OPIF. C’est pour un sondage !
Quand on voit ce qu’on voit avec les sondages… Et quand on sait comment, par qui et dans quelles intentions ils sont commandés, bricolés, commentés, interprétés… On a bien raison de continuer à se méfier et de penser ce qu’on pense. Témoignage d’un sondé sur un sujet même pas vraiment politique. Quoique.
par Christian Le Meut*
J’ai été sondé, il y a quelques mois, par téléphone pour le compte de l’Ifop, institut de sondage célèbre installé à Paris. En quelques minutes, une foule de questions m’ont été posées sur mon âge, ma profession, situation de famille, opinion politique, vote au premier tour des dernières élections législatives, etc.
L’objectif était de me poser plusieurs questions sur le thème suivant : “Si vous connaissez quelqu’un qui peut s’acheter un ordinateur, qui a assez d’argent pour le faire, et qui ne le fait pas, que pensez-vous ?” La même question était posée pour le téléphone portable et pour quelques autres ustensiles du même acabit.
Seulement voilà, il fallait choisir impérativement parmi trois réponses :
- 1 : Vous pensez que cette personne est avare.
- 2 : Vous pensez que cette personne est dépassée.
- 3 : Vous pensez que cette personne a bien raison.
J’ai tenté d’expliquer à mon interlocuteur que je ne pouvais pas répondre en général comme cela. Chacun est libre d’acheter ou pas un ordinateur ou un téléphone portable. Si je connais quelqu’un de suffisamment aisé qui aurait besoin d’un ordinateur portable et qui n’en achète pas, je peux effectivement penser soit qu’il est près de ses sous, soit qu’il ne saura peut-être pas l’utiliser. Mais il y a beaucoup de gens qui n’ont pas besoin d’un ordinateur alors qu’ils pourraient s’en acheter, et qui ont bien raison de ne pas s’en procurer si cela ne les intéresse pas...
Il fallait, cependant, donner une seule réponse par question, c’était obligatoire. Alors j’ai répondu, vite et un peu de travers, je ne sais plus très bien quoi. A la question concernant le téléphone portable : “Si vous connaissez une personne qui pourrait acheter un téléphone portable et qui ne le fait pas, qu’en pensez-vous?”, j’ai répondu : “Elle a bien raison” car je ne suis pas fou de ces engins, surtout quand je les vois dans les mains de personnes en train de conduire... Mais, finalement, mes réponses ne valaient pas grand-chose et ce sondage non plus...
Ah, une autre question m’a été posée : si je connaissais des sites internet où commander des fleurs. Aucun, netra bed ! Zéro à l’interro ! Quand je veux acheter des fleurs, je prends mes jambes à mon cou et je vais jusqu’au magasin le plus proche. Je choisis les fleurs que je vois et je discute avec la ou le fleuriste. Pourquoi donc commander des fleurs sur internet ?
Mais à vous de répondre au sondage suivant : “Si vous connaissez quelqu’un qui pourrait commander des fleurs sur internet et qui ne le fait pas, que pensez-vous ?”
1 : Qu’il est près de ses sous.
2 : Qu’il est un peu dépassé.
3 : Qu’il a bien raison !
Ce sondage ne sera pas fait pour le compte de l’IFOP, mais de l’OPIF ! Un changement de sigle qui ne change pas grand chose, au bout du compte.
* la version en langue bretonne de ce témoignage est accessible sur : rezore.blogspirit.com
« Au fond de vous-même », hein ?
La dernière trouvaille des marchands d’opinion – et de leurs commanditaires, en l’occurrence France 3 et France Info – vaut son pesant d’entourloupe ! Je l’ai trouvée dans Midi Libre [12/04/05] après l’avoir aussi entendue dans le poste. Mais je ne trouve pas trace directe du sondage en question, ni donc de la question initiale.
Toujours est-il qu’on fait flèche d’un « 36% » obtenu à l’arraché – d’ailleurs on ne sait trop comment, par quel bricolage et autre induction des sondés. Du genre : « Bon, d’accord, vous êtes en majorité pour le non. Mais “au fond de vous-même”, cherchez bien, vous seriez pas quand même pour le oui ? Ah ! vous voyez bien ! Fallait juste gratter un peu. Allez merci, fallait pas désespérer ! » Et d’imaginer la suite, sur France Europe Express et sa Christine en chef de train-train.
J’ai été sondé qu’une fois.
On m’a demandé si ça m’avait fait mal.
J’ai dit non.
Ca a donné une bonne image du sondeur.