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Elections et langue de bois. « Le message des Français a été entendu »

elections-baratin-politiqueAyant, ce dimanche, un peu succombé au charme télévisuel des soirées électorales, me voici sur France 2 en son concentré de niaiseries verbeuses. Une sorte de consommé, comme on dit dans les restos qui se la jouent en vous servant une vulgaire soupe, à l’occasion fraîchement sortie de sa boîte à conserve.

Ce n’est pas nouveau, certes, mais à chaque fois il semble que le progrès soit dans ce domaine en marche constante. À l’image du « Point Godwin », je me suis amusé à guetter le « Point Baratin Politique », ou Point BP – non pas une pompe à essence, plutôt une pompe à air, propice à générer du vide et à épuiser la démocratie.

Rappelons en passant la définition de la « Loi Godwin » : « Plus une discussion dure longtemps, plus la probabilité d'y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1. » Ainsi, dans un débat, un interlocuteur se discrédite quand il atteint le point Godwin, vérifiant ainsi la loi du même nom.

Donc ce Point BP a été très vite atteint, d’ailleurs à l’ouverture des micros, pour ce « debriefing » post électoral qui avait tout de la réunion de type managérial qui égaie tant le quotidien des patrons et autres cadres d’entreprises; par exemple, quand ils viennent d’emporter un appel d’offres ou, au contraire, de le perdre, et qu’il faut tirer des enseignements, régler des comptes, redéfinir des postes, mettre untel au placard, pousser tel autre au suicide, et toutes ces joyeusetés modernes de la sociabilité entrepreneuriale – beurk !

À l'origine, la « langue de bois » était la « langue de chêne », expression utilisée par les Russes, avant la révolution bolchevique, pour qualifier le style administratif dans la bureaucratie tsariste.

Et là, puisque la parole fut illico donnée à Ségolène Royale, c’est elle qui, sans barguigner, décrocha le pompon avec un glorieux : « Il faut mobiliser les énergies et libérer les forces créatrices ». Joli. Bien vite, la voici secourue par un Pierre Moscovici en grande forme (il vient de perdre sa mairie) : « Il est difficile de réformer un pays comme la France ». Forte pensée qu’il tenta de nuancer : Il fallait «prendre acte» de ce qui s'était passé et reconnaître «un déficit d'explication». « Faire sens » a  cru devoir renchérir Ségolène Royal. « En tant que responsable politique, nous ne pouvons pas ne pas tenir compte du résultat » a ensuite lâché Michel Sapin, impérial (après Royal, c’était bien le moins).

Puis vint Jean-Pierre Raffarin et ses fameuses raffarinades, ici en trois points dont il ne resta que deux mots-clés : « chômage » et « changement ». Le niveau montait. Pas tant qu’avec l’ineffable Henri Guaino, la « plume » de qui-l'on-sait, qui a tenté des envolées à base d'État, de Nation, de frontières, d'idées… Plouf. Heureusement, Marine Le Pen claironnait la fin du vieux monde UMPS, prophétisant la révolution frontiste. Tandis que Cécile Duflot, elle, revenait aux « fondamentaux » : « Moi, si j'étais un Français ou une Française, je ne sais pas si…» Rama Yade voyait quant à elle, l’occasion rêvée de relancer la marque UDI, moyennant un  "correctif en communication". Bruno Lemaire, enfin, avait la colère directoriale et Laurent Wauquiez, l'éloquence commerciale.

Pujadas et Delahousse se démenaient en gentils animateurs de réunion à l’usage des PDG de la politiquerie, ce vaste domaine mondialisé de la parole verbeuse auto-dévaluée et qui menace le monde de la pensée comme le CO2 le climat de la planète.

Mais que « les Français se rassurent », « leur message a été entendu ».

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

12 réflexions sur “Elections et langue de bois. « Le message des Français a été entendu »

  • Ouvrons les yeux, fer­mons la télé !
    On ne rega­gne­ra l’air libre qu’en trouant la couche de conne­rie ambiante qui nous asphyxie…

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    • Gaffe aux solu­tions uniques, figures impo­sées – par quoi ? Par ses propres limi­ta­tions aus­si. La télé, ce n’est pas le poi­son abso­lu. Ce qui la rend dan­ge­reuse, c’est l’a­veu­gle­ment cri­tique, le regard dis­tan­cié qu’on le lui oppose pas. Ne pas la voir (en pein­ture) c’est aus­si se pri­ver d’une repré­sen­ta­tion du monde qui tend – bien sûr, hélas, mais com­ment l’empêcher ? – à domi­ner les esprits. Autant ne pas cas­ser le ther­mo­mètre pour voir mon­ter la fièvre, non ?

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      • Lafoureste

        Oui, c’est bien la ques­tion, celle de l’es­prit cri­tique : refu­ser d’a­va­ler les cou­leuvres, toutes les cou­leuvres ! Politiques, pseu­do-scien­ti­fiques, reli­gieuses de toutes obé­diences. Merci d’y contribuer !

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  • Bin alors… Venelles, 13770, The Elections en prime-time ?… Bref, le mot d’ordre, de gauche à droite et de la Droite à la Gauche, était « tra­vail », pour les 6 ans à venir… Haut les cœurs !

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  • Ce qu’il faut, amphète, c’est faire bou­ger les lignes, et ça, ça va dans le bon sens, amphète, sinon on dis­pa­raî­tra des radars. On a eu trop le nez dans le gui­don, amphète, aus­si il faut réduire la voi­lure. Je sais, ça va faire du buzz, de quoi par­tir en live, amphète. Mais n’y a‑t-il pas eu, amphète, une erreur de casting ?

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  • Euh… R.C,… il a dit …et redit, adap­ter l’al­lure à la voi­lure ! En fait, c’est pour dire, qu’a­voir des lignes droites ou gauches dans la tête, changent le tem­po, mais ne font pas le virtuose.

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  • Dominique Dréan

    Tout ça c’est de l’his­toire ancienne : ce soir on impro­vise, par­don, on rema­nie. Le chan­ge­ment c’est main­te­nant. Encore main­te­nant, tou­jours maintenant !

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  • Impossible… Quoiqu’on dise ou fasse, la terre tourne et conti­nue­ra. Donc pas de point de non retour. Juste une boucle sans fin, répé­ti­tive, avec divers aléas. Tiens ça me fait pen­ser à Philip Glass, ça.

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