Alerte humanitaire ! Carlos Ghosn en passe de s’immoler par le feu
– Un homme de 42 ans s'est suicidé par le feu devant une agence de Pôle emploi à Nantes, mercredi 13 février en milieu de journée.
– Le PDG de Renault, qui perçoit plus d’un million d’euros pas mois, veut bien en reporter 30% jusqu’à 2016. A condition que…
Je sais, le procédé pourrait être facile et même démago, celui d'amalgamer deux faits apparemment distincts. C’est qu’au contraire, j’y vois un lien, et même plusieurs.
Le lien premier, c’est l’injustice de ce monde où s’exposent dans une même et insolente outrance pauvreté et richesse. Plus précisément : extrême pauvreté et extrême richesse. Un monde, d’ailleurs, où règnent les extrémismes de toutes sortes : financiers, économiques, politiques, écologiques, religieux, moraux, artistiques… Autrement dit un monde de l’extrême violence, possiblement au bord de l’explosion, comme en une fin de civilisation.
Les autres liens, appendices du principal, tiennent aux deux faits eux-mêmes.
Comme on ne va pas manquer de le rappeler – nécessité défensive de la bonne conscience sociale – le suicide est un acte complexe aux causes multiples, touchant l’intime, et caetera. Ajoutons : aussi un acte de courage et de liberté, parfois. Au delà de l’interrogation philosophique, il s’agit de ne masquer en rien l’âpreté de notre monde et de nos sociétés « modernes », ce qui veut dire sauvages.
Comment peut-on en arriver à ce point de désespoir, exprimé dans deux courriels ? :
Mardi 12 février, 10 h 12 : "Aujourd'hui, c'est le grand jour pour moi car je vais me brûler à Pôle emploi. J'ai travaillé 720 h et la loi, c'est 610 h. Et Pôle emploi a refusé mon dossier."
Mardi 12 février, 12 h 55 : "Je suis allé à Pôle emploi avec 5 litres d'essence pour me brûler, mais c'est fermé le 12/02/2013 ; alors ça sera demain le 13 ou le 14, car ce serait vraiment préférable au sein de Pôle emploi merci."
Nous ne sommes pas en Grèce, ni en Tunisie et leurs multiples suicidés. C’est que le désespoir n’a pas de patrie. Il s’est mondialisé en même temps que l’insolente richesse. Celle qui s’étale en un palmarès indécent, tel celui affiché sans vergogne sur le site de l’agence Bloomberg, sous forme d’un trombinoscope des plus riches au monde, classés en milliards de dollars, et « actualisé en temps réel » – car il s’agit d’un jeu de société, un monopoly follement amusant. Les riches ne craignent rien autant que l’ennui – mais peu se suicident, a-t-on remarqué ?
Au moins, grâce à ce site et le temps venu, saura-t-on aisément à quelles sources aller puiser afin de rétablir quelque équilibre salutaire.
Carlos Ghosh, le pauvre, lui qui ne figure même pas dans ce glorieux palmarès ! D’autant moins que ce bon samaritain verse dans le charitable. Selon les gazettes, il pourrait reporter à 2016 le versement de 30 % de sa rémunération variable en 2012, soit environ 430 000 euros. « Cette somme ne serait versée au PDG que dans trois ans, à condition que l'accord en cours de négociation soit validé par les syndicats, puis appliqué, et que certains indicateurs, notamment les volumes de production promis par la direction, soient respectés. »
Même si ce geste se confirme, Carlos Ghosn touchera 2,2 millions d'euros, dont 1 million de rémunération variable. Et c'est sans compter sur sa rémunération chez Nissan, dont il est également PDG, qui est de près de 10 millions d'euros.
Donc, en gros, ce type palpe plus de 12 millions d’euros par an, qu’on arrondira à un million par mois ! Et il a l’outrance de donner l’aumône à ses salariés menacés de Pôle emploi comme le malheureux de Nantes !
Comment peut-on, en ce bas monde si désolé, gagner 1 000 fois plus qu'un chômeur et se regarder dans la glace – tout en se trouvant glorieux de surcroît ?
Ça me rappelle Finkielkraut, sur la radio publique, défendant le bouclier fiscal de Sarkozy et volant au secours du prélevé à 50 % (c’était avant les 75 %, encore le bon temps !): « Il donne la moitié de son manteau, tout de même ! » D’abord, il ne donne pas – n’est pas saint-Martin qui veut… Ensuite, il y a un abîme entre le fait de donner un euro quand on n’en a que deux, et celui de se faire appeler à un devoir de solidarité par une contribution d’un million d’euros sur deux millions de revenus.
Or, Ghosn, lui, consent à reporter 30% de sa maigre paie.
Le vrai problème, c’est bien les trop riches, ceux qui n’en ont jamais assez – les pauvres !
Reste que le suicide est une solution définitive à un problème transitoire.
Certes, il y a des numéros gratuits SOS machin ou Au secours chose. Mais il manque encore quelque chose qui permette au suicidant de ne pas gratter l’allumette comme un bonze désespéré de ne pas vivre les merveilles de la théocratie… Que pourrait-on imaginer ? Il y a quelque temps on avait aménagé une niche tournante (ça s’appelait le tour) dans un mur des hospices où la maman déposait le nouveau-né qu’elle ne voulait plus (ça n’existe plus, et le dernier-né abandonné dernièrement a été déposé à même les marches d’un escalier, heureusement d’une oeuvre sociale, mais on est quand même en hiver !). Peut-on en tirer un enseignement et accoler aux Pôles Empois (c’est prédestiné) un Algeco de l’urgence ? Claude (Guillon), Yves (Le Bonniec), à l’aide ! Si vous êtes toujours en vie, écrivez-nous vite un « Vie, mode d’emploi ».
Tout cela est obscène, bien sûr. Je ne sais où nous conduit la violence croissante de notre monde. On en a déjà parlé : révolution ou pas…
J’ai été bouleversé par ce martyre, mais très choqué aussi par la réaction des gens de pôle emploi qui considèrent avoir fait ce qu’ils devaient. Peut-on dire cela quand le bilan est aussi dramatique ?
Dans un sens inverse, j’ai sous le coude et sur le coeur un autre exemple du laxisme de cette institution. Un jeune homme, après avoir achevé ses études de kiné fait quelques remplacements puis part outre-mer avec un contrat. Au bout de deux ans à peine, il négocie un licenciement avec son employeur ‚rentre en métropole et s’inscrit à pôle emploi.
Il reçoit notification des indemnités aux quelles il a droit : plus de 3000 euros mensuels pendant plus de 500 jours. Pendant cette période, il a eu deux rendez-vous : une proposition d’emploi « ‑Pas possible, je n’ai pas de voiture », puis une rencontre informelle conclue par cette sentence : « N’importe comment, il est inutile que je vous cherche un poste, vous en trouverez quand vous voudrez ». Il arrive bientôt au terme de sa période de repos, peut-être ne recommencera-t-il pas à travailler tout de suite : il a fait un peu d’économies malgré quelques voyages enchanteurs. Je ne lui ai pas caché ma façon de penser. Sa réponse est simple : « je profite du système… »