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Samuel Paty et les caricatures. La liberté d’expression, une question secondaire

Par Joël Decarsin

Temps de lecture ± 19 mn

À commencer par son titre, cet article est pour le moins dérangeant. C’est son but et son intérêt. Enseignant dans un collège, tout comme il y a peu Samuel Paty, Joël Decarsin avance l’idée que la question de la liberté d’expression, quoiqu’essentielle, ne serait pas primordiale car reléguée de facto au second plan par un impensé collectif relevant d’un matérialisme étriqué. À contre-courant de la doxa, il fonde son argumentation sur son expérience professionnelle et sur l’histoire de l’art, la théologie et la technocritique – matériaux de la pensée complexe censée décrypter… la complexité du monde. Si l’auteur montre bien l’impossibilité pour les musulmans de dépasser l’interdit coranique de la représentation de leur prophète – tout enseignant y est désormais peu ou prou confronté – sa critique de l’Occident place celui-ci, en un renversement de la responsabilité, sur les bancs des accusés, coupable à la fois de liberté d’expression  sans limites et d’une sacralisation sans frein de la technique. On ne saurait mieux provoquer un sujet de débat ! GP

Enseignant les arts plastiques depuis quarante ans, je prendrai ma retraite dans quelques mois, dans un contexte particulier, marqué par une pandémie et la fin tragique d’un de mes collègues. La mort de Samuel Paty me bouleverse, comme tant d’autres, que l’on soit enseignant ou pas, mais elle m’interpelle également car elle réveille le souvenir d’expériences fortes dans mon rapport avec des élèves de confession musulmane. Je veux ici en rendre compte puis en tirer quelques conclusions, dans l’espoir que mon témoignage et mon analyse pourront être ensuite d’une quelconque utilité.

En janvier 2015, au lendemain des attentats de Charlie, ma hiérarchie avait prié les professeurs de dialoguer avec les élèves et les inviter à mettre des mots sur l’horreur : leurs mots. Tout s’était bien passé jusqu’à ce « Monsieur, c’est terrible ce qui arrive, mais les gens de Charlie, ils ont manqué de respect à notre prophète ». Stupéfait, j’avais admis que ces dessins pouvaient choquer, que l’on soit musulman ou pas, mais que ce n’étaient que des dessins. J’avais précisé que certains d’entre eux me déplaisaient fortement moi-même mais qu’en France, rien ne pouvait justifier que l’on tue qui que ce soit ni pour quoi que ce soit,l’État lui-même s’interdisant de le faire depuis 1981. Mais mes arguments, je le sentais bien, étaient trop abstraits pour mes jeunes auditeurs. Je leur avais proposé alors de me caricaturer, en leur précisant qu’ils n’y étaient pas obligés, que ce ne serait pas noté, que ça pouvait être anonyme… bref, que tout était permis,tout ! Et ils avaient joué le jeu, certains réjouis de se venger d’une mauvaise note, exagérant ma calvitie, tous reprenant mes tics (je mordille mes lunettes) et mes expressions récurrentes dans des bulles de BD. A part un doigt d’honneur, rien de bien méchant… Aussi, avec l’accord de ma direction, j’avais élargi le test à toutes mes classes et les travaux avaient été exposés dans le hall. Au terme d’une reprise de dialogue avec les jeunes, cette action de dédramatisation m’était apparue concluante : concrètement, j’avais pu démontrer qu’on peut caricaturer quelqu’un sans « se payer sa tête ».

Des écriteaux « je suis prof » ont bien surgi ici et là dans les rues…

Retour au présent. Le 16 octobre, Samuel est décapité pour avoir montré deux caricatures de Charlie à ses élèves et deux semaines plus tard, au retour des congés de la Toussaint, se déroulent les cérémonies d’hommage dans tous les établissements scolaires. Dans le mien : rassemblement dans la cour, paroles sobres et émouvantes de la principale et de quelques collègues, lecture de la lettre de Jean Jaurès aux instituteurs (puissante mais à mon avis peu parlante pour bon nombre de nos jeunes), ambiance très digne… Peu après, hélas, je prends connaissance des débordements survenus ailleurs ; puis dans mes classes revient le « mais monsieur… notre prophète »… Retour à la case départ ? Plus grave, me semble t-il, car, telle une seconde vague de Covid, l’allergie à la caricature semble plus forte que la première car plusunanime. En réunion de concertation, la direction nous indique que le ministère entend renforcer l’éducationcivique et l’axer sur le thème de la liberté d’expression. Trouvant abstrait ce que j’entends et conforté par mes quatre décennies de pratique et mon expérience de 2015, je raconte celle-ci puis propose de la renouveler en l’ouvrant aux professeurs volontaires. Silence général, le principal-adjoint m’invite à « ne pas jeter de l’huile sur le feu », je n’insiste pas mais le choc est dur à encaisser… Un mois après la mort de Samuel, je ressens comme un impératif d’exprimer ce que m’inspire ce changement depuis cinq ans.

