ont précipité le déclin de la grande ville portuaire, de plus embarquée dans une urbanisation à base d’autoroutes et de grands ensembles d’habitation, ce qui deviendra, avec l’afflux des immigrations, les fameuses cités des quartiers Nord. Le centre aussi sera affecté par ces bouleversements urbains. Ainsi, en décembre 2001, dans le quotidien La Tribune, Jean-Claude Gaudin ne tournait pas autour du pot en déclarant : « Le Marseille populaire, ce n’est pas le Marseille maghrébin, ce n’est pas le Marseille comorien. Le centre a été envahi par la population étrangère, les Marseillais sont partis ». [ref]Cité par Philippe Pujol, La Fabrique du monstre, 2016, Éd. Les Arènes.[/ref] On ne saurait reprocher au maire de donner alors dans le politiquement correct… En pariant qu’il ne reprendrait pas de tels propos à son compte en 2018… et a fortiori après le drame de Noailles.

Pour le centre historique, le nœud du problème se trouve en grande partie dans la transformation d’un quartier aristocratique, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, en un quartier populaire comptant aujourd’hui une majorité habitants d’origine immigrée à faibles revenus.  Autrement dit des pauvres, attirés par des bas loyers et les regroupements plus ou moins communautaires. La dégradation des immeubles a été la conséquence de cette transformation démographique. Le quartier de Noailles est depuis 20 ans, l’objet d’opérations dites de « requalification », dans le cadre d’un périmètre de restauration immobilière aux résultats éloquents mis en évidence dans le Plan-guide de rénovation du quartier Noailles[ref] Document commandé par la Soleam, la société publique locale d’aménagement de la Ville qui gère notamment le projet “grand centre-ville”. S’appuyant sur cette étude et l’enquête de ses journalistes, le site d’information Marsactu avait, parmi les premiers, alerté sur « La lutte sans fin contre l’habitat indigne à Noailles » : ici et .[/ref] : « 48 % des immeubles sont considérés comme du bâti indécent ou dégradé. Seulement 11 % sont identifiés comme en bon état structurel et d’entretien ».

Un autre rapport, très approfondi, mené par Philipe Langevin, professeur et économiste, a été publié en mai 2018 sous l’intitulé Pauvres à Marseille – Un besoin urgent de fraternité[ref]Commande du Centre chrétien de réflexion. L’intitulé ne devrait-il pas plutôt porter directement sur le besoin de justice sociale ?[/ref] sonne sévèrement l’alarme.

Sans dénier l’effectivité d’une relance de la ville due à de multiples réalisations, souvent prestigieuses et donc orientée vers l’effet de vitrine, l’étude en montre précisément les limites quant à ses effets sur la population marseillaise :

[…] « Cette économie moderne ne concerne qu’une partie des Marseillais, les plus formés, les plus mobiles, les plus performants. Tous les autres restent à l’écart. […] Cette ville d’ouvriers et d’employés est devenue une ville d’ingénieurs et de cadres, souvent venus d’autres régions de France, voire de l’étranger apporter leurs compétences au service d’un nouveau Marseille. Dès lors, affrontant un chômage persistant et de graves difficultés pour se loger, plus du quart des Marseillais vivent en dessous du seuil de pauvreté et un autre quart autour du revenu minimum. »Autrement dit : « Le propos ici est de dénoncer un discours suivant lequel les secteurs performants de l’économie auraient permis à ceux qui ne le sont pas de le devenir grâce aux effets d’entrainement nommés aujourd’hui effets de ruissellement. […] Dans une ville de quartiers, les territoires riches n’améliorent pas les conditions de vie des territoires pauvres. » (D’autres extraits de ce rapport dans l’encadré ci-dessous.)

Marseille apparaît bien comme la résultante classique de la politique libéraliste, en ce sens tout à fait macroniste, modèle dominant qui frappe villes et territoires du monde capitaliste. L’effondrement des taudis du centre de Marseille en est l’illustration dramatiquement symbolique. Gaudin en est le héraut parmi d’autres. Il en sera aussi sans doute la première victime exhibée depuis « sa » ville-vitrine, donc bien en vue à la face de la France, de l’Europe et sans doute au-delà. Tel apparaît au grand jour l’envers du décor de ce « Plus belle la vie », feuilleton en carton-pâte faussement marseillais et si prisé par les amateurs d’illusions.

