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Européennes. Décroître ou périr

Temps de lecture ± 4 mn

[dropcap]Une[/dropcap] trentaine de listes, des discours blablateux, des débats de cour de récré (émission à la télé, pitoyable combat de coqs)… J’étais fermement décidé à ne pas apporter ma caution, ni à la mascarade, ni à cette Europe du capitalisme débridé, de la compétition généralisée, le tout sous le faux-nez du libéralisme économico-politique. Dans l’offre du marché électoral, je ne voyais qu’un même sous-produit. À l’exception peut-être, en cherchant bien, de quelques listes « hors-pistes » : espérantiste (de la langue espéranto) ou animaliste (défense de la cause animale). Tandis que prévaut, dans ce fatras, un même dogme : « Tout changer pour que rien ne change » – une affaire de Guépard dans un troupeau de hyènes, soit beaucoup de postures, de baratin pour continuer à produire « du même », à produire encore et encore, toujours plus sous une couche verdâtre, pour la rengaine du « durable ».
Or, une liste, une seule semble se démarquer de cet unanimisme suicidaire : « Décroissance 2019 ». Je suis tombé dessus par le hasard d’internet. Je ne saurais mieux dire qu’en reproduisant ci-dessous la « profession de foi » (quelle drôle d’expression !) J’en profite pour signaler l’existence d’un mensuel du même tonneau, La Décroissance – Le Journal de la joie de vivre, qu’on ne trouve que sous la forme papier, en kiosque et par abonnement.

La décroissance, c’est le bon sens !

[dropcap]Notre[/dropcap] société du gaspillage est à l’origine de l’épuisement des ressources, du changement climatique, de l’extinction des espèces, de l’augmentation des inégalités… Ce constat est maintenant largement partagé, certains parlent même d’effondrement. Des spécialistes annoncent depuis 50 ans l’échéance pour la prochaine décennie. Pourtant, tous les partis continuent de prêcher une relance de la croissance et s’écharpent sur les moyens pour y parvenir. Ils continuent de faire du problème la solution.

Croître à l'infini… vers la catastrophe… Décroissance.Le capitalisme a gagné sur toute la ligne, colonisant même l’extrême gauche avec sa foi en la science et son productivisme. Le sentiment d’impuissance est tel qu’individualisme et fuite en avant prédominent. Comme si guerres, famines et épidémies étaient inéluctables. Comme si le suicide était préférable à une cure d’amaigrissement.

Le simple bon sens devrait pourtant nous suggérer que, lorsque les limites physiques sont dépassées et que la survie est en jeu, il faut faire machine arrière pour revenir à l’intérieur de ces limites. La seule politique responsable est donc d’organiser une décroissance de l’empreinte écologique globale tout en augmentant la résilience de la société. Cela passe par une réduction du cycle extraction-production-consommation-déchets, par une baisse du niveau de vie matériel global et par un programme de transition économique qui garantisse l’essentiel du bien vivre aux plus nombreux. La décroissance tout simplement.

La liberté ne consiste pas à s’affranchir des limites, mais à en prendre la mesure pour construire des sociétés viables et souhaitables : nous rêvons d’une relocalisation de tous les produits de première nécessité dans des bio-régions autonomes, quasi autarciques, de la taille d’une province. Nous assumons nous inspirer du passé : on ne peut pas soutenir que les choses s’aggravent et, en même temps, que c’était pire avant.

Nos étapes pour préserver l’avenir, dès à présent, sont les suivantes :

Production : donner à des conventions de citoyens le droit de refuser certaines productions, d’imposer des normes afin de sortir du gaspillage et de l’obsolescence programmée. Supprimer ou taxer lourdement la publicité, le luxe, les bolides urbains, les produits toxiques, les grandes surfaces, le nucléaire, les technologies abrutissantes.

Commerce : sortir évidemment de tous les traités européens de libre-échange, conçus depuis le début pour enrichir les riches en rendant les gens captifs d’un approvisionnement lointain et assumer un protectionnisme douanier, y compris régional, qui permette une relocalisation effective des productions.