En janvier 2015, tout le monde était Charlie » : chacun s’identifiait à la profession de caricaturiste mais beaucoup moins au judaïsme (malgré les quatre morts de l’hyper casher de Vincennes) ou aux gardiens de l’ordre (cf la policière de Montrouge). Dans l’imaginaire collectif, la liberté d’expression était considérée comme la première cible. Mais quand dix mois plus tard 130 personnes ont été assassinées, chacun s’est senti directement concerné : on n’était plus Charlie mais soi même. C’est à ce moment que, dans un contexte nauséeux d’islamophobie, s’est amorcé le débat sur l’incompatibilité des valeurs de l’islam avec les valeurs de la République.

Islamocritique… ni plus, ni moins

Je prends au sérieux l’argument selon lequel « les musulmans de France ordinaires en prennent plein la figure»[ref]Philippe Bernard, « Les musulmans de France ordinaires en prennent plein la figure …» Le Monde, 15 novembre 2020[/ref]. Pour autant, les réactions de mes quelques élèves musulmans m’invitent à questionner le sens de la césure « islam radical / islam ordinaire » et souligner le caractère non négociable, venant de lensembledes musulmans, du rejet de l’image du prophète (je ne parle même pas de sa caricature). On ne rappelle jamais assez qu’Alʾislām, (الإسلام) signifie « soumission » (à Dieu)[ref]Michel Houellebecq, Soumission (roman), Flammarion, 2015[/ref] et que plus l’interprétation des mots estlittérale, plus la soumission est vécue de façon inconditionnelle. Je ne nie certes pas qu’il existe des musulmans érudits et pétris d’herméneutique, bien sûr, mais à l’heure de la culture de masse, quelle audience un théologien (musulman ou pas) a t-il encore ? Le problème de ce qu’Olivier Roy appelle « la religion sans la culture »[ref]Olivier Roy, La Sainte ignorance. Le temps de la religion sans culture, Le Seuil, 2008[/ref] m’apparaît d’autant plus crucial qu’il est pratiquement absent du débat public : les terroristes sont des incultes, la chose est entendue, mais ils sont hélas loin d’être les seuls.

Si mes élèves musulmans me disent ne pouvoir supporter l’ironie dont leur prophète est l’objet, et si je ne veux pas qu’inculquer les « valeurs de la République » s’apparente à un acte coercitif, je dois faire preuve non seulement d’écoute mais de culture ; prendre en considération ce qui différencie « l’islam », « le judaïsme » et « le christianisme », sans oublier que chacun de ces trois mots renvoie à des millions d’individus sur plusieurs siècles et à toutes sortes d’antagonismes voire de schismes… bref, une hétérogénéité extrême. Sans oublier qu’entre les principes énoncés dans les textes fondateurs et la façon dont ceux-ci sont ensuite mis en pratique, il y a plus que de simples fossés ou précipices : de véritables trahisons (combien d’humains ont-ils été massacrés au nom de l’amour du prochain !) J’envisage même qu’il est fâcheux de ranger ces trois mots sous le label, « religion »[ref]« Le concept de religion est une invention chrétienne seulement pertinente dans un cadre occidental », Daniel Dubuisson (entretiens avec Youness Bousenna), Le Monde, 15 novembre 2020[/ref]. Mais tant pis, je prends ici le risque de… caricaturer , « j’essentialise », comme on dit de nos jours[ref]Dans le champ des sciences sociales, « essentialiser » est devenu le gros mot à la mode. Que penser alors de tous ces millions d’individus qui, il y a cinq ans, scandaient « Je suis Charlie » ?[/ref], et parmi d’innombrables facteurs clivants, je n’en retiens que cinq.

Le premier est le moins perceptible mais c’est celui qui permet d’évaluer au mieux la portée de ce hiatus « soumission » / « liberté » : l’islam écarte toute idée de contestation de l’homme vis-à-vis de Dieu, tandis que le récit biblique, dès son amorce (l’épisode du fruit défendu) jusqu’au reniement de Pierre en passant par Le Livre de Job (qui raconte comment un homme tient tête à Dieu), est entièrement traversé par les thèmes de l’insoumission, la désobéissance , la transgression, le reniement et la trahison. Et à cet égard, je trouve fâcheux le fait que, depuis Kant et les Lumières, le monde occidental se targue d’avoir inventé le criticisme mais qu’il se garde de reconnaître alors sa dette intellectuelle envers le judaïsme, fondateur de l’idéal d’émancipation bien plus que la philosophie grecque, car intégrant la problématique du rapport à la transcendance.

Deuxième paramètre : le rapport à soi. Avant de savoir si l’islam soumet l’individu ou non[ref]« L’islam soumet-il l’individu ? » (débat entre Henri Laurens et Abdennour Bidar), France Culture, 14 octobre 2008[/ref], il faut se poser se demander s’il le considère. Certes, je sais que la thèse de l’invention de l’individu par l’occident est controversée mais j’y adhère.[ref]Jean-Paul Kaufmann, L’invention de soi : Une théorie de l’identité, Armand Colin, 2004[/ref] Et même si elle est en général attribuée aux Grecs (cf le « Connais-toi toi-même » socratique), c’est dans le christianisme que je trouve sa forme la plus aboutie car intégrant une fois de plus la référence à la transcendance : historiquement, la chrétienté n’a pas traduit le « que ta volonté soit faite » du Notre-Père par « que la mienne soit annihilée » mais par « qu’elle trouve sa pleine expression dans le giron de la tienne »[ref]Jacques Ellul, Éthique de la Liberté, 1973. Réédition, Labor et Fides, 2020[/ref]. En comparaison, j’aimerais que l’on me démontre qu’un musulman prend à cœur les questions d’introspection et de libre-arbitre.

Quel travail d’introspection les musulmans développent-ils pour approcher chacun leur singularité ? Prière à la mosquée, Bombay, Inde. (CC BY-NC-ND 3.0 FR)

Troisième élément décisif : le rapport à autrui. En Islam, ce rapport s’inscrit sous le regard de Dieu : Salām(سلام) signifie « paix » mais ce mot ne prend son sens que si l’on saisit que « être pacifique » et « être soumis » sont indissociables [ref]Abdennour Bidar, L’islam sans soumission : Pour un existentialisme musulman, Albin Michel, 2008[/ref]. De façon globale, « être vertueux, c’est obéir à Dieu »[ref]Rémi Brague in Rémi Brague et Souleymane Bachir Diagne, La Controverse. Dialogue sur l’islam, Stock, 2019[/ref]. Il en va tout autrement dans les évangiles : aimer l’autre, c’est l’aimer « comme soi-même » et pour ce qu’il est, dans ce qui fait sa singularité. « L’autre » n’est pas un concept abstrait, c’est celui ou celle que l’on rencontre chaque jour, à chaque moment de l’histoire, oserais-je dire, tout proche, raison pour laquelle on l’appelle « le prochain ». Or, sur ce chapitre, la modernité est un décalque calamiteux de la chrétienté : la République française a érigé la fraternité en valeur sur le modèle de l’amour chrétien mais en le désincarnant complètement. Comme l’islam, si je peux me risquer à faire la comparaison, la république institue le rapport à autrui sous le regard d’un tiers : non plus Dieu mais la loi de l’État. Ainsi « l’autre » n’est plus alors qu’une abstraction : « l’homme et le citoyen »… S’il est si difficile d’accorder islam et laïcité, c’est paradoxalement moins en raison de ce qui les oppose a priori que de ce qu’ils ont en commun : une conception d’autrui désincarnée.

Le quatrième facteur est le plus le plus voyant : le rapport au monde objectal. On sait que les arts de l’islam s’interdisent la figuration[ref]L’argument, toutefois, ne vaut que pour la religion d l’islam, non pour sa culture : l’islam est plus qu’une simple religion.[/ref] quand au contraire l’art chrétien s’y oblige mais il faut se rappeler pourquoi : selon les chrétiens, Dieu s’est fait homme, il a séjourné un temps dans ce bas-monde et donc s’y est rendu visible. Jésus « étant » Dieu, et réciproquement, non seulement il n’est pas interdit de le représenter mais, si l’on veut lui être fidèle, il faut le faire. Or, le Coran assimile Jésus à un simple prophète et Dieu reste fondamentalement invisible. Non seulement l’imagerie occidentale est figurative mais, depuis le XVe siècle, elle se veut réaliste, la réalité étant, selon les chrétiens, l’univers dans lequel, pendant une brève période de l’histoire, Dieu lui-même a cheminé.

J’en viens enfin à l’élément qui cristallise aujourd’hui les passions : le rapport à l’autorité temporelle et la question de la laïcité. Là encore, rappelons que ce sont les évangiles qui ont ouvert le débat : « Rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Mais ce qui me semble véritablement décisif, déterminant, c’est le fait que ceci est totalement occulté. Pourquoi ? A nouveau, la réponse est à rechercher dans notre lointain passé. Au IVe siècle, le Pape a ni plus ni moins trahi les commandements du Christ : au terme d’un accord avec l’Empereur, le christianisme est devenu religion d’état[ref]Jacques Ellul, La subversion du christianisme, 1984. 4e édition. La Table ronde, 2019[/ref]. L’Église et l’État ont signé un pacte de reconnaissance mutuelle permettant aux chrétiens de ne plus être martyrisés et à l’État d’obtenir une légitimité comparable à celle de l’Église, pour, finalement, au fil des siècles, exercer sur elle un total ascendant. Sous des modalités diverses selon les nations, l’État est aujourd’hui universellement sacralisé[ref]Jacques Ellul, Les nouveaux possédés, 1973. 2e édition. Le cherche midi, 2003[/ref]. Certes, dans notre pays, « fleuron de la laïcité » le futur locataire de l’Élysée n’a pas à prêter serment sur la Bible, mais, ici comme partout ailleurs sur le globe, l’État incarne la providence : de lui on attend tout, à commencer par le bonheur : une « idée neuve » au XVIIIe siècle, le pouvoir d’achat de nos jours (ah ! « le pouvoir »…).

De la représentation à la caricature

J’ai cru bon de rappeler ces points de divergence pour relativiser les soi-disant points de similitude entre judaïsme, christianisme et islam : « les trois monothéismes », « les enfants d’Abraham » et « les religions du livre »[ref]Jacques Ellul, Islam et judéo-christianisme, 1991 (ouvrage posthume), 3e édition. P.U.F., 2015[/ref].

Les chrétiens ne s’insurgent plus depuis longtemps contre le blasphème.

Voyons à présent la question spécifique de la caricature et ce qu’elle nous apprend du rapport problématique entre l’Islam » et la République . Aucune image, a t-on dit, n’est a priori interdite en occident (sauf celles incitant à la haine, bannies par la loi) du fait que nos sociétés « modernes », laïcisées, se sont développées sur le socle de la chrétienté et que les chrétiens ne se sont jamais privés de représenter leur dieu, bien au contraire. Hormis chez leurs éléments les plus conservateurs et leurs propres intégristes (qui, « Dieu merci », restent minoritaires), ils ne s’insurgent plus depuis longtemps contre le blasphème, notamment au pays des « bouffeurs de curés », estimant que leur dieu en avait vu d’autres. Étant moi-même chrétien, j’ose résumer notre mythe à l’histoire d’un dieu qui dirait aux hommes « insultez-moi, caricaturez mes propos autant qu’il vous plaît et crucifiez-moi si vous le voulez… de toute façon, je ressusciterai ». Finalement, les chrétiens ne tiennent pour sacrés que des bouts de pain, une fois que leurs prêtres les ont rompus et «consacrés ». Et ils sont tenus de ne sacraliser que leurs « prochains », avec qui ils partagent ce pain et dont ils ont reçu le commandement d’aimer comme eux-mêmes. Bien sûr, en écrivant cela, je n’oublie pas qu’il est scandaleux que ces beaux principes s’incarnent rarement dans la réalité.

On pourrait me rétorquer que ces choses sont vieilles, dépassées, car le christianisme ne pèse plus grand chose dans nos sociétés et qu’il faut se recentrer sur l’actualité. On pourrait surtout m’objecter qu’il suffit de rappeler que rien dans le Coran ne justifie le terrorisme et que tout le condamne[ref]Jacqueline Chabbi, « Caricaturer le prophète ? Ce qu’en dit le Coran, ce qu’en font les hommes », Nouvel Obs, 14 novembre 2020[/ref]. Mais pour reprendre les termes de mon supérieur hiérarchique, cités plus haut, je dirais que s’obstiner à ne pas vouloir recadrer cette actualité dans le temps long, c’est précisément « mettre de l’huile sur le feu ». Tant que l’on ne convoque pas l’histoire et que l’on ne prend pas la mesure du refoulement des héritages religieux par la modernité, que ce soit par delà la Méditerranée ou en deçà, ce que l’on appelle « dialogue interreligieux » ne peut rester qu’un aimable pacte de non-agression : utile probablement sur le court terme, car apaisant, maistotalement infructueux dans la durée.

Très peu de commentateurs expriment ce type d’argumentaire et pour cause, on n’en a cure. Nos sociétés sont devenues majoritairement athées, indifférentes aux mythes, sans que cette mutation soit portée par la moindre conviction : « On est aujourd’hui athée comme on était chrétien au Moyen Age : de naissance », résumait le géographe Bernard Charbonneau[ref]Bien souvent, les mots « athée » et « agnostique » sont confondus. Pour éviter toute querelle sémantique, je préfère ici le mot « mécréant » et m’empresse d’y apporter ma propre définition : « toute personne se rendant au centre commercial chaque dimanche matin, comme d’autres s’en vont à la messe ».[/ref]. Et c’est ainsi que la majorité de nos « intellectuels »méconnaissent le caractère angoissé de l’avertissement de Nietzsche : « Dieu est mort, et c’est nous qui l’avons tué !… Ne sommes-nous pas forcés à présent de devenir nous-mêmes des dieux, ne fût-ce simplement que pour paraître dignes d’eux ? »[ref]Friedrich Nietzsche, Le Gai savoir, 1882. Dernière édition de la traduction : Flammarion, 2007.[/ref]. A mes yeux, nos intellectuels ne sont pas « dignes » des dieux car leur vision du monde est étriquée, étroitement rationaliste. Et alors que l’occident était parvenu à paraître comme le leader du monde, pour le pire plus que pour le meilleur, j’en conviens, il ne paraît plus aujourd’hui que pour ce qu’il est devenu : non seulement un prédateur mais un mécréant. Le salafisme n’est qu’une expression parmi d’autres (sans aucun doute la plus violente) du sentiment de rejet de l’occident depuis que celui-ci ne peut plus se réclamer d’une autre autorité que celle du marché. Si des jeunes occidentaux rejoignent les rangs du salafisme, c’estavant tout parce que, instinctivement, ils ne supportent plus que leurs élites soient « infidèles » : non pastant à Dieu qu’à leur propre passé.

C’est pour entretenir cette « amnésie volontaire » (comme on parle de servitude volontaire) que les intellectuels – caricaturistes compris – se fourvoient depuis le Onze Septembre. C’est bien beau de rappeler qu’aucune religion ne tolère le meurtre, a fortiori quand il est perpétré au nom de Dieu. Mais ne guère pouvoir dépasser le stade de cet argumentaire, c’est n’en rester qu’à une vue de l’esprit. Je soulignais la nécessité d’aborder le fait religieux en personne cultivée mais que devient la culture quand elle n’est plus qu’affaire d’intellect ? Prôner la liberté d’expression devient une ineptie dès lors que l’on s’auto-censure dans ses investigations ; que l’on se ferme à la théologie, par exemple, au motif qu’elle ne serait que rhétorique. L’occident s’enlise dans l’argutie quand il en est encore à se demander qui doit primer entre « la religion » ou « la science ». Comme si la foi et l’esprit critique n’allaient pas l’un sans l’autre et ne s’enrichissaient pas mutuellement. Et comme si marcher ne consistait pas à user alternativement du pied gauche et du pied droit sans forcément se casser la figure…

De l’invocation du droit à l’impensé de la technique

Malgré toute la sympathie que l’on peut éprouver pour les dessinateurs de Charlie (j’en connais personnellement un, qui était absent dans les locaux du journal le jour de l’attentat), le « droit au blasphème » m’apparaît comme un pitoyable argument. Le droit ?… Mais un droit institué par qui et pourquoi ? Moi qui pensais que les satiristes revendiquent une « sensibilité anarchiste », dois-je comprendre qu’ils attendent de l’État qu’il légifère afin qu’il puissent exprimer leur insolence en toute quiétude ? De même, j’interroge ceux qui, par millions, ont « été » (ou « suivi »…) Charlie : n’ont-ils pas sous-évalué la question de la figuration de Mahomet par la « communauté musulmane » dans son ensemble, caution tacitesur laquelle auraient « surfé » ensuite les terroristes ? Si régulièrement, des imams condamnent les attentats, cela ne saurait effacer les remarques de mes élèves musulmans : « mais monsieur, ils ont insulté notre prophète ! » Leur seule parole me prouve que la condamnation des attentats est loin d’être unanimement partagée par les musulmans et que l’hypocrisie a cours partout, en islam comme ailleurs. Pourquoi du reste en serait-il autrement ?

Mon propos serait islamophobe si je devais le conclure ici, c’est pourquoi il me faut en dire plus. Affirmer que la liberté d’expression doit être défendue coûte que coûte est une imposture. Samuel ayant enseigné la liberté d’expression et cela lui ayant coûté la vie, il est stupéfiant que Jean-Michel Blanquer voit en lui un martyr. Un martyr, c’est une personne prête à mourir pour une cause, comme ces cinglés d’Allah. Nulle personne sensée ne voulant endosser ce rôle, le ministre devrait-il alors recommander aux professeurs de ne plus montrer la moindre caricature de prophète aux élèves, comme certains le suggèrent et comme Samuel lui-même l’envisageait peu avant sa mort 17 ? Ce serait hélas se soumettre à l’Islam, religion de la soumission, et enclencher une myriade d’autres tractations. En d’autres termes : faut-il opter entre la liberté absolue (au nom de la lutte contre l’obscurantisme) ou récuser le blasphème (au nom du respect d’autrui) ? Cette question, qui revient dans les débats de façon obsédante, n’est litigieuse qu’en raison d’une confusion entre « droit » et « responsabilité individuelle », si bien que ces débats enlisent inévitablement aussi bien nos gouvernants que les commentateurs. Tous en commun de ne pas prendre certains facteurs en considération. J’y viens.

Face au terrorisme, l’État invoque la laïcité : bien plus que toutes les églises réunies, il recommande de rendre à César ce qui lui est dû et idem pour Dieu. Pour ce faire, il argue qu’il faut séparer la vie privée et la vie publique : « tu peux croire en n’importe quel dieu du moment que ta croyance ne dépasse pas le périmètre de ta paroisse » (… ou « ta communauté »). Cet argument a pu marcher un temps mais ça ne peut plus être le cas aujourd’hui. Allons dire en effet à tous celles et à ceux qui, à longueur de temps, étalent leurs libidos sur les réseaux sociaux qu’il faut, dans cet espace public qu’est l’École, séparer vie privée et vie publique ! Quelle valeur accordent-ils aux espaces publics, dûment règlementés, en regard de ces réseaux où ils peuvent librement exprimer leurs pulsions ?

Grâce aux réseaux sociaux, les fake news, (…) ont le vent en poupe.

Beaucoup semblent ne découvrir qu’aujourd’hui le fait que, d’un simple tweet, une lycéenne peut répandre une rumeur sur son professeur au point de le condamner à mort. Et tous de clamer alors qu’il faudrait que lesréseaux sociaux censurent ce type de message de façon réactive. Comme si Twitter et Facebook ne siégeaient pas aux Etats-Unis, pays de la liberté d’expression à tout crin, et comme si, il y a quatre ans, personne n’avait pu empêcher un cinglé d’utiliser l’obscénisation de l’expression en ligne (à commencer la sienne) pour accéder à la Maison Blanche ! Cela fait des lustres qu’écrans et claviers captent et captivent les foules : par millions, des individus se défoulent grâce au fantastique « progrès » qu’est internet. Ils sont prêts à y mettre le prix le plus élevé pour continuer de s’y aliéner et d’autres prêts à encaisser ce prix. Et comme il faut bien faire marcher l’économie, idolâtrie de la croissance oblige, l’économie marche ! A quel prix ? Celui de la nomophobie, terme que je traduis ainsi : « angoisse existentielle caractérisée par le sentiment irrépressible de ne pouvoir approcher son prochain autrement que de manière médiatisée ».

Il y a dix ans, j’avançais que ce qui met le capitalisme en situation de surmonter toutes ses crises, c’est la capacité sans cesse croissante des algorithmes à rétroagir aux obstacles. Il ne sert t à rien de critiquer le capitalisme tant que les infrastructures qui le sous-tendent sont considérées comme neutres[ref]Joël Decarsin, « Définanciariser l’économie ? La véritable révolution intellectuelle », Le Monde, 19 décembre 2011.[/ref]. Je m’appuyais alors sur ce que Jacques Ellul indiquait dès les années 1950, bien avant internet : il est désormais illusoire de croire que l’on peut moraliser quoi que ce soit dès lors que la quête d’efficacité maximale se substitue à toute autre valeur. Affirmer que l’Islam ébranle les valeurs de la République est une bêtise : la sacralisation de la technique les a sapées depuis belle lurette[ref]Jacques Ellul, La technique ou l’enjeu du siècle, 1954. 3e édition Economica 2008.[/ref]. Même chose pour la liberté d’expression : si un détraqué a assassiné Samuel, c’est essentiellement parce que « trop d’info tue l’info » et que l’excès de quantité (infobésité) ne peut que provoquer un déficit qualitatif (fake news, « l’ère post-vérité »). Or s’il en est ainsi, c’est que les claviers, les écrans, les câbles, les circuits imprimés, les ondes… incarnent la raison de vivre de milliards d’individus et que ceux-ci refusent obstinément de le reconnaître. C’est précisément en raison de ce déni de réalité que la technique est devenue un impensé.

L’occident entend donner des leçons de démocratie à l’islam mais au nom de quoi ? Une civilisation qui ne doute de rien, surtout pas d’elle-même, et qui use de mille justifications pour parvenir à ses fins. Autrefois, avec le soutien des églises, il invoquait les évangiles pour coloniser le monde et piller ses richesses. Aujourd’hui, en régime de mondialisation, il promeut le progrès technique et enfume la planète entière avec ses mythes à la noix : « révolution numérique »[ref]Comme le résumait un jour un journaliste, « Les gens acceptent de parler de révolution numérique mais, quand ils accolent ainsi “numérique” à “révolution”, ils éteignent l’idée même de révolution ». Xavier de La Porte, « Hé, les politiques, arrêtez de parler de “révolution numérique” ! », France Culture, 19 janvier 2017.[/ref], « intelligence artificielle » … Régulièrement, il rejoue la comédie des Sommets de la Terre pour mieux occulter le coût écologique des data centers et de « l’innovation », il vante la liberté d’expression en faisant comme si la technique sacralisée ne minait pas la liberté tout court : non seulement le fichage biométrique, la télésurveillance, et la géolocalisation mais aussi toute la machinerie administrative et judiciaire (je ne cite ici que l’état d’urgence et son cortège de lois liberticides). En définitive, ce qui menace suprêmement la liberté d’expression, ce n’est pas l’État mais la pollution de l’expression elle-même par une myriade de techniques : pour la majorité des humains, « l’expression », c’est en effet en premier lieu celle véhiculée par les techniques publicitaires omniprésentes, qui détériorent le cerveau à peine l’on quitte le berceau, auxquelles chacun a fini par s’habituer et face à la puissance desquelles les éducateurs les plus chevronnés sont littéralement démunis. Pensons aussi à toutes les techniques de « communication interne », relations publiques et autres « fabriques du consentement » ; aux techniques d’information, du prêt-à-penser et autres « messes du 20 heures »… Non seulement l’ensemble des techniques de propagande venues du fantasmatique Big Brother mais aussi celles que tout un chacun met en œuvre dès lors qu’il s’active sur les réseaux soi-disant sociaux et devient à son tour créateur de média. Grâce à cette « chose », le quidam peut certes diffuser des images de flics-voyous à l’œuvre (noble cause) mais aussi – et bien plus fréquemment hélas – les fake news les plus folles et toutes les théories du complot possibles et imaginables. Alors… puisque toutes ces techniques structurent désormais une gigantesque toile et sont collectivement considérées comme essentielles, essentialisons-les et ne nous retenons pas de désigner LA technique.

Je sais qu’il peut sembler provocateur d’affirmer que la liberté d’expression est une chose secondaire au moment où l’État français multiplie les lois liberticides mais je pense précisément que si l’État peut se permettre une telle offense, c’est parce qu’il a été sacralisé il y a au moins plus de deux siècles et qu’il le reste : dans notre nation jacobine plus que dans toute autre, ses grands commis se sentent toute légitimité pour faire ce que bon leur semble. Et pour être tout à fait complet, il faut préciser d’où vient cette sacralisation de l’État, d’où vient le fait qu’on attende tout de lui comme on attendait tout de Dieu autrefois. Je cite ici Ellul : « L’homme n’est pas du tout passionné par la liberté, comme il le prétend. La liberté n’est pas un besoin inhérent à la personne. Beaucoup plus constants et profonds sont les besoins de sécurité, de conformité, d’adaptation, de bonheur, d’économie des efforts… et l’homme est prêt à sacrifier sa liberté pour satisfaire ces besoins. […] [Certes], il ne peut pas supporter une oppression directe. […] Être gouverné de façon autoritaire, être commandé, cela lui est intolérable non pas parce qu’il est un homme libre mais parce qu’il désire commander et exercer son autorité sur autrui. […] L’homme a bien plus peur de la liberté qu’il ne la désire »[ref]Jacques Ellul, Éthique de la Liberté, tome 1, 1973 ; Ouvrage réédité en 2020.[/ref]

Si l’éducation civique doit être « renforcée » auprès de notre jeunesse, ce n’est certainement pas dans le sens d’une promotion d’une quelconque liberté d’expression mais celui d’une double obligation. D’une part repenser intégralement la notion de liberté : ne plus limiter celle-ci à liberté de s’exprimer ou de voter mais à l’exercice de la responsabilité individuelle, librement de toute figure d’autorité, que ce soit Dieu ou l’État ; d’autre part,penser la technique sous tous ses aspects, cesser de l’assimiler systématiquement à un progrès, réaliser qu’elle donne à tout un chacun (à commencer par le plus fada des humains) le moyen de créer du chaos. Les Lumières ont élevé l’esprit critique au rang de valeur et l’art de la caricature en est un beau symbole. Il lui reste à présent à pratiquer avec autant de zèle l’art de l’autocritique. Comme dirait l’autre : retirer la poutre flanquée dans son œil au lieu de se focaliser sur la paille glissée dans l’œil du voisin pour n’avoir de cesse de s’en moquer.

J. D.

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5 réflexions sur “Samuel Paty et les caricatures. <span class="pt_splitter pt_splitter-1">La liberté d’expression, une question secondaire</span>

  • ” Soumission ; Religions “, ” Liberté ; Droits Républicains ”
    Sinon, aucun “Oui, mais…” n’est recevable. Même en milliers de mots.

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  • HEROUARD

    Le Coran n’interdit pas les images figuratives, pas plus que les hadith, y compris la représentation du prophète. Il en est d’ailleurs de magnifiques, persanes essentiellement. Je doute hélas, cher Joël, que l’argument factuel puisse ébranler la conviction de tes élèves les plus endoctrinés : v.lien bien documenté : 1INDICE45fr_1indiceeesp-qxd-afkar45_images_mahoma_gruber.pdf

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  • Etoile

    Liberté d’expression, de caricature, de blasphème… Liberté de pensée.
    Des-Bâtons, débattons, en effet !

    Mais passons au consensus récent de la doxa occidentale, au sujet des caricatures de Mahomet : le droit de caricaturer et de blasphémer…

    Ah ! C’est un droit… Il est national français, européen, mondial ? Dérivons joyeusement… Liberté de s’exprimer, vraiment ? Quand on n’est pas d’accord avec son gouvernement, avec les vaccins, la 5G, la télésurveillance, les violences policières entre autres contestations… Est-ce possible de s’exprimer, de caricaturer, de blasphémer sans être classé comme complotiste ? No comment…

    Mais regardons plus loin, plus largement. Il y aurait 7,7 milliards d’individus dans le monde en 2019, pour presque 2 milliards de musulmans, qui eux ne voit pas la liberté d’expression de la même manière.
    Dans les faits malheureusement les caricatures de Mahomet, englobent bien plus que la seule liberté d’expression. On ne peut les réduire à la seule liberté de caricaturer. C’est simplifier, isoler, voire oublier volontairement ou par ignorance, les autres aspects auxquels les caricatures sont indéfectiblement liées. La doxa musulmane, par son silence sur ce sujet, à tord ou à raison, attend que les occidentaux se penchent intellectuellement sur leurs lois religieuses, les comprennent, les respectent ou pour le moins en fasse cas. Pas facile. Pas simple. Pas suffisamment documenté. Pas explicite… Alors de quoi qu’on cause in fine ?

    Regardons les choses en face : Les caricatures de Mahomet de Charlie (L’attentat fit 12 victimes) se trouvent être reliées à la fatwa lancée le 14 février 1989 par l’imam Khomeini contre Salman Rushdie, pour ses “Versets sataniques” qu’il jugea “blasphématoires”(Au moins 47 victimes depuis). Une liberté d’expression qui n’existe pas en terre islamique; lorsque l’on touche au prophète Mahomet. Seul le texte du Coran, qui est la parole divine incrée, fait foi et loi et ne peut être contesté. Cette version est celle des sunnites. La version des chiites, qui se réclament d’Ali, le neveu du prophète évincé du pouvoir, est une version plus ouverte à une évolution possible de nouveaux sens de compréhension du Coran,même si pour l’heure, ils se sont ralliés à la version classique en vigueur. Il n’en demeure pas moins, au sujet de la représentation humaine par dessin et sculpture, qu’elle est prohibée, même si on ne retrouve pas un texte précis qui le signifie exactement. Il ne faut pas vouloir imiter Dieu en créant la vie de quelque manière que ce soit. Dieu étant le seul et l’unique à pouvoir le faire.
    Maintenant comment apaiser ces concepts opposés ? Je n’ai pas de recette, si ce n’est faire preuve de bon sens, de compréhension, de respect des uns et des autres … Pas facile pour chaque partie de faire en paix, un pas vers l’autre..

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  • DECARSIN

    L’Islam est bien plus qu’une religion, c’est une culture. Et la culture musulmane, bien évidemment, n’interdit pas l’art figuratif (pourquoi le ferait-elle ?). La religion musulmane, en revanche, sans l’interdire explicitement (du moins pas à ma connaissance), s’en détourne systématiquement. Quiconque prend quelques minutes pour feuilleter un livre sur les arts de l’Islam peut s’en rendre compte aisément par lui-même

    Pour mieux souligner le distinguo entre “culture” et “religion”, je précise qu’on ignore souvent que Mahomet étant également un chef de guerre, la culture musulmane nous a laissé plusieurs portraits de lui en tant que tel.

    Pourquoi la religion musulmane se détourne t-elle alors systématiquement de la figuration (et pas seulement celle de Mahomet) ? C’est précisément le propos de mon article de le démontrer. C’est parce que la religion musulmane est celle d’un dieu désincarné, éternellement invisible, à l’opposé diamétralement de la religion chrétienne, religion du dieu incarné dans l’histoire.

    C’est pourquoi du reste l’art de la chrétienté est entièrement focalisé sur la figuration : il faut attendre le début du XXe siècle pour qu’il s’intéresse à l’abstraction (Malévitch, Mondrian, Kandinsky…). Et à cet égard, il est intéressant de savoir ce qu’Ellul dit de l’abstraction : elle est la figuration même du système technicien en tant qu’impensé de l’occident (“L’Empire du Non sens”, 1980).

    La remarque d’Hérouard me semble toutefois intéressante car révélatrice d’un ensemble de jugements à l’emporte-pièce dont l’Islam est l’objet. Savoir de quoi on parle, c’est tout un art !… 🙂

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  • Le hic des caricatures d’un personnage historique arrivé à un tel point de *soumission* précisément, affirme par le dessin **l’insoumission** à un tel usage de ce que l’on fait d’un tel personnage.

    Et cette “liberté d’expression” se souligne dans cette *insoumission* manifeste et manifestée. C’est dénier la *valeur* d’un tel personnage, je veux dire, la puissance de pouvoir que l’on peut obtenir sur autrui de son usage… comme l’argent, par exemple

    Si je crois pour subsumer mon âme, que m’importe qu’on triture la véracité de l’objet sur lequel je reporte ma foi : cela ne regarde que moi, en mon for intérieur. Et quand je perçois qu’on avilit cette “image”, c’est moi qui la garde pure, personne ne peut la souiller.

    Il s’agit donc de l’usage d’une image comme point d’appui d’un pouvoir sur autrui, pas de foi.

    La caricature montre une insoumission à une telle conception du monde, et la personne soumise (en manque de pouvoir sur son monde) ne peut comprendre qu’on remette en cause le fait qu’on ne veuille pas me soumettre à elle, le fait que je sois mé-créant (ou mé-croyant), car on montre par l’exemple qu’une insoumission est possible, sinon nécessaire.

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