Au-delà d’un discours convenu… derrière la façade

Extraits du rapport Pauvres à Marseille – Un besoin urgent de fraternité. « Dans une ville structurellement inégalitaire, l’amélioration des conditions de vie des uns et pas des autres remet en question l’unité même de la cité. » […] « Au-delà d’un discours convenu sur la force de ses migrations successives, sur la qualité de ses associations, sur son hospitalité généreuse et sa capacité à échanger et à se comprendre, Marseille isole de plus en plus la partie la plus précaire de ses habitants qui voient la ville se transformer sans qu’ils en aient leur part. Les nouveaux logements sont trop chers pour eux, les emplois créés ne leur sont pas accessibles, l’université leur est étrangère. Alors, ils se replient sans bruit sur des vies pauvres que la statistique ne connaît pas et que les cadres supérieurs, les ingénieurs et les aménageurs ne rencontrent jamais. Ici, les pauvres sont plus pauvres qu’ailleurs et les riches plus riches qu’ailleurs. Dans une ville des extrêmes, les moyennes perdent leur sens. La pauvreté n’est pas un chiffre. Pour la combattre, il faut savoir la regarder. »

Marseille - Rue de Noailles
Rue de Noailles, 1810. Avant l’incendie des Nouvelles galeries.

« On pouvait s’en douter. Mais une étude récente[ref]Thomas Kirszbaum- ENS Cachan- « Lutter contre les discriminations ethno- raciales : un enjeu pour la cohésion sociale et territoriale de la métropole »-Août 2015.[/ref] démontre que, dans tous les domaines (emploi-logement-éducation), les Marseillais d’origine étrangère font l’objet de discriminations ethno-raciales constantes. Il leur est plus difficile d’obtenir un emploi ou un logement. Leur scolarité est perturbée par leur origine. Le qualificatif  d’Arabe en dit long à Marseille sur un racisme latent qui peut s’exprimer encore plus violemment envers les Roms, les Africains, les Comoriens ou les habitants originaires des pays de l’est. C’est toute la cohésion sociale et territoriale qui est mise à mal pour ces enfants d’immigrés de la deuxième ou troisième génération qui, finalement, s’intègrent beaucoup plus difficilement que leurs grands-parents ou parents de la première génération.

« Le quartier de Perier, dans le 8° arrondissement, est, hors Paris, le plus riche de France.  […] Parmi les 100 quartiers les plus pauvres du pays, 25 sont à Marseille.

« On cite souvent comme exemple contraire les spectateurs de l’OM qui viennent de tout Marseille. Ce serait oublier que les « nordistes » et les «sudistes » ne se mélangent pas. Les spectateurs des quartiers nord se placent dans le virage nord. Les spectateurs des quartiers sud se placent dans le virage sud. Les officiels bénéficient de tribunes louées par les entreprises et les collectivités territoriales.[ref]Christian Bromberger, Revue Mappemonde, 1989.[/ref]

« Les hôpitaux des quartiers nord sont débordés dans une ville où l’accès aux soins n’est pas le même pour tous. Les immenses cités HLM du nord de Marseille organisent une ségrégation sociale de fait et participent à une insécurité latente redoutable.

« Les classes favorisés scolarisent leurs enfants dans l’enseignement privé, peu présent à Marseille dans les quartiers nord, fréquentent les mêmes lieux (cercle des nageurs, technopôles, théâtres, piscine de Luminy, tribunes du stade Vélodrome..), les mêmes quartiers commerciaux (rue Grignan, Terrasses du port…), les mêmes espaces culturels  (Friche Belle de Mai, Mucem) et ne se mélangent plus avec le reste des Marseillais. Il y a peu de logements sociaux dans les quartiers sud et peu de services publics dans les quartiers nord. L’érosion de la mixité sociale menace le modèle républicain. La gentrification des anciens quartiers ouvriers contribue à cette segmentation. L’exemple de la rue de la République est significatif à cet égard. Toute tentative de construction de logements sociaux dans ces quartiers rencontre une opposition radicale de leurs habitants et de leurs représentants. Les cadres n’ont pas besoin des ouvriers ou des employés. Ils s’en écartent le plus possible, socialement, économiquement et territorialement. Les élus, et notamment ceux des quartiers nord et centraux de la ville, n’y habitent pas. La densité d’élus locaux dans le 7° arrondissement est étonnante. »

 

Le feu à la Plaine

[dropcap]Des[/dropcap] taudis qui s’effondrent ici, un mur qu’on érige là. Non loin de Noailles, la place Jean-Jaurès fait l’objet d’un vaste chantier urbanistique contre lequel les habitants du quartier de la Plaine veulent s’ériger en zone-à-défendre (ZAD) – là même où les Communards marseillais avaient tenté de faire vivre l’insurrection de 1871. Tout un symbole. La tension y est si vive entre la population, la mairie et ses promoteurs, qu’un mur de béton a dû être érigé en urgence afin de permettre le début des travaux. Ce mur a d’ailleurs été en partie renversé par les opposants, puis relevé sans tarder. Le lien entre ce quartier de la Plaine et celui de Noailles : une même politique d’urbanisation. [Images : aujourd’hui et demain, l’espace d’une gentrification dont ne veulent pas les riverains.]