Fiscalité : faire porter la fiscalité non plus sur la ressource abondante – le travail – mais sur celles en voie de raréfaction, comme l’énergie et les matières premières pour les économiser. Taxer équitablement le kérosène et le fuel des bateaux et des camions. Instaurer un revenu maximum, car la richesse excessive est une atteinte à la décence commune. Instaurer des quotas carbone individualisés pour garantir à tous un minimum d’énergie.

Monnaie : multiplier les monnaies pour affaiblir la finance : rétablir des monnaies publiques locales, régionales et nationales, à côté d’une monnaie commune remise à sa place.

Migration : sortir des fables libérales sur la liberté de circuler, qui justifient l’errance économique au service de l’exploitation salariale, alors que chacun aspire d’abord à pouvoir vivre dans son pays. Savoir cependant intégrer les migrants chassés par le changement climatique et par nos guerres néocoloniales pour les ressources. [ref]Pour ma part, sur ce point de clivage qui met en péril l'idée même d'Europe, j'ajouterais le volet démographie – si tant est que le problème de la surpopulation mondiale me semble fondamental – si l'on souhaite réellement inverser la course suicidaire. Une autre option pourrait consister à miser sur la catastrophe annoncée et espérer une renaissance…[/ref]

Agriculture : arrêter les grands travaux inutiles, consommateurs de foncier, pour financer un « plan Marshall » en faveur d’une alimentation saine de proximité : nourrir à nouveau les villes par leurs campagnes, réformer l’enseignement agricole pour réintroduire une polyculture-élevage paysanne en circuit court. Régénérer les sols et créer de nombreux emplois avec la permaculture. Garantir un droit au jardinage au moyen d’une réappropriation foncière par les communes.

Démocratie :  rapprocher les décisions des citoyens en relocalisant la politique dans les provinces, les pays et les communes. Pour y parvenir, instaurer chaque année des référendums d’initiative citoyenne et des assemblées populaires tirées au sort, comme un Sénat des peuples européens disposant d’un droit de veto.

En marche pour la décroissance !

En savoir plus sur le site : http://decroissance-elections.fr/

> Cette liste ayant renoncé à imprimer des bulletins de vote, les votants devront donc, avant d’aller aux urnes, imprimer le bulletin eux-mêmes. Le site explique tout ça.

