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Giscard, le chasseur aux 50 éléphants

Son dernier roman (2020) à la couverture parlante. Il semble qu’il n’existe sur internet aucune photo de ses chasses africaines.

[dropcap]Giscard[/dropcap], s’il faut encore en parler après les flots médiatiques. Tout ayant été dit ou montré. Enfin presque. Ne pas trop gâcher le portrait en pied. L'aristo-bourgeois avait acquis quelques lettres de noblesse… en politique, certes, et plus encore en matière immobilière – voyez l’ampleur de son patrimoine sur Wikipédia. Ne chipotons pas… « C’était un homme simple », comme disent les gens simples, peu regardants sur l’orgueil des grands modestes. De même, lui chercher des poux sur une affaire de diamants serait mesquin – il les a payés fort cher, au prix de sa non-réélection – , passons. Mais le chasseur « au gros » – qui se voulait contre la peine de mort[ref]Mais avait refusé de gracier Christian Ranucci.[/ref]–, là, ça ne passe pas à mes yeux amoureux de la nature et de ses merveilles, en particulier les animaux. Voyons :

« Grand amateur de chasse, Valéry Giscard d'Estaing participait notamment aux chasses présidentielles quand le général de Gaulle était chef de l'État. Il a pris part à de nombreux safaris en Afrique et sera même cité dans le Rowland Ward, livre des records des grands chasseurs. On estime qu'il a tué une cinquantaine d'éléphants.[ref]Patrick Pesnot, Les Dessous de la Françafrique, Nouveau Monde Éditions, 2008.[/ref] » [Wikipédia].

Alors voilà : un chasseur de ce type, pour moi, ne peut être foncièrement bon[ref]W. C. Fields :« Un homme qui n’aime pas les enfants et les chiens ne peut être foncièrement mauvais ! »[/ref]. Je veux bien lui passer tout le reste, au titre de la condition d’homme, c’est-à-dire pétri de ses manques, contradictions, faiblesses, mais pas cette abomination.[ref]VGE a toutefois eu la chance d'échapper sur ce chapitre à la vindicte populaire, à l'instar de Juan Carlos, adepte des mêmes pratiques et lieux de divertissement.[/ref] GP

Un beau tableau

[dropcap]Féru[/dropcap] de chasse, Valéry Giscard d’Estaing la pratiquait chez lui, en Auvergne, mais aussi à Rambouillet et à l’international. Sur une photo daté de 1967, publiée par Paris Match, on le voit dans la neige de sa propriété de Chanonat, dans le Puy-de-Dôme. L’inspecteur des finances, comme on sait grand amateur du continent africain, s’y rendait régulièrement pour des parties de chasse en compagnie de chefs d’Etat, dont l’Empereur de Centrafrique, Jean-Bedel Bokassa. Dans un dossier du Canard enchaîné retrouvé sur Internet - et malheureusement non daté - sur le blog d'un opposant à la chasse, on apprend d’ailleurs que les deux hommes étaient “Membres d’honneur” de la Maison de la chasse et de la nature, un “club très fermé”.

On y lit aussi que Valéry Giscard d’Estaing s’adonnait à la chasse au moins deux fois par semaine en France, notamment sur les terres de chasse présidentielle, à Marly, Chambord ou Rambouillet. De (très) grandes parties de chasse, à en croire le chiffrage des bêtes tuées à ces occasions : 140 sangliers auraient ainsi été abattus lors d’une de ces parties à Chambord, lors de la saison 1975-1976, et même “893 pièces à Marly, le 3 novembre 1976”, écrit le Canard enchaîné.

Mais Giscard a aussi chassé le bison en Pologne (fin septembre 78), le mouflon au Tibet (les 19 et 20 octobre 1980), l’ours en URSS … L’article du Canard fourmille d’anecdotes au sujet de ces chasses. Ainsi, sur l’ours soviétique : Janvier 1964. Invité par Khrouchtchev, l'alors ministre des Finances demande à tirer un ours. C'est la période d'hibernation ? N'importe : on enfume la tanière, l'animal sort en bâillant et pan ! Giscard le fusille courageusement.

Ou sur le bison polonais : VGE avait bêtement oublié ses armes à Paris. Elles lui furent apportées par un Mystère 20 du GLAM (Groupe de liaisons aériennes ministérielles).