 

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

6 réflexions sur “Marseille. Fin de règne sur une ville-façade <span class="pt_splitter pt_splitter-1">et cache-misères</span>

  • Binoit

    Article et documentation remarquables. On aimerait toutefois savoir “qui” sont les propriétaires de ces immeubles insalubres et croulants.

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    • Réponse fournie par “Marsactu” ce 16/11/18 :
      ” Le président du conseil régional Renaud Muselier annonce qu’il retire ses fonctions à Xavier Cachard, co-propriétaire du 65 rue d’Aubagne, ainsi qu’à Arlette Fructus, adjointe au maire de Marseille et présidente de Marseille habitat, propriétaire du 63.

      “Ce mardi matin, la PJ a perquisitionné chez les propriétaires du n°65, dont l’élu régional Xavier Cachard, qui était aussi l’avocat des copropriétaires.

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  • Pierre Villion

    Marseille est une ville gangrenée, ça crève les yeux. Mais par qui, par quoi ? Le clientélisme ? le taux de chômage ?… On connait les arguments. Mais soyons honnêtes : ils ne sont pas nouveaux, ils sont même de notoriété. L’oligarchie Gaudin n’est pas pire que celle de Defferre. Si les méthodes apparaissent plus radicales que celles d’antan, ce n’est que parce que tout se technicise et se professionnalise, y compris l’absence de scrupules. J’ose même dire que quand le populisme surgit de partout, comme c’est le cas maintenant, le cynisme passe presque pour une rhétorique angélique. “On s’habitue à tout” et cette habitude préfigure un véritable cancer : le conformisme.

    Marseille est une ville atteinte de cette maladie grave, chronique et – semble t-il – incurable. Régulièrement, le crépitement des kalaches nous le rappelle. Mais je crois qu’il faut chercher plus loin les causes de la pathologie que dans la classique dénonciation du capitalisme et de l’appât du lucre. En même temps que des immeubles s’effondrent rue d’Aubagne, Gérard le rappelle, un mur de béton s’érige autour de la place Jean Jaurès, pour permettre à la technocratie locale de mener son trafic sans être importunée par la critique citoyenne. Modèle réduit du Berlin archaïque, de l’Israël contemporain et de la frontière mexicaine rêvée par Trump, ce mur est tout un symbole. Un symbole de l’absurdité du monde contemporain. Il est absurde parce qu’il exprime une totale cachophonie : plus on nous bassine avec “la démocratie participative », plus s’officialisent les méthodes de gangsters, initiées par un nombre croissant de « nos » élus. Et parce qu’à l’inverse, quand on se mobilise corps et âmes pour sauver un tant soit peu la planète (par exemple à Notre Dame des Landes) ou simplement notre quartier, plus on s’expose à l’accusatio de bafouer le droit… quand celui-ci n’est jamais que droit de quelques uns de saccager ou de laisser pourrir les biens d’autrui.

    Le Mucem, les docks rénovés, les Terrasses du Port… nous empêchent d’apparenter Marseille au Tiers Monde mais – convenons-en – ils vident le centre ville de son sang, il n’est qu’à voir les échoppes fermées de la rue de la République, celle-là même qui, autrefois, faisait la fierté de la ville. Certes, donc, comme le titre Gérard, cette ville-façade est un cache-misères : l’opullence et la luxure côtoient la pauvreté, au point qu’il peut arriver à ceux qui ne sont pas SDF de payer de leur vie le simple fait d’être présent chez eux.

    La dénonciation des inégalités est justifiée, j’y souscris bien volontiers, mais elle ne m’apparait pas suffisante. A mes yeux, Marseille est une ville “résolument contemporaine », à l’image de notre monde : j’y vois la Capitale européenne de l’absurde.

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  • jean rené

    Excellent ! J’ajoute que d’un côté Gaudin alloue 20 millions pour aménager la Plaine – ce que personne ne veut ! – sans mettre un euro dans la réhabilitation de Noailles — ce que tous les habitants voudraient. Mais c’est des loqueteux, des “arabes” — voilà la question.

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  • marie heurtebise

    Oui, ils vont refaire la corniche à grands coups de millions. Les non marseillais doivent savoir que la corniche est en fait une autoroute urbaine pour fadas motorisés qui se foutent des 50 km/h. Même pas une piste cyclable ! d’ailleurs, le vélo à Marseille c’est la roulette russe ; la 2e ville de france est la dernière dans le classement des villes cyclables– ! au fait, le collectif Vélo en ville qui se bat comme un beau diable à deux roues est situé dans le quartier de Noailles, précisément rue d’Aubagne, juste en face des immeubles effondrés! tout un symbole.

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