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

13 réflexions sur “Européennes. Décroître ou périr

  • Gérard Bérilley

    Ce texte pour la décrois­sance n’indique que des inten­tions, des « il fau­drait », mais rien quant aux moyens pour y arri­ver ! De plus cer­tains sujets ne sont pas de l’ordre des attri­bu­tions du Parlement Européen. Il s’agit donc d’un genre de mani­feste pour la décrois­sance et rien de plus.
    C’est là le grand reproche que je ferais à ses par­ti­sans : c’est, comme tous les mou­ve­ments mino­ri­taires qui croient déte­nir la véri­té, de ne tenir aucun compte de ce que veulent tous ceux qui ne pensent pas comme eux !
    Les gens ne veulent pas for­cé­ment la décrois­sance, et, de plus, cer­tains – ceux qui n’ont rien ou pas grand-chose – seraient très heu­reux de pou­voir consom­mer plus, ne serait-ce qu’en ce qui concerne la nour­ri­ture, la nour­ri­ture de qua­li­té. C’est pour­quoi ce mot est si dif­fi­cile d’ancrage dans les classes défa­vo­ri­sées. C’est aux riches de consom­mer moins, et non à l’ensemble de la popu­la­tion, car ce sont les riches qui détruisent le monde.
    Il est prô­né ici un « reve­nu maxi­mum ». Je suis le pre­mier à y sous­crire, mais il n’est rien dit concer­nant l’attribution d’un Revenu de Base décent, indi­vi­duel, incon­di­tion­nel, attri­buable à tous, qui seul per­met­trait de mettre fin à la misère, et à l’odieuse cha­ri­té, ain­si que le par­tage du tra­vail néces­saire (par la pos­si­bi­li­té du mi-temps) et le refus de tout tra­vail dégra­dant, des­truc­teur, etc. Tant que des êtres seront obli­gés de prendre n’importe quel tra­vail pour vivre, alors il sera vain de prê­cher contre « cer­taines pro­duc­tions, le gas­pillage, l’obsolescence pro­gram­mée, etc., etc. »
    Comme toi Gérard, je déplore l’oubli de la ques­tion démo­gra­phique. J’ai lu quel­que­fois le jour­nal La Décroissance, j’ai arrê­té de le lire très vite, voyant que pour ses pontes la ques­tion démo­gra­phique était d’après eux une fausse ques­tion. J’ai même enten­du une fois à la télé­vi­sion un des maîtres à pen­ser de ce jour­nal dire qu’il se réjouis­sait de la nais­sance de tout enfant ! Eh bien pas moi. Ne pas mili­ter pour au moins la stag­na­tion en nombre de la popu­la­tion mon­diale, c’est-à-dire pour deux enfants par femme pas plus, c’est n’être en rien éco­lo­giste, et chaque enfant qui nait main­te­nant condamne un enfant, des enfants, à ne pas naître dans les siècles et les mil­lé­naires futurs. Qui se sou­cie de l’humanité, de la Vie sur Terre dans 500 ans, dans 3000 ans, dans 10 000 ans ? Va-t-on attendre qu’il y ait 15 mil­liards d’habitants sur Terre pour poser cette ques­tion ? On voit que là aus­si l’on va dans le mur. Un être humain qui naît, que cela plaise ou non car c’est ain­si, par­ti­cipe à la condam­na­tion à mort assu­rée des élé­phants, des tigres, des lions, des baleines, des arbres, des forêts, de toute la Beauté du Monde.
    J’ai lu une fois qu’un essayiste alle­mand – Alexander Kluge – parle de notre époque comme d’ « une attaque, depuis le pré­sent, contre le reste du temps ». C’est bien de cela qu’il s’agit avec le réchauf­fe­ment cli­ma­tique et la des­truc­tion de la Nature, ce que l’on appelle tech­no­cra­ti­que­ment la biodiversité.
    Je pense que les seules avan­cées au niveau euro­péen ont été gagnées par les ONG éco­lo­gistes et les Verts euro­péens. Ce n’est pas le Pérou, certes, mais c’est quand même mieux que rien ou que de l’utopie dés­in­car­née, à mon avis.

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    • Eh bien le maître à pen­ser du jour­nal que vous citez à mon sens à rai­son, la nais­sance d’un enfant est une mer­veille : C’est la vie qui conti­nue et nous sommes pro­gram­més pour la per­pé­tuer quoi qu’il en soit…
      Quant à la décrois­sance, elle arri­ve­ra, obli­gée par quelques désastres et les vivants de ce moment pas­se­ront inévi­ta­ble­ment à un autre plan de conscience…
      En espé­rant que les robots ne rem­pla­ce­ront pas les hommes que nous ne ferons plus.

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      • Gérard Bérilley

        La nais­sance d’un enfant est une mer­veille, oui. Mais la nais­sance d’un mil­liard d’en­fants, non. La sur­po­pu­la­tion met en péril même l’a­ve­nir de l’hu­ma­ni­té et de la Vie sur Terre. Pour que la Vie conti­nue il faut une Vie contre une mort, au moins une sta­bi­li­sa­tion de la popu­la­tion mon­diale, c’est-à-dire pas plus de deux enfants par femme. Cela il fau­dra y arri­ver, quoi­qu’il en soit, sinon à chaque géné­ra­tion il y aura qua­si­ment un dou­ble­ment de la popu­la­tion mon­diale. Donc, quand nous serons 15 mil­liards (si c’est pos­sible, si la Terre le sup­por­te­ra) il fau­dra bien y arri­ver à deux enfants par femme, pas plus, alors autant com­men­cer tout de suite. Et il n’y a pas que l’hu­ma­ni­té sur notre Planète : que dirait-on si les élé­phants, les tigres, les gorilles, tous les ani­maux se met­taient à croître comme le fait l’hu­ma­ni­té ? Assez d’é­goïsme, de nar­cis­sisme d’es­pèce. L’être humain n’a pas de pré­da­teur, il faut donc qu’il mette lui-même une limite à son expan­sion. Je rap­pelle quand même que la sur­po­pu­la­tion est une des causes majeures de guerre. Il serait donc plus intel­li­gent de pra­ti­quer au niveau mon­dial une poli­tique de contra­cep­tion com­prise et autogérée.