Une passion dévorante qui a d’ailleurs valu au président de la république d’être qualifié de “viandard” par un garde-chasse cité par l’hebdomadaire satirique. Il fut le dernier président de la République à s’adonner aux chasses présidentielles, qui furent définitivement abandonnées par… Nicolas Sarkozy. [D’après Le Lab politique]

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Gerard Ponthieu

Journaliste, écrivain. Retraité mais pas inactif. Blogueur depuis 2004.

9 réflexions sur “Giscard, le chasseur aux <span class="numbers">50</span> éléphants

  • Gian

    Que res­te­ra-t-il de lui d’es­sen­tiel, sinon qu’il fut l’ar­ti­san de l’is­la­mi­sa­tion de la France avec le Regroupement Familial (qu’il regret­ta plus tard du bout des lèvres – sic – ce qui fait dou­ter de sa capa­ci­té de vision d’homme d’é­tat) ? Cette mons­trueuse erreur risque d’ef­fa­cer tout le reste, y com­pris l’IVG.

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    • Nad

      Pour le regrou­pe­ment fami­lial on peut pen­ser que c’é­tait une erreur, un manque de vision à long terme dus à sa géné­ro­si­té, mais ces par­ties de chasse !
      Ça on ne peut pas lui pardonner.
      Une abo­mi­na­tion, une horreur.

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  • Patrick T

    Très bien ton article sur Giscard le chasseur !
    J’espère que les pachy­dermes l’attendent.

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    • Michael MEIERS

      Ils ont une pro­ver­biale mémoire d’éléphants !

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  • Rémond

    Oui, bien vu ! On pour­rait étendre le sujet aux « actifs » déte­nus par les dif­fé­rents Giscard en Afrique. Comme quoi les affaires et le pou­voir res­tent for­te­ment liés

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  • Binoit

    Il faut savoir choi­sir ses amis. Internet, qui a de la mémoire, nous rap­pelle que Giscard, dont le sep­ten­nat vit le retour en grâce poli­tique de la par­tie de la droite hon­teuse des années de l’oc­cu­pa­tion eut pour ministre du bud­get de 1978 à 1981 un cer­tain Maurice Papon adepte d’un autre genre de chasse : celle aux Juifs sous le régime de Vichy et aux Algériens vingt ans plus tard. Il avait eut, en effet, la mau­vaise idée de lan­cer un contrôle fis­cal contre le Canard Enchaîné qui exhu­ma ces cadavres oubliés d’un pla­card rem­pli à ras-bord. Et l’on sait que la jus­tice prit tout son temps pour le condam­ner en 1998 à 10 ans de réclu­sion pour com­pli­ci­té de crime contre l’humanité.

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  • J’ai été rabat­teur à Rambouillet, mili­taire en 1974, sous Giscard, nous avions été réqui­si­tion­nés, les cages de fai­sans étaient cachées par des bran­chages dans des champs de maïs, ne ser­vant que pour ça, un grillage de 60 cm était ins­tal­lé non loin du che­min où devait se tenir les « tireurs ». Ordre était don­né de ne pas dis­cu­ter avec les invi­tés au cas où ils auraient été aimables avec nous et sur­tout ne pas dévoi­ler l’his­toire des cages et du grillage. Nous devions ratis­ser le champ de maïs en tapant sur les tiges de maïs , je refu­sais comme d’autres de taper, les cages étaient ouvertes, les fai­sans nous fuyaient mol­le­ment, on pou­vait les attra­per en imi­tant un goal.
    Arrivés au grillage , ils étaient obli­gés de s’en­vo­ler et plus haut sur le che­min les « tireurs » tiraient, cer­tains étaient pas vrai­ment tireurs , nous nous deman­dions si nous n’al­lions pas prendre du plomb car ils ne nous voyaient pas. Un copain avait pris un pain de maïs, l’a­vait légè­re­ment éplu­ché, les feuilles en arrière et l’a­vait lan­cé, un invi­té avait canar­dé ce faux fai­san, le copain a eu sa per­mis­sion sup­pri­mé. Rigolade néan­moins ! Les fai­sans plus malins fai­saient demi-tour, le garde à l’ar­rière les canar­dait ! En reve­nant à la mai­son le lun­di je tombe sur un article du jour­nal local où le jour­na­liste expli­quait exac­te­ment ce que j’a­vais vécu, sauf qu’il nous par­lait des chasses royales du 18eme siècle aujourd’­hui révo­lues ! G Lafaille avait fait une chan­son « l’é­lé­phant et le président »

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    • Merci Mario pour cet inté­res­sant témoi­gnage sur la chasse aris­to vue et vécue depuis les coulisses !

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