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AUSCHWITZ. France Inter fait entendre « l’inépuisable chagrin de l’affront à l’espèce humaine »

L'image peut tuer l'imaginaire. Le son le stimule bien plus souvent. Hier à la télé des images d'Auschwitz: l'horreur distanciée par le média qui fait écran et se termine sur une autre image, comme un aveu: la carte postale d'un coucher de soleil sur le camp de la mort… Le joli de la marchandise comme un outrage… Bref. Mais ce matin, en une minute sur France Inter – gloire à la radio quand elle monte si haut! –, Caroline Cartier, avec son "Cartier libre" quotidien, nous fait entrer dans l'horreur nazie. Sans besoin d'aller sur place.

Un homme parle; on croirait entendre un jeune homme. Il a 83 ans pourtant, dont deux en enfer, à Auschwitz. Il fait partie des 3% de juifs ayant survécu à l'horreur de la déportation dans ce camp de la mort. Sa sœur de 15 ans et sa mère n'en sont pas revenues. Il y a soixante ans. Charles Palant parle d'une voix claire, et sans haine. Il raconte ses premiers moments d'homme rendu à la liberté – 23 ans, 39 kilos – quand, avec un compagnon survivant, après une heure de marche, il frappe à la porte d'une ferme polonaise pour y quémander à manger. On finit par ouvrir. "Un vieux monsieur dira: ’Bien sûr que nous savions qu'il se passait des choses horribles là-haut…’ "

Charles Palant poursuit son récit, sa gorge se serre. On le voit alors, "là-bas", venu de "là-haut"… On le voit, prenant un enfant sur ses genoux, dire à la maman (sans nouvelles de son homme): "Savez-vous combien j'en ai vu partir pour la chambre à gaz avec leur jouet à la main ?" Tous deux pleurent. Charles, dont on sent poindre les larmes à nouveau, continue son récit, sublime : "Je ne me souviens pas d'avoir été habité par la haine; mais plutôt par l'inépuisable chagrin de l'affront fait à l'espèce humaine. On a construit une industrie de mort; des ingénieurs se sont penchés sur des plans; des techniciens ont éprouvé leur faisabilité; et des salopards ont gagné des millions de marks! Des gens qui, le soir, rentraient chez eux, caressaient la tête de leurs enfants, et s'asseyaient, peut-être une main sur la tête de leur chien pour écouter la radio et s'informer sur ce que devenait le monde…"

"Cette dimension des choses, il faut la cultiver. Il ne faut jamais oublier qu'il y a un système de déviation humaine – inhumaine, dirais-je – qui est toujours possible. Quand j'entends un monstre aujourd'hui dire que l'Occupation en France, après tout, ça n'a pas été si inhumain…!

"C'est pourquoi je n'ai pas déserté les chemins où cette conscience m'a conduit. Me souvenir que le nazisme, ce n'est pas un mal tombé du ciel, c'est un mal utilisé au prix de la terreur, de la mise à mort et de toutes les compromissions possibles, qui a failli emporter l'espèce humaine."

Voilà, j'ai recopié, à la parole près. Et, ce faisant, tout en mettant les paroles en mots, je me suis trouvé pris par une émotion autre, plus forte encore qu'à la première écoute. Car cet homme-là, si grand dans sa dignité, ayant survécu à l'abject, porte en lui la plus belle part de l'espérance humaine. J'aimerais l'embrasser.

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Une réflexion sur “AUSCHWITZ. France Inter fait entendre « l’inépuisable chagrin de l’affront à l’espèce humaine »

  • marie-rose jauffret

    pour­quoi ? parce que cela c’est pas­sé sous les yeux de nos parents ou grands-parents voire arrière grands-parents qui ont pu etre soit aveugles, com­plices mais le plus sou­vent ter­ri­fiés et impuissants
    d’au­cuns ont espé­ré que la mémoire put per­mettre d’é­vi­ter les mas­sacres per­pé­trés par la suite

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