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        • Mais le pré­da­teur de l’être humain, c’est l’homme lui-même ! Le seul d’ailleurs à mena­cer de mort sa propre espèce, par son incons­cience et sur­tout sa cupi­di­té, son insa­tiable appé­tit à tout goin­frer, à se gon­fler de pognon et de suf­fi­sance ! On n’atteindra pas les 15 mil­liards, ni peut-être même les 10 car il y aura eu avant une catas­trophe, celle qui est déjà en cours, quoi qu’’il en soit des néga­tion­nistes du dérè­gle­ment cli­ma­tique. Les « décrois­sants » ont le tort d’avoir rai­son trop tôt… tan­dis qu’il est sans doute déjà trop tard ! Comme disait Yves Paccalet dans son pam­phlet : « L’humanité dis­pa­raî­tra, bon débarras ! »

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          • Gérard Bérilley

            Je suis d’accord avec vous. On n’atteindra pas les 15 mil­liards, et il y a bien peu de chances que nous attei­gnons les 10 mil­liards. La cupi­di­té de cer­tains, je la dénonce tout autant. La catas­trophe est déjà là. Le compte à rebours est com­men­cé. Je ne sais pas si l’on peut dire : « le pré­da­teur de l’être humain, c’est l’homme lui-même », car géné­ra­le­ment le pré­da­teur est d’une autre espèce. Comme le disait Robert Hainard si magni­fi­que­ment : « le meilleur ami d’une espèce c’est son pré­da­teur ». Chaque mot compte dans cette affir­ma­tion, car s’il n’y avait pas de pré­da­tion sur une espèce, sa propre pro­li­fé­ra­tion amè­ne­rait imman­qua­ble­ment à sa perte. C’est ce qui se passe pour l’humanité. Mais peut-être avez-vous rai­son, l’homme pré­da­teur de sa propre espèce ? En tout cas, comme le disait le regret­té Théodore Monod, c’est « la seule espèce ani­male qui apprend à ses jeunes à tuer leurs sem­blables ». C’est la seule espèce qui a ce pou­voir de sadisme, de cruau­té, de haine. C’est cela qu’il nous faut interroger.

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            • Gérard Bérilley

              Un rajout concer­nant la pré­da­tion. Tous les renards sont pré­da­teurs des lapins et des sou­ris, toutes les buses variables sont pré­da­trices des sou­ris, ils et elles ne peuvent faire autre­ment. Par contre, tous les hommes, tous les grou­pe­ments humains, ne sont pas pré­da­teurs d’autres hommes, d’autres grou­pe­ments humains, et c’est pour­quoi il n’est pas exact de dire que l’Homme avec un grand H est le pré­da­teur de l’Homme.

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              • Alors : des hommes, petit h, des « petits hommes » même qui s’é­cartent de l’Huma­ni­té pour se retour­ner contre elle. Une « sous-espèce » dans ce cas ?

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                • Gérard Bérilley

                  Gérard, je ne com­prends pas le sens de ton com­men­taire. Ce que j’ai vou­lu dire c’est que la pré­da­tion – si l’on veut conser­ver ce mot – envers d’autres hommes, c’est-à-dire à l’in­té­rieur de l’es­pèce humaine, n’est pas inhé­rente à la nature humaine. Ce sont les sciences sociales, his­to­riques, etc. qui per­mettent de com­prendre cette « pré­da­tion », cette cou­pure en classes, en domi­nants-domi­nés qui n’est pas uni­ver­selle. Cela n’a stric­te­ment rien à voir avec une quel­conque sur ou sous espèce. Encore une fois je ne com­prends pas ta phrase.

                • C’est que je me suis mal expri­mé – le second degré est le plus sou­vent à déplo­rer. Tu parles de « nature humaine », tan­dis que, s’a­gis­sant bien plu­tôt de « culture » (tu invoques les sciences sociales, his­to­riques, etc.), j’es­time que, par des faits cultu­rels, cer­tains congé­nères agissent comme si ils s’ex­cluaient de notre espèce. Par exemple : les bour­reaux sadiques dans les camps d’ex­ter­mi­na­tion nazis, les tor­tion­naires en tous genres – d’en­fants et d’a­ni­maux, entre autres –, les ter­ro­ristes d’aujourd’hui, etc. Qu’ont-ils à voir avec la nature ?

    • Comme pour toute radi­ca­li­té, Gérard, la tienne me semble exces­sive. Les Décroissants qui se pré­sentent aux euro­péenne savent bien qu’ils n’auront aucun élu ; ils uti­lisent cette tri­bune pour dif­fu­ser l’idée de décrois­sance, ce qui me paraît être une excel­lente ini­tia­tive. Il s’agit donc de dif­fu­ser – pour infu­ser cette concep­tion, sans illu­sions sur sa récep­tion immé­diate, ou actuelle. Il s’agit bien d’un mes­sage adres­sé aux plus conscients dans notre genre. Genre que, peut-être, on peut ran­ger dans ce que l’historienne Madeleine Rebérioux, par­lant des Lumières et de la Révolution fran­çaise avait appe­lé « la bour­geoi­sie à talent ». Sans elle, en effet, l’Histoire eut été dif­fé­rente. Voir sur ce plan, l’écueil des « prin­temps arabes » ou de la grande révolte ira­nienne contre le régime des mol­lahs. Chez nous, on parle plu­tôt de la « classe moyenne », tant sol­li­ci­tée par les poli­ti­ciens, et pour cause !
      Pour ce qui est des Verts euro­péens, je veux bien leur concé­der quelques avan­cées réfor­mistes. Pour l’essentiel, ils res­tent des chantres de la « crois­sance durable », cet oxymore.
      De ton côté, as-tu mieux à pro­po­ser que des « il faudrait » ?

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      • Gérard Bérilley

        Je sais bien, Gérard, que les Décroissants savent bien qu’ils n’auront aucun élu, et qu’ils uti­lisent cette tri­bune pour dif­fu­ser l’idée ! C’est le cas des espé­ran­tistes, des ani­ma­listes avec les­quels je suis en accord. Je ne suis pas en désac­cord total, bien sûr, avec la « pro­fes­sion de foi » de ces décrois­sants, mais je la trouve assez sté­rile pour deux raisons.
        La pre­mière : cer­taines de ses pro­po­si­tions se retrouvent dans d’autres pro­grammes, deux exemples par­mi d’autres : l’abandon du gly­pho­sate et le pas­sage de toutes les terres agri­coles en bio chez EELV.
        La deuxième : je la cri­tique jus­te­ment pour les rai­sons pour laquelle tu la jus­ti­fies. Gérard, tu écris : « Il s’agit bien d’un mes­sage adres­sé aux plus conscients dans notre genre. Genre que, peut-être, on peut ran­ger dans ce que l’historienne Madeleine Rebérioux, par­lant des Lumières et de la Révolution fran­çaise avait appe­lé « la bour­geoi­sie à talent ». Etc.
        Je t’en prie, Gérard, ne m’associe pas à cette « bour­geoi­sie à talent » dont parle Madeleine Rebérioux. Je suis né dans un milieu pauvre, j’ai tou­jours vécu très pauvre, et même encore main­te­nant à l’automne de ma Vie. Je n’ai eu aucune place sociale res­pec­tée par la bour­geoi­sie. La décrois­sance je l’ai pra­ti­quée, volon­tai­re­ment et par obli­ga­tion, bien plus que plus d’un qui la prône, et j’en sais les limites quant à la qua­li­té de vie.
        C’est cet entre-soi que je n’aime pas, et que ce texte ne s’adresse pas à ceux qui souffrent socia­le­ment le plus. C’est cet entre-soi qui fait que bien sou­vent les décrois­sants for­mulent paral­lè­le­ment des cri­tiques morales sur ceux qu’ils jugent moins « évo­lués » qu’eux, une forme de mépris, ni plus ni moins. C’est pour­quoi je sais aus­si que pour tant de gens du peuple, de pauvres, pour les­quels une cer­taine crois­sance serait plus que salu­taire, ces dis­cours ne peuvent être per­çus que comme une idéo­lo­gie par­mi d’autres, qui leur reste étrangère.
        J’ai un ami qui est fort décrois­sant. Il défend les AMAP et ne com­prend pas que tous n’achètent pas dans les AMAP. Premièrement il oublie que la nour­ri­ture dis­tri­buée par les AMAP ne peut en aucun cas nour­rir 65 mil­lions d’habitants !, et que c’est grâce aux rayons bio (tant décriés par lui) dans les super­mar­chés que des gens peu riches peuvent ache­ter et se nour­rir d’un peu d’aliments bios. Les Décroissants oublient, je pense, la très grande misère exis­tant dans les quar­tiers popu­laires, leurs dif­fi­cul­tés de vie, leurs condi­tions de Vie. Pour eux, il suf­fi­rait que…
        Tu me demandes ce que je peux pro­po­ser. Je crois que la plus impor­tante, en tout cas la pre­mière pro­po­si­tion que je peux faire, et je l’ai faite bien des fois depuis plus de trente ans, c’est l’instauration d’un Revenu de Base, garan­ti, indi­vi­duel, inalié­nable, incon­di­tion­nel pour cha­cun. Ce Revenu chan­ge­rait toutes les don­nées sociales, ce n’est pas une fin en soi mais un départ qui per­met­trait de tout chan­ger pro­gres­si­ve­ment. Benoît Hamon l’a défen­du aux Elections Présidentielles il y a deux ans, et, devant les cri­tiques, il l’a pro­gres­si­ve­ment mino­ri­sé, expo­sé de plus en plus pri­vé de son impact révo­lu­tion­naire. Et pour­quoi ? Parce que toute la « bour­geoi­sie à talent » auto­pro­cla­mée n’en avait rien à foutre, PARCE QUE CETTE BOURGEOISIE N’ENAUCUNEMENT BESOIN. Voilà la rai­son. C’est l’histoire du Parti Socialiste, des syn­di­cats inté­grés, des intel­lec­tuels de gauche, etc… qui tous ont aban­don­né, d’une façon ou d’une autre, les pauvres. Ils n’en font pas partie.
        Alors moi, qu’est-ce que je peux faire ? Proposer par­tout où je le peux cette alter­na­tive, ce début de solu­tion. C’est pour­quoi je trouve incroyable que les Décroissants ne men­tionnent pas ce point dans leur texte, d’autant que la ques­tion se pose actuel­le­ment par­tout en Europe et ailleurs. Par exemple, en France, le maire de Grande-Synthe (Europe-Ecologie-Les Verts) a ins­tau­ré dans sa com­mune, grâce aux éco­no­mies d’énergies faites, une garan­tie de reve­nu pour tous, pour cha­cun, dif­fé­ren­tielle pour atteindre pour chaque habi­tant un reve­nu juste au-des­sus du seuil de pau­vre­té. Ce n’est pas le Revenu de Base, mais c’en est une pré­misse. C’est une action concrète admi­rable. C’est vers cela qu’il faut aller.

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        • Gérard Bérilley

          A la fin de mon com­men­taire il faut lire « pour que chaque habi­tant ait au moins un reve­nu supé­rieur au seuil de pau­vre­té » au lieu de ma for­mu­la­tion mal­adroite. Gérard, si tu peux corriger